Et l'Islam devint pluriculturel

1/. NAISSANCE DE L'ISLAM :

b) Et l'Islam devint pluri-culturel. 

Il n'y eut pas qu'Abou Bakr et Omar I parmi la tribu de Mahomet à se rallier à sa bannière. Il y eut tous ceux qui l'ont d'abord combattu, avec toute la violence de leurs coutumes, comme un trouble-fête, un suppôt de mauvais génies. Un de ces Quraychites qu'il faut particulièrement citer est celui qu'on appela plus tard "le Glaive de l'Islam", Khalid Ibn al-Walhid. Ce fut le "général Bonaparte" de la "révolution" de Muhammad. - car ce fut une vraie révolution - avec la différence qu'il ne trahit pas cette révolution pour devenir un Napoléon. Au contraire, après avoir conquis des royaumes entiers pour l'Islam, il a fini ses jours dans la plus grande modestie, fidèle à sa religion. Il avait pourtant initialement combattu Mahomet à la tête de la cavalerie Quraychite pendant la bataille d'Ohod (où la femme d'Abou Sofyan arracha le foie de l'oncle du Prophète).

Ce qui contribua pour une large part aux premières victoires éclair de l'Islam fut, la Foi bien sûr, mais aussi d'un autre côté le mécontentement des combattants chrétiens envers leur Église, complice des oppresseurs byzantins. En ajoutant à cela l'épuisement des deux Supergrands d'alors, Byzance et la Perse, par leurs guerres sans fin, on comprend mieux pourquoi l'Islam en quelques années, parti du Hijaz d'Arabie, aboutit sur les côtes de l'Atlantique à l'ouest, et aux confins de la Chine, à l'est.

En 632 Mahomet mourait. En 635 Khalid Ibn al-Walhid s'empare de la "Reine des Villes", la millénaire Damas, orgueil de l'Empire byzantin. En 636 les Byzantins perdent toute la Syrie à la bataille de Yarmouk où Théodoros, frère de l'Empereur Héraclius, est tué sur le champ de bataille. Ce fut là un grand tournant dans l'histoire militaire de l'Islam, dont les groupes de Nomades mal armés infligèrent une écrasante défaite à la plus grande puissance militaire d'alors, défaite de laquelle elle ne se relèvera plus. En 637, le dernier roi d'un autre grand Empire, Yesdedjird III de Perse, est mis en fuite et erre dans les montagnes pleurant son royaume dont il ne reste même plus un quart. En 641, Amr Ibn al-As, homme de confiance du Khalife Omar I, à la tête de 10.000 hommes, chasse définitivement les Byzantins d'Égypte. Il y est aidé par les habitants chrétiens qui y voient une belle occasion pour se libérer du joug de l'arrogant orthodoxe Cyrus (celui-ci les persécutait jusqu'à fouetter leurs prêtres parce qu'ils étaient chrétiens coptes et pas orthodoxes comme l'Empereur de Byzance). En 674 ils s'attaquent même à Constantinople qui les repousse grâce à une nouvelle invention byzantine à base de phosphore devenue alors célèbre sous le nom de "Feu grec". En 683, Okbah Ibn Nafi, neveu du conquérant de l'Égypte Amr Ibn al-As, occupe au Maroc les rives de l'Atlantique jusqu'à Agadir. En 705, Qutaybah Ibn Muslim, gouverneur de Khorasan en Perse franchit l'Oxus (Amou Daria aujourd'hui) et occupe la fameuse Boukhara. 

