Discussion de trois arguments des chrétiens

V - DISCUSSION DE TROIS ARGUMENTS DES CHRÉTIENS

1 - Le Prologue de Jean et la doctrine Trinitaire

Jo.1

Voici la finale qui est parmi les arguments (L’arabe dit Pour rendre exactement l’idée qui est contenue ici et que précise le contexte il faudrait dire: “Le passage précédent est l’un de ceux qui fait le plus de difficulté à leurs yeux et sur lequel ils s’appuient etc...” Nous avons traduit, comme nous le ferons encore plus loin, par “argument”.) les plus forts sur lesquels ils s’apuient pour établir la divinité de Î’sa aleihissalâm. Jean l’a placé au prologue de son Evangile qui débute ainsi: “Au commencement était la parole, et la Parole était en Dieu, et la Parole était Dieu. Il en était ainsi au commencement en Dieu. Tout était en Lui et sans Lui rien n’était de ce qui est...” etc... jusqu’à la fin, où il dit: “Et la Parole s’est faite chair et elle a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire”.

Le début de ce passage n’a aucun rapport avec l’établissement de la divinité de Hadrat Î’sa. Ils tiennent, en effet que l’essence du Créateur est une dans son substrat, mais qu’elle possède différents aspects. Si on la considère déterminée par un attribut dont l’existence ne dépend pas de l’existence antérieure d’un autre attribut, comme il en est par exemple pour l’Existence elle-même, c’est ce qu’ils apellent “la personne du Père”.

Considérée sous le jour d’un attribut dont l’existence dépend de l’existence antérieure d’un autre attribut, comme nous apparaît la Science (en effet attribuer la Science à une essence, suppose qu’on lui a d’abord attribué l’existence de cette essence), c’est cela qu’ils nomment la personne du Fils ou la Parole.

Si on considère enfin cette essence en tant qu’elle est connue d’elle-même, c’est cela qu’ils appellent la Personne du Saint Esprit.

Le Père comporte donc la notion d’existence, la Parole ou le Fils, celle de Connaissant, le Saint Esprit, le fait que l’essence du Créateur est connue. Voilà le contenu de cette terminologie. L’essence divine serait donc Une dans son substrat, mais qualifiée par chacun de ces attributs.

D’autres disent que l’essence divine, considérée en tant qu’essence et prescindant de tout attribut, représente pour eux l’Intellect pur et c’est ce qu’ils appellent la personne du Père. Considérée comme se connaissant elle-même, elle correspond pour eux à la notion du Connaissant et c’est ce qu’ils appellent la personne du Fils ou la Parole. Considérée enfin en tant que connue par elle-même, c’est la Personne répondant à la notion du Connu et qu’ils appellent Esprit-Saint.

Suivant cette terminologie l’Intellect représenterait seulement l’essence divine et le mot “Père” en serait le synoyme. Le Connaissant serait cette essence en tant que se connaissant elle-même”. “Fils et Parole” en seraient les synoymes. L’intellection serait la Divinité en tant que son Essence lui est pleinement connue et l’exprimerait par le terme “Saint-Esprit”.

Il est bien établi d’après cette double terminologie, que la Parole c’est l’essence dotée de Science et d’Intelligence; et de même le Fils. Parole et Fils sont donc une Personne qui correspond à Connaissant et Intelligent. Ainsi les paroles “Au commencement était la Parole” signifient: “Au commencement était le Connaissant” et la phrase: “Et la parole était en Dieu” signifie: “Et le Connaissant n’a pas cessé d’être un attribut de Dieu”, c’est-à-dire que Dieu a toujours possédé cet attribut. Ici le mot “était” est employé dans le sens de “n‘a pas cessé d’être”.

Les mots: “Et la Parole était Dieu”, veulent dire: “Cette Parole, représente le Connaissant, et ce Connaissant est Allah”.

Les mots: “Et cela était au commencement en Dieu” veulent dire: “L’objet de cette considération, c’est-à-dire le Connaissant qui est désigné par la Parole, n’a jamais cessé d’être un attribut d’Allahu ta’âlâ. Il est Allah, en outre, car il a été dit de lui: “Et la Parole était Allah” afin d’exclure la supposition de qui croirait que le Connaissant désigné par la Parole est autre qu’Allahu ta’âlâ.

Telle est leur croyance quant aux Personnes divines et telles sont les paroles du commantateur de leur Evangile au début de ce chapitre. Si les idées sont justes, peut importent la terminologie et les conventions du langage. Or il est clair d’après leurs explications même que le début de ce chapitre ne peut fournir aucune indications pour la divinité de Hadrat Î’sa.

Il reste dans le chapitre deux passages obscurs où le pied peut trébucher. Le premier, où il est dit: “Il y eut un homme envoyé par Dieu qui s’appelait Jean. Celui-là est venu pour le témoignage, pour porter témoignage à la lumière afin que tous croient par lui. Et il n’était pas la lumière, mais il devait porter témoignage à la lumière, qui est la lumière de la Vérité, qui éclaire tout homme venant dans le Monde. Dans le monde elle était et le monde a été fait par elle et le monde ne l’a point connue”.

Nous disons: Ce qui est décrit dans ce passage comme étant toujours dans le monde et par lequel le monde a été fait, c’est soit l’humanité, considérée, à part de la divinité, ou dans son union avec elle; soit la divinité en tant que divinité ou dans son union avec l’humanité, c’est-à-dire, son apparation en elle; soit enfin une troisième Substance. Or tout cela est faux, à l’exception de la divinité en tant que divinité.

Que ce ne soit pas l’humanité, cela s’impose, que nous la considérions à part de la divinité ou unie à elle. Prise sans cette union, la chose est claire. De même, unie; car son union avec la divinité est produite dans le temps, puisque l’union ne lui est survenue qu’après sa propre création. Comment donc peut-on dire d’elle qu’elle a créé le monde et qu’elle n’a cessé d’être dans le monde?

De même pour la troisième Substance. Car cette troisième Substance, l’un de ses éléments, c’est l’humanité qui est produite dans le temps. Il faut donc que cette troisième Substance ait été dans le néant avant que l’Humanité soit créée. Il devient impossible de lui appliquer la description qui précède.

Même chose pour la divinité en tant qu’apparaissant dans l’humanité. Cette apparition n’a eu lieu que lorsque la divinité eût créé l’humanité. Si donc nous jugeons de la divinité par rapport à cette union créée, il devient impossible de lui attribuer ce qui a été mentionné.

Il ne reste plus que de rapporter ces attributs à Allahu ta’âlâ (lui-même), en tant qu’Allah, et non en tant qu’IL est uni à l’humanité ou que l’humanité se trouve réunie à Lui. .

Il faut donc rapporter ces paroles à Allahu ta’âlâ et voici comme il faudrait entendre ce passage: “Mais pour porter témoignage à la Lumière qui est la Lumière de Vérité, par laquelle la Vérité éclaire tout homme, car la Vérité est ce qui guide chacun par la Lumière de sa connaissance vers les vraies connaissances et qui le met, en l’éclairant, au courant des secrets de ses oeuvres. Ces secrets, les esprits ne peuvent les atteindre que guidés par Sa Lumière”. C’est là un sens clair qui se passe de plus amples développements. Le mot “Lumière”, d’ailleurs, est déjà employé dans l’Evangile avec le sens de “guide”. C’est dans les paroles suivantes de Î’sa aleihissalâm:

Jo. 9. 5 “Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde”.

Jean donne ce passage au chapitