Le prophète (saws) a fait couper les mains et les pieds d’un voleur multirécidiviste avant de le faire lapider ?

Le prophète (saws) a fait couper les mains et les pieds d’un voleur multirécidiviste avant de le faire lapider ?

 par le collectif sahab-ed-dine

 

1         Introduction

 

Les missionnaires chrétiens avancent l’idée que le prophète (saws) a fait découper un voleur multirécidiviste avant de le faire exécuter par la lapidation. Voilà le hadith en question :

 

حدثنا ‏ ‏محمد بن عبد الله بن عبيد بن عقيل الهلالي ‏ ‏حدثنا ‏ ‏جدي ‏ ‏عن ‏ ‏مصعب بن ثابت بن عبد الله بن الزبير ‏ ‏عن ‏ ‏محمد بن المنكدر ‏ ‏عن ‏ ‏جابر بن عبد الله ‏ ‏قال ‏

جيء بسارق إلى النبي ‏ ‏صلى الله عليه وسلم ‏ ‏فقال ‏ ‏اقتلوه فقالوا يا رسول الله إنما سرق فقال اقطعوه قال فقطع ثم جيء به الثانية فقال اقتلوه فقالوا يا رسول الله إنما سرق فقال اقطعوه قال فقطع ثم جيء به الثالثة فقال اقتلوه فقالوا يا رسول الله إنما سرق فقال اقطعوه ثم أتي به الرابعة فقال اقتلوه فقالوا يا رسول الله إنما سرق قال اقطعوه فأتي به الخامسة فقال اقتلوه قال ‏ ‏جابر ‏ ‏فانطلقنا به فقتلناه ثم اجتررناه فألقيناه في بئر ورمينا عليه الحجارة ‏

 

Sunan Abou Daoud, chapitre sur les peines légales (al hudud), sur le voleur qui récidive, nº 3830 (ou nº 4410 cela dépend de la numérotation adoptée). Source : http://hadith.al-islam.com/Display/Display.asp?Doc=4&Rec=5527

 

Traduction :

Muhammad Ben ‘Abdallah Ben ‘Oubayd Ben ‘Aquîl AlHilâlî nous a rapporté d’après son grand-père selon Mous’ab Ben Thâbit Ben ‘Abdallah Ben Az-Zubayr selon Muhammad Ben AlMounkadir selon Jâbir Ben ‘Abdallah a dit :

« Un voleur fut amené devant le Prophète (que la paix soit sur lui). Ce dernier dit : "Tuez-le." Les gens dirent : "Il a volé, Apôtre d'Allah !". Le Prophète dit alors : "Coupez !" On lui coupa [la main droite].

Il fut amené une seconde fois et le Prophète dit : "Tuez-le." Les gens dirent : "Il a volé, Apôtre d'Allah !" Le Prophète dit alors : "Coupez !" Alors, on lui coupa [le pied gauche].

Il fut amené une troisième fois et le Prophète dit : "Tuez-le." Les gens dirent : "Il a volé, Apôtre d'Allah !" Le Prophète dit alors : "Coupez !" [On lui coupa alors la main gauche].

Il fut amené une quatrième fois et le Prophète dit : "Tuez-le." Les gens dirent : "Il a volé, Apôtre d'Allah !" Alors le Prophète dit : "Coupez !" Et on lui coupa [le pied droit].

Il fut amené une cinquième fois et le Prophète dit : "Tuez-le." Nous l'avons donc emmené pour le tuer. Puis, nous l'avons traîné et jeté dans un puits et enfin nous avons jeté des pierres sur lui. »

 

Le hadith en question est rapporté dans plusieurs ouvrages islamiques :

[1] AlKhattâbî, ma’âlim As-Sunan (معالم السنن), 3/270

[2] AlMaqdisî, As-Sunan wal Ahkâm (السنن والأحكام), 5/477

[3] AlMazî, Tahzîb Alkamâl (تهذيب الكمال), 18/12

[4] Ibn AlMoulakan, Albadr AlMunîr (البدر المنير), 8/672

[5] An-Nasâ’î, Sunân An-Nasâ’î, n°4978

[6] An-Nasâ’î, Boulough Almarâm (بلوغ المرام), n°376

[7] An-Nasâ’î, As-Sunân Al Kubrâ (السنن الكبرى), n°7429

[8] Ibn Hajar Al’Asqalânî, At-Takhliss Al Habîr (التلخيص الحبير), 4/1387

2         Mise au point sur les sciences du hadith

 