En 712 enfin, 80 ans seulement après la mort de Mahomet, Muhammad Ibn al-Qasim se rendait maître du Sind (Indus) avec ce qui est aujourd'hui Karachi, et l'année suivante il occupe au Nord le Nirun, la Haidarabad d'aujourd'hui. Ce fut ainsi l'implantation définitive de l'Islam en Asie, qui s'étendit plus tard jusqu'aux Philippines, mais dorénavant, à partir des Indes les conquêtes se firent sans armes. Sur les côtes de l'Atlantique un autre évènement historique eut lieu avec pour héros un Berbère devenu arabe par sa conversion à l'Islam, Tarik Ibn Ziyad. Il traversa le premier, en 711, le détroit de Gibraltar et mit pied en Espagne où les rois wisigoths se succédaient en tuant ou empoisonnant leurs prédécesseurs (il n'y avait pas de monarchie héréditaire). En 713, à l'exception des Asturies et de Navarre, toute l'Espagne gisait aux pieds des musulmans, ses futurs civilisateurs.

Pour voir toutes ces conquêtes en rose, il faudrait naturellement chausser des lunettes de cette couleur. Mais en comparaison de celles de la "Mission Civilisatrice" des Européens, c'était là des roses dont les épines disparurent très vite.

Ainsi, 90 ans après la victoire de Muhammad sur les Caïds de sa Tribu, les vaincus et leurs descendants venaient de bâtir un Empire grand comme il n'y en avait jamais existé en ce monde. Ils le firent en commençant en bandes armées, armées n'importe comment, et de n'importe quoi, chacun devant se procurer un cheval et un yatagan, quelques fois même un semblant de yatagan. Il leur fallut vraiment la foi pour partir en guerre contre les deux Supergrands d'alors, la Perse et Byzance. 

Exception faite de son ami de toujours Abou Bakr, tous les bâtisseurs de l'Islam furent des hommes qui avaient haï Mahomet à mort avant leur conversion. En considérant les moeurs de vengeance et de violence qui régnaient alors chez les Quraychites, on peut penser que le pieux moine chrétien Bahira ne perdit pas son temps en enseignant les principes de miséricorde à Muhammad. Les hommes de sa Tribu, à peine convertis, quand il rentra Victorieux à La Mecque, leur naturel revenant, criaient leur soif de vengeance. Ils réclamaient de leur Prophète les têtes de tels ou telles de leur Tribu qui l'avaient humilié, persécuté et combattu les armes à la main et n'étaient pas encore convertis. Même le bon, le généreux Omar, son "bras droit", avait voulu à tout prix la tête d'Abou Sofyan qui s'avéra par la suite un des meilleurs généraux d'Omar lui-même.

Muhammad ne voulait jamais de vengeance. Il voulait "CONVERTIR" ses ennemis, et pas les "détruire". C'est ainsi que de ses ennemis il fit les plus farouches de ses disciples.

Qui oserait prétendre que l'oeuvre de ses successeurs se fit sans injustices, sans trahisons, sans meurtres fratricides, malgré l'esprit de Justice et de probité que les Abou Bakr et Omar avaient insufflés à l'Islam ? Il y eut même une certaine forme de "racisme". Pas un racisme assassin comme celui qui s'est produit en Occident, mais la notion d'un "peuple supérieur". Cependant, cette notion ne dura que jusqu'aux débuts du IXe siècle, où l'Islam commença à avoir à sa tête des hommes de toutes les nations, nations qu'il avait d'abord subjuguées. Des esclaves, quelles que soient leurs nationalités, parvinrent à des dignités suprêmes tels Khalifes ou Sultans. Ce ne fut donc pas le genre de racisme qu'il y eut en Europe et en Amérique du Nord. Ce "racisme" des débuts classait les sujets de l'Empire en trois catégories, et prit fin pendant la Dynastie des Abbassides (IXe siècle). Il plaçait tout au-dessus de la Pyramide les Arabes ; au milieu les "Mawali", c'est à dire les Musulmans non-arabes, et au bas de l'échelle les Chrétiens et les Juifs. Mais cette ségrégation n'a jamais été un racisme du "sang". L'origine en était l'idée fausse que seuls les Arabes pouvaient garantir la pérennité de l'Islam. La suite prouva le contraire et cette ségrégation ne fit donc pas long feu. 