Il est vrai que ce hadith a été cité de nombreuses fois dans les ouvrages islamiques, cependant nos amis les missionnaires chrétiens oublient volontairement de donner les explications des savants musulmans. C’est en quelque sorte un mensonge par omission. Nous savons parfaitement, et l’histoire du développement des différentes sciences islamiques le démontre, que les recueils de hadith ne partagent pas la même authenticité que le Coran.

 

« La science du hadith se rapportant à l’information traditionnelle (Ar-Riwâya) comprend la transmission des dires et des actes du Prophète (saws) et leur authentification. En revanche, la science du hadith relative à la (dirâya) est une science qui sert à définir la véracité de la transmission, ses conditions, ses diverses matières, ainsi que l’état des transmetteurs, leurs conditions et les différents caractères juridiques de la transmission. »

Dr. Temsamani Chebagouda, Les sciences du hadith, éditions LeSavoir, p.217, citant ce que l’Imam As-Souyoûtî a rapporté dans son ouvrage « Tadrîb ar Râwî »

 

Il faut donc vérifier le hadith en le soumettant à différentes conditions afin d’en évaluer l’authenticité. Ce dont nos amis les missionnaires chrétiens se sont bien gardés de faire puisque le sujet ne les intéresse visiblement pas.

Pour rappel, un hadith se compose essentiellement de 3 parties :

 

1)      L’Isnad ou la chaine de transmission. C’est la chaine des transmetteurs qui rapportent l’information depuis le dépositaire initial jusqu’au dernier rapporteur de celle-ci.

Exemple : Muhammad ibn 'Ibrâhîm at-Taymy rapporte avoir entendu 'Alqama ibn Waqqâs al-Laythy

2) Le Taraf ou la fin de la chaine de transmission qui introduit le hadith en question.

3) Le Matn ou le texte. Il représente le corps du Hadith.

Exemple : "Tout argent que le musulman dépense pour l'entretien de sa famille, en ne visant rien d'autre que la rétribution d'Allah, lui sera compté pour aumône"

  

1

Isnâd

(chaine de transmetteur)

2

Taraf

(introduction au corps du hadith)

3

Matn

(texte)

 

Ayant ainsi posé très brièvement la science du hadith, rappelons ce que Dieu a dit dans le Saint-Coran :

 يا أيها الذين آمنوا إن جاءكم فاسق بنبأ فتبينوا أن تصيبوا قوما بجهالة فتصبحوا على ما فعلتم نادمين

Traduction approchée :

Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bien clair [de crainte] que par inadvertance vous ne portiez atteinte à des gens et que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait.

[Saint-Coran, Sourate 49 verset 6]

 

Le Prophète (saws) rappelle également ce principe coranique dans plusieurs hadiths authentiques :

 

‏ ‏لا تكذبوا علي فإنه من يكذب علي ‏ ‏يلج ‏ ‏النار ‏

 

« Celui qui ment volontairement sur moi, qu’il prenne sa  place en Enfer »

Ce hadith est rapporté par plus de 70 compagnons du prophète (saws) et il est considéré comme étant « mutawâtir lafzi » (c’est-à-dire notoire verbal). On le trouve notamment dans les ouvrages suivants :

[1] Sahih Al-Bukhârî, n°106

[2] Sahih Muslim, n°1

[3] Abou Na’im, Houliya Al-Awliyâ, 8/431

[4] Ibn Hazm, Oussoul Al-Ahkâm, 1/215

[5] Adh-Dhahabî, Siyar A’lâm An-Nubalâ, 5/410

[6] Ahmad Shâkir, ‘Oumda At-Tafsir, 1/151

[7] Al-Albânî, Sahih Ibn Mâja, n°29

[8] Al-Albânî, Sahih At-Tirmidhî, n°2660

[9] Al-Albânî, Sahih Al-Jâmi’, n°7436 et 7437

Source : http://dorar.net/enc/hadith/%D8%AA%D9%83%D8%B0%D8%A8%D9%88%D8%A7/+d1+yj

 

Ayant rappelé ces petits faits pour nos amis les évangélistes, je vais maintenant recourir à la critique du hadith en 3 parties. Dans la première partie, nous verrons l’authenticité de l’Isnad, ensuite nous analyserons le récit en lui-même et enfin nous ferons quelques remarques supplémentaires quant à ce hadith.

 

3         Analyse de la chaine de transmission – critique extrinsèque

 

La chaine de transmission dudit hadith :

حدثنا ‏ ‏محمد بن عبد الله بن عبيد بن عقيل الهلالي ‏ ‏حدثنا ‏ ‏جدي ‏ ‏عن ‏ ‏مصعب بن ثابت بن عبد الله بن الزبير ‏ ‏عن ‏ ‏محمد بن المنكدر ‏ ‏عن ‏ ‏جابر بن عبد الله ‏ ‏

Traduction :

Muhammad Ben ‘Abdallah Ben ‘Oubayd Ben ‘Aquîl AlHilâlî nous a rapporté d’après son grand-père selon Mous’ab Ben Thâbit Ben ‘Abdallah Ben Az-Zubayr selon Muhammad Ben AlMounkadir selon Jâbir Ben ‘Abdallah

 

Le problème avec cette chaine de transmission du hadith d’Abou Daoud c’est qu’il s’y trouve un certain Mous’ab Ben Thâbit Ben ‘Abdallah Ben Az-Zubayr et les savants ont statué sur son cas.

Bien qu’il a rapporté ce hadith dans ses Sunan tout comme son maitre Abou Daoud, An-Nasa’î considérait ce hadith comme étant Munkar, c’est-à-dire réprouvé ou inconnu en raison de la présence dans la chaine de transmission de Mous’ab Ben Thâbit. 

« [...] An-Nasâ'î a dit : Je ne délaisse un transmetteur que s'il y a eu un accord unanime à l'abandonner [...] »

Dr. Temsamani Chebagouda, Les sciences du hadith, éditions LeSavoir, p.403

Comme nous le voyons, il ne s'agit pas seulement d'An-Nasâ'î à cette époque mais de beaucoup, si ce n'est la plupart, des savants. Le hadith Mounkar est le hadith qui a été rapporté par le transmetteur faible comme l’explique l’imam Ibn Hajar Al-’Asqalânî. Reprenons maintenant toutes les voies par lesquelles ce hadith nous est parvenu et ce dont il a été dit à son sujet.

[1] AlKhatâbî, ma’âlim As-Sunan (معالم السنن), 3/270

خلاصة الدرجة: في بعض إسناده مقال

Degré d’authenticité : Il y a des choses à redire sur une partie la chaine de transmission.

[2] AlMaqdisî, As-Sunan wal Ahkâm (السنن والأحكام), 5/477

خلاصة الدرجة: [فيه] مصعب بن ثابت قال النسائي : ليس بالقوي في الحديث

Degré d’authenticité : [il s’y trouve] Mous’ab Ben Thâbit ; et An-Nasa’î a dit : Il n’est pas fort dans le hadith.

[3] AlMizî, Tahzîb Alkamâl (تهذيب الكمال), 18/121

خلاصة الدرجة: [فيه] مصعب بن ثابت قال ابن معين ضعيف وقال أبو حاتم والنسائي ليس بالقوي وذكره ابن حبان في الثقات

Degré d’authenticité : [il s’y trouve] Mous’ab Ben Thâbit. Ibn Ma’in a dit qu’il est faible. Et Abou Hâtim An-Nasâ’î a dit qu’il n’est pas fort [dans le hadith] et Ibn Hibbâne l’a mentionné dans ses « As-Siqât ».

[4] Ibn AlMoulakan, Albadr AlMunîr (البدر المنير), 8/672

خلاصة الدرجة: في إسناده مصعب بن ثابت وقد ضعفوه

Degré d’authenticité : Il se trouve dans sa chaine de transmission Mous’ab Ben Thâbit et cela l’affaiblit (sous-entendu le hadith).