Même pendant cette courte période d'inégalité, des Juifs, des Grecs, des Perses, remplirent de hautes fonctions administratives sous les Arabes, tout en conservant leur religion chrétienne, juive ou zoroastrienne. Déjà la Dynastie des Abbassides qui succéda en 750 aux Omeyyades fondateurs du Khalifat n'était plus purement arabe. Des 37 Khalifes qui assurèrent le règne de cette Dynastie, il n'y en eut que trois dont les mères étaient arabes. Trois eurent des mères persanes, comme Haroun Al-Rachid et son fils Al-Mamoun, et déjà à partir d'Al-Moutassim, successeur d'Al-Mamoun, les mères des Khalifes abbassides furent des turques, dont la plupart esclaves du harem, conformément au Coran :

Citation:

"Mariez les plus sages de vos serviteurs et de vos esclaves." (Sourate XXIV, verset 32)

C'était à cela que le "racisme" et "esclavagisme" des Arabes se limitait, quoi qu'en dirent des plumitifs d'Occident en voulant excuser par-là les négriers et les tueurs d'Indiens. Même chez les Omeyyades qui survirent en Espagne, l'exemple des Abbassides fut suivi. La mère du grand Khalife de Cordoba Abd al-Rahman III fut une esclave chrétienne d'Europe. Et son Grand Vizir, l'homme le plus puissant de son Empire, fut le célèbre Juif Aben Hasdaï.

C'est à l'esprit pluri-culturel que Mahomet avait acquis au contact de la Bible du "père d'une multitude de nations" (Genèse XVII, 5) que l'Islam dut sa politique de métissage. L'appel de Muhammad à mélanger leur corps à celui de leurs esclaves fut entendu par les Musulmans : le père de Haroun Al-Rachid mélangea le sien à celui d'une Persane. La conséquence de ce mélange fut que son fils commença alors à mélanger systématiquement les ESPRITS d'une "multitude de Nations", pour initier à Bagdad l'ère d'un syncrétisme culturel qui fit de l'Islam un "Kulturträger", un porteur de Culture.

Après ce métissage de l'Islam il n'y eut plus d'Arabes "peuple supérieur", il n'y eut que des "Arabes" d'origine diverses comme le Persan Ibn Sinnah (Avicennes) qui enseigna la médecine à l'Europe, le Scythe blond aux yeux bleus Abou Bekr Mohammad. Ibn Zakhariya al-Rahzi, devenu l'Arabe al-Rhasès (1), ainsi que l'Arabe arabe de Cordoba Ibn Rush (Averroès) grands Maîtres du mauvais élève Diafoirus (2). Il leur restait un lien, instrument d'une parole porteuse de civilisation, l'arabe, dont ni le grec ni le latin avaient jamais atteint l'étendue de son universalité. A propos de cette "internationalisation" de l'Islam et dans un autre ordre d'idées - celui du domaine des conquêtes militaires - se profile la grande figure de Saladin. Salah al-Din Youssouf Ibn Ayyoub, le grand Sultan Saladin, était aussi un "arabe", mais dont les père et mère étaient kurdes. Il était né kurde, c'est à dire, "anthropologiquement" - comme diraient certains racistes - il appartenait à la même "race" que les Croisés qu'il avait chassés des terres de l'Islam. 

Un autre Grand de l'Islam, "arabe" comme Saladin, fut le Turkmène aux yeux bleus, originaire des bords de la Volga, al-Zahir Baybars Ruknuddin. Ancien esclave acheté sur un marché persan pour servir de garde du corps au Sultan Al-Salih, il fut ensuite proclamé Sultan en 1259, pour continuer l'oeuvre de Saladin (3). En septembre de l'année suivante il anéantit les hordes du petit-fils de Gengis Khan Hulagu à Ain Djalout, et débarrassa ainsi la Syrie et l'Irak du fléau des Mongols, alliés de facto des Croisés (4) contre lesquels il s'est par la suite tourné. Baybars a bien marché sur les pas de Saladin comme libérateur des terres de l'Islam de leurs envahisseurs, mais n'a pas suivi son exemple en matière de chevaleresque envers les vaincus. Il a ainsi violé les principes de Mahomet mis en pratique par le manifeste d'Abou Bakr. Il est certain que tous les héros de l'Islam n'ont pas été des Saladins, mais les Baybars luttaient après tout contre des agresseurs, et des agresseurs pas très humains, comme le furent les Mongols et les Croisés.