[5] An-Nasâ’î, Sunân An-Nasâ’î, n°4978

خلاصة الدرجة: منكر ومصعب بن ثابت ليس بالقوي في الحديث

Degré d’authenticité : [le hadith est] Munkar (inconnu) et Mous’ab Ben Thâbit n’est pas bon dans le hadith

[6] An-Nasâ’î, Boulough Almarâm (بلوغ المرام), n°376

[خلاصة الدرجة: [منكر

Degré d’authenticité : Munkar (inconnu)

[7] An-Nasâ’î, As-Sunân Al Kubrâ (السنن الكبرى), n°7429

خلاصة الدرجة: ليس بصحيح ولا أعلم في هذا الباب حديثا صحيحاً عن النبي صلى الله عليه وسلم

Degré d’authenticité : [le hadith est] n’est pas authentique et je ne connais pas dans tout ce chapitre de hadith authentique sur le prophète (saws).

[8] Ibn Hajar Al’Asqalânî, At-Takhliss Al Habîr (التلخيص الحبير), 4/1387

خلاصة الدرجة: في إسناده مصعب بن ثابت وقد قال النسائي: ليس بالقوي، وهذا الحديث منكر، ولا أعلم فيه حديثا صحيحا

Degré d’authenticité : Il se trouve dans sa chaine de transmission Mous’ab Ben Thâbit et An-Nasâ’î a dit : [Mous’ab Ben Thâbit] n’est pas fort dans le hadith ; et c’est un hadith Munkar (inconnu) ; et je ne connais pas de hadith authentique venant de sa part.

 

Voyons voir maintenant voir ce que l’imam historien Ad-Dhahabî a rapporté dans son ouvrage « Siyar A’lâm An-Nubalâ» (سير أعلام النبلاء) au sujet de Mus’ab Ben Thâbit :

 

ضعيف : قال أحمد بن حنبل

وقال النسائي وغيره : ليس بالقوي

وقال أبو حاتم : لا يحتج به

 وروى معاوية بن صالح عن يحيى : ليس بشيء

وقال ابن حبان : منكر الحديث استحق لذلك مجانبة حديثه

Traduction :

Ahmad Ibn Hanbal a dit : [Mus’ab Ben Thâbit est] Faible

An-Nasâ’î et d’autres que lui ont dit : Il n’est pas fort [dans le hadith]

Abou Hâtim a dit : On n’a pas besoin de lui

Mu’âwiya Ben Sâleh selon Yahya a rapporté : Il n’y a rien à retenir de lui

Ibn Hibbân a dit : Hadith réprouvé et il mérite pour cela qu’on mette de côté ses hadiths

Sources :

http://www.islamweb.net/newlibrary/showalam.php?id=1015

et http://ar.wikisource.org/wiki/%D8%B3%D9%8A%D8%B1_%D8%A3%D8%B9%D9%84%D8%A7%D9%85_%D8%A7%D9%84%D9%86%D8%A8%D9%84%D8%A7%D8%A1/%D9%85%D8%B5%D8%B9%D8%A8

De plus, le maitre de l’imâm Al-Bukharî (célèbre expert en hadith), Ibn Ja’far Al-‘Uqaylî rapporte la même chose au sujet de Mus’ab Ben Thâbit dans son ouvrage de référence « Kitâb Ad-Du’afâ » (Le livre des [rapporteurs] faibles) au tome 6, p.25.

Comme nous pouvons le voir, suivant la critique extrinsèque (c’est-à-dire la chaine de transmission), il ressort clairement que le récit n’est pas authentique comme l’a affirmé An-Nasâ’î.

Notons qu’Abou Daoud qui le rapporte également s’est tu à propos de ce hadith sans le commenter (certains disent que cela rend le hadith "hasan" c'est-à-dire bon mais cette assertion fut l'objet de discussion entre les authentificateurs de hadith). Cependant, An-Nasâ’î étant son élève rapporta tout comme lui ce hadith en le déclarant inconnu. Il est bien évident que les vues de l’élève reflètent ceux de son professeur.

Nous pouvons donc dire que le hadith ne passe même pas l’examen de la critique extrinsèque et que l’attribuer au prophète (saws) ne repose sur pas grand-chose.

 

4         Analyse du texte du hadith – critique intrinsèque

 

Passons maintenant à l’analyse du matn (corps) du hadith :

جيء بسارق إلى النبي ‏ ‏صلى الله عليه وسلم ‏ ‏فقال ‏ ‏اقتلوه فقالوا يا رسول الله إنما سرق فقال اقطعوه قال فقطع ثم جيء به الثانية فقال اقتلوه فقالوا يا رسول الله إنما سرق فقال اقطعوه قال فقطع ثم جيء به الثالثة فقال اقتلوه فقالوا يا رسول الله إنما سرق فقال اقطعوه ثم أتي به الرابعة فقال اقتلوه فقالوا يا رسول الله إنما سرق قال اقطعوه فأتي به الخامسة فقال اقتلوه قال ‏ ‏جابر ‏ ‏فانطلقنا به فقتلناه ثم اجتررناه فألقيناه في بئر ورمينا عليه الحجارة ‏

 

Traduction :

 « Un voleur fut amené devant le Prophète (que la paix soit sur lui). Ce dernier dit : "Tuez-le." Les gens dirent : "Il a volé,  Apôtre d'Allah !".  Le Prophète dit alors : "Coupez !" On lui coupa [la main droite].

Il fut amené une seconde fois et le Prophète dit : "Tuez-le." Les gens dirent : "Il a volé, Apôtre d'Allah !" Le Prophète dit alors : "Coupez !" Alors, on lui coupa [le pied gauche].

Il fut amené une troisième fois et le Prophète dit : "Tuez-le." Les gens dirent : "Il a volé, Apôtre d'Allah !" Le Prophète dit alors : "Coupez !" [On lui coupa alors la main gauche].

Il fut amené une quatrième fois et le Prophète dit : "Tuez-le." Les gens dirent : "Il a volé, Apôtre d'Allah !" Alors le Prophète dit : "Coupez !" Et on lui coupa [le pied droit].

Il fut amené une cinquième fois et le Prophète dit : "Tuez-le." Nous l'avons donc emmené pour le tuer. Puis nous l'avons traîné et jeté dans un puits et enfin nous avons jeté des pierres sur lui. »

 

Le contenu de ce hadith contredit non seulement la raison, mais également le Coran. De plus, il contredit plusieurs autres hadiths authentiques sur la question, ainsi que le consensus des juristes sur le statut du multirécidiviste.

 

4.1      Non-sens évident !

 

La première chose qui frappe l’esprit en lisant le hadith c’est certainement son manque de cohérence. Il ne résiste pas un seul instant à la logique.

Nous remarquons que le voleur n’a pas seulement volé une seule fois, mais cinq fois. Je voudrais attirer l’intention du lecteur sur cette improbabilité. Imaginons qu’un voleur vole 4 fois, et qu’il a été attrapé 4 fois. À chaque vol, on lui coupe un membre. Nous pouvons dire qu’à partir de ce moment-là, il ne lui reste ni pieds ni mains.

 Dans ces conditions comment peut-on admettre un seul instant une personne, ayant vu tous ses membres coupés, réussir l’exploit (le miracle !) de voler encore une fois ?

 Peut-être avec sa bouche, mais il faudrait que quelqu’un ait amené notre malheureux voleur près de l’objet à voler… et dans ce cas, il aurait fallu attraper son complice qui aurait pu le faire soi-même au lieu d’utiliser une « épave » pour commettre son délit (ou délire !).

 La deuxième chose qui frappe l’esprit c’est que le prophète (saws) est repris 4 fois par les compagnons qui lui répètent que c’est simplement un voleur et qu’il ne faut donc pas le tuer. Le prophète (saws) aurait émis à 4 reprises un jugement hâtif et à chaque fois il aurait répété les mêmes erreurs ?! Comment est-ce possible ?