Un autre "Arabe" célèbre fut l'esclave berbère affranchi qui devint le gouverneur de Tanger, Tarik Ibn Ziyad. Encore un témoin de la forme d'esclavage tel que l'a enseigné Mahomet à l'Islam. Le nom de Tarik reste à jamais gravé sur les roches européennes du Détroit de Gibraltar auquel on donna son nom : de l'arabe Djebel = Mont, et Tarik devenu Djebeltarik, Gibraltar, le Gibraltar que les enfants d'Européens, Britanniques et Espagnols se disputent encore aujourd'hui (5). Tarik fut le premier chef "arabe" qui, en 711, fit prendre pieds à l'Islam sur le sol européen.

Disons pour finir que, même si l'Oeuvre de l'Arabe Muhammad n'avait pas donné naissance à cette civilisation d'"une multitude de nation", même si elle s'était limitée simplement à une religion prêchant pour son peuple la propreté comme un rite, l'abstinence de boissons alcoolisées, la tolérance religieuse, la condamnation des jeux de hasard, l'abolition de la loi du Talion, enfin la libération des esclaves par le simple fait de leur conversion à cette religion, Mahomet aurait déjà été une des plus grandes figures de l'Histoire.

Mais l'Oeuvre de Muhammad ne fut pas qu'une religion. Elle fut une grande "révolution" en même temps, à laquelle l'Europe répondit violemment avec les Croisades. C'est avec les Croisades que commencèrent les hécatombes qu'infligea l'Europe au genre humain à l'échelle planétaire. Des hécatombes qui rendent en comparaison "faibles" les massacres des Genghis Khan, Hulagu et Tamerlan. C'est à la suite des Croisades que les négriers d'Europe découvrirent, que les Noirs d'Afrique étaient des "cannibales" qu'il fallait "civiliser" avec la Traite génocide des Noirs.

C'est en 1492, à la Chute de Grenade, lorsque "La Croix fut définitivement vainqueur du Croissant" que l'Europe commença à retrousser les manches de ses Tueurs d'Indiens, qui rapportèrent les richesses pour la développer. C'est pour cela qu'on peut dire que notre société riche et développée s'est construite avec du sang d'Arabes, de Noirs, d'Indiens, d'Asiatiques et d'autres Canaques. L'Europe est souvent perçue comme insolente à cause de l'inconscience de sa responsabilité passée, inconscience aussi bien parmi les plus grands que parmi les plus modestes !

Et tout cela commença avec les Croisades, parce que c'est alors que commença à voir le jour un Enfant qui n'avait rien de divin, LE COMMERCE OCCIDENTAL, un commerce pas comme les autres, parce qu'il ne s'embarrassa pas d'éthique…

BASILE Y.

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1/. Autre Maître en Médecine du présomptueux Paracelse.

2/. C'était des médecins qui combinaient leur Art avec la philosophie pour le mettre au service des malades. Diafoirus est le médecin incompétent dans "Le Malade imaginaire" de Molière, représentatif des médecins français d'alors.

3/. Encore une manifestation de l'esclavagisme arabe, à comparer avec la Traite de nos pieux (!) négriers.

4/. De facto, parce qu'ils avaient repoussé leurs multiples offres d'alliance. Même les Mongols ne voulaient pas s'allier aux Croisés !

5/. Avant le Berbère Tarik Ibn Ziyad le Détroit de Gibraltar était appelé CALPE, du nom que lui avaient donné d'autres conquérants, les Romains. Avant les Romains on l'appelait chez les Hellènes, "Les Colonnes d'Hercule".