Comment est-ce qu’un esprit sensé peut admettre que les compagnons étaient plus au courant des lois que leur propre prophète ? Et s’ils étaient plus au courant que lui, pourquoi ne pas lui avoir coupé la main sans l’interroger sur la question puisqu’ils connaissaient déjà la réponse !

 Soyons sérieux une seule seconde. On ne peut pas admettre la validité d’un tel hadith. Non seulement la chaine de transmission est inconnue, mais le corps même du texte est incohérent et inconsistant.

 C’est peut-être à ceux qui utilisent ce hadith de nous expliquer cela étant donné que nous avons déjà donné les preuves de l’inauthenticité de celui-ci. S’accrocher à du vent pour attaquer l’islam, ce n’est pas sérieux.

 

4.2      Contradiction avec le Coran

 

 Le châtiment de la peine de mort pour le voleur n’existe pas dans le Coran.

 

والسارق والسارقة فاقطعوا أيديهما جزاء بما كسبا نكالا من الله والله عزيز حكيم

 

Traduction approchée :

Le voleur et la voleuse, à tous deux coupez la main, en punition de ce qu'ils se sont acquis, et comme châtiment de la part d'Allah. Allah est Puissant et Sage.

[Saint-Coran, Sourate 5 verset 38]

Ce seul argument est suffisant pour balayer ces allégations. Seule la peine qui consiste à couper la main du voleur et de la voleuse existe, mais certainement pas la mise à mort du coupable.

 

4.3      Contradiction avec la Sunna authentique

 

Le hadith en question en contredit d’autres qui sont authentiques et qui ne laissent pas de place à au doute.

حدثنا ‏ ‏عمر بن حفص ‏ ‏حدثنا ‏ ‏أبي ‏ ‏حدثنا ‏ ‏الأعمش ‏ ‏عن ‏ ‏عبد الله بن مرة ‏ ‏عن ‏ ‏مسروق ‏ ‏عن ‏ ‏عبد الله ‏ ‏قال ‏

‏قال رسول الله ‏ ‏صلى الله عليه وسلم ‏ ‏لا يحل دم امرئ مسلم يشهد أن لا إله إلا الله وأني رسول الله إلا بإحدى ثلاث النفس بالنفس والثيب الزاني والمارق من الدين التارك للجماعة ‏

Traduction :

 ‘Umar Ben Hafs nous a rapporté : mon père nous a rapporté que Al-A’mach nous a rapporté selon ‘Abdallah Ibn Mourra selon Masrouq selon ‘Abdallah qui dit :

L’Envoyé de Dieu (saws) dit : « Le sang d’un musulman, qui atteste qu’il n’y a d’autre divinité de que Dieu et que je suis l’Envoyé de Dieu, n’est permis que dans l’un des 3 cas suivants : vie pour vie, l’homme ou la femme marié(e) commettant l’adultère, l’apostat qui s’écarte de la communauté musulmane. »

 

Sahih Al-Boukhârî, le livre des prix du sang, chapitre 6, n°6878 (ou 6370 selon la numérotation adoptée. Source : http://hadith.al-islam.com/Display/Display.asp?hnum=6370&doc=0&IMAGE=%DA%D1%D6+%C7%E1%CD%CF%ED%CB )

 

Si la mise à mort du voleur, après le 5ème vol, avait été effectivement adoptée par le prophète (saws), qu’il est étonnant de ne pas le voir rappeler ce cas précis dans le hadith !

Ce hadith est répété dans plusieurs recueils :

 

1)      Sahih Mouslim, n°3175. Source : http://hadith.al-islam.com/Display/Display.asp?hnum=3175&doc=1&IMAGE=%DA%D1%D6+%C7%E1%CD%CF%ED%CB

2)      Sunan At-Tirmidhî, n°1322. Source : http://hadith.al-islam.com/Display/Display.asp?hnum=1322&doc=2&IMAGE=%DA%D1%D6+%C7%E1%CD%CF%ED%CB

3)      Sunan Ibn Mâja, n°2525. Source : http://hadith.al-islam.com/Display/Display.asp?hnum=2525&doc=5&IMAGE=%DA%D1%D6+%C7%E1%CD%CF%ED%CB

4)      Mousnad Ahmad, n°3438. Source : http://hadith.al-islam.com/Display/Display.asp?hnum=3438&doc=6&IMAGE=%DA%D1%D6+%C7%E1%CD%CF%ED%CB 

5)      Mousnad Ahmad, n°4024. Source : http://hadith.al-islam.com/Display/Display.asp?hnum=4024&doc=6&IMAGE=%DA%D1%D6+%C7%E1%CD%CF%ED%CB

6)      Sunan Ad-Dârimî, n°2195. Source : http://hadith.al-islam.com/Display/Display.asp?hnum=2195&doc=8&IMAGE=%DA%D1%D6+%C7%E1%CD%CF%ED%CB

7)      Sunan An-Nasâ’î, n°3952. Source : http://hadith.al-islam.com/Display/Display.asp?hnum=3952&doc=3&IMAGE=%DA%D1%D6+%C7%E1%CD%CF%ED%CB 

8)      Sunan Abou Daoud, n°3789. Source : http://hadith.al-islam.com/Display/Display.asp?hnum=3789&doc=4&IMAGE=%DA%D1%D6+%C7%E1%CD%CF%ED%CB

9)      Ect.

 

Si les peines légales impliquant l’exécution d’un musulman ne s’appliquent que dans 3 cas, nous pouvons dire que cela ne s’applique pas au voleur multirécidiviste et ça entraine forcément que le hadith est n’est pas authentique.

 

4.4      Contradiction avec le consensus des juristes

 

Le hadith contredit le consensus des juristes

 

قَالَ الْخَطَّابِيُّ : لَا أَعْلَم أَحَدًا مِنْ الْفُقَهَاء يُبِيح دَم السَّارِق وَإِنْ تَكَرَّرَتْ مِنْهُ السَّرِقَة , وَقَدْ يَخْرُج عَلَى مَذْهَب مَالِك وَهُوَ أَنْ يَكُون هَذَا مِنْ الْمُفْسِدِينَ فِي الْأَرْض فَإِنَّ لِلْإِمَامِ أَنْ يَجْتَهِد فِي عُقُوبَته وَإِنْ زَادَ عَلَى مِقْدَار الْحَدّ وَإِنْ رَأَى أَنْ يُقْتَل قُتِلَ اِنْتَهَى .

 

Traduction :

AlKhattâbî a dit : Je ne connais pas de juriste qui permette de faire couler le sang du voleur même s’il récidive dans le vol. Et [si le juriste considère qu’il est autorisé de le tuer] il sort de l’école mâlikite et il fait ainsi partie de ceux qui sèment la corruption sur terre. La punition est laissée à l’appréciation du juge s’il [le voleur] dépasse la limite prévue de la peine, et s’il s’aperçoit qu’il mérite la mort alors il sera exécuté.  

AlKhatâbî, ma’âlim As-Sunan (معالم السنن), partie 3. Source : http://ar.wikisource.org/wiki/%D9%85%D8%B9%D8%A7%D9%84%D9%85_%D8%A7%D9%84%D8%B3%D9%86%D9%86/%D8%A7%D9%84%D8%AC%D8%B2%D8%A1_%D8%A7%D9%84%D8%AB%D8%A7%D9%84%D8%AB/16

 

‏قَالَ الْمُنْذِرِيّ : وَأَخْرَجَهُ النَّسَائِيُّ وَهَذَا حَدِيث مُنْكَر وَمُصْعَب بْن ثَابِت لَيْسَ بِالْقَوِيِّ فِي الْحَدِيث هَذَا آخِر كَلَامه . وَمُصْعَب بْن ثَابِت هَذَا هُوَ أَبُو عَبْد اللَّه مُصْعَب بْن ثَابِت بْن عَبْد اللَّه بْن الزُّبَيْر بْن الْعَوَّام الْقُرَشِيّ الْعَدَوِيُّ الْمَدَنِيّ وَقَدْ ضَعَّفَهُ غَيْر وَاحِد مِنْ الْأَئِمَّة , وَقَالَ مُحَمَّد بْن الْمُنْكَدِر لَمَّا حَدَّثَ بِحَدِيثِ الْقَتْل فِي الرَّابِعَة وَقَدْ تُرِكَ ذَلِكَ قَدْ أُتِيَ النَّبِيّ صَلَّى اللَّه عَلَيْهِ وَسَلَّمَ بِابْنِ النُّعَيْمَان فَجَلَدَهُ ثَلَاثًا ثُمَّ أُتِيَ بِهِ الرَّابِعَة فَجَلَدَهُ وَلَمْ يَزِدْ . وَقَالَ الشَّافِعِيّ وَالْقَتْل مَنْسُوخ بِهَذَا الْحَدِيث وَغَيْره وَهَذَا مَا لَا اِخْتِلَاف فِيهِ عِنْد أَحَد مِنْ أَهْل الْعِلْم عَلِمْته

 

Traduction :

Al-Moundhirî a dit : An-Nasâ’î a rapporté que ce hadith est inconnu et que Mous’ab Ben Thâbit n’est pas fort dans le hadith et c’est son dernier mot. Et Mous’ab Ben Thâbit est en réalité Abou ‘AbdAllah Mous’ab Ben Thâbit Ebn ‘AbdAllah Az-Zubaïr Ben Al-’Awâm Al-Qouraichi Al-’Adawî Al-Madanî et plus d’un imam l’ont affaibli. Et Muhammad Ben Al-Moukadir a dit quand il a parlé du hadith de la mise à mort [du voleur multirécidiviste] au bout de la 4ème il a réfuté cela [avec le fait] qu’on a amené au prophète (saws) le fils d’Al-Nu’aymâne il a fouetté par trois fois, puis il fut amené une 4ème fois et il l’a fouetté et il n’y a rien ajouté. Et Al-Shâfi’î a dit : la peine de mort [dans le cas du vol] est abrogée par ce hadith et d’autres et il n’y a pas de divergences chez aucune personne parmi les savants dont j’ai connaissance.

Source : http://hadith.al-islam.com/Display/Display.asp?Doc=4&Rec=5527

 

Notons que dans l’ouvrage de référence Fiqh-As-Sunna de Sayyed Sabiq, ce hadith n’est nullement cité malgré qu’il s’y trouve plus de 40 pages sur le vol. Tous les hadiths faisant jurisprudence sur le sujet ont été cités.

Afin de ne pas rendre cet article plus pénible à lire, nous renvoyons le lecteur arabophone vers l’avis d’Ibn Qayyim Al-Jawziyya qui rapporte également la même chose - Source : http://hadith.al-islam.com/Display/Display.asp?Doc=4&Rec=5527

 

5         Compléments sur le hadith

 

Bien que nous ayons montré que le hadith ne résiste pas une seule seconde à la critique, qu’elle soit extrinsèque ou intrinsèque, certains missionnaires prétendent que le cheikh Al-Albânî l’a authentifié et que de ce fait il est authentique.

 

Quelques remarques à propos de cette argumentation piteuse.

Le fait même qu’il diverge des avis précédemment cités suffit à prouver que son avis est marginal et personnel. Et on pourrait clore le débat à partir de cette simple constatation.

Mais même en allant dans ce sens, le cheikh ne l’a considéré que « hasan » c’est-à-dire bon et non « sahih » (authentique). Cependant, il contredit absolument tous ce que les savants ont dits à propos de ce hadith et pire encore, il contredit les hadiths authentiques quant au fait que le prophète (saws) faisait tout pour éviter d’appliquer les peines légales.

 

6         Conclusion

 

Pour conclure sur ce hadith, retenons les points suivants :

 

1)      Le hadith est inconnu, car il y a dans sa chaine de transmission un rapporteur faible dans le hadith ;

2)      Le corps du hadith est incohérent et ne résiste pas à la logique ;

3)      Le hadith contredit le Coran, la Sunna authentique ainsi que le consensus des savants quant au statut du voleur multirécidiviste.

Toutes les preuves citées plaident en faveur du fait qu’il ne faut pas retenir ledit hadith. Ceci est mon dernier mot sur la question.

Fin de citation.

Allahou A’lam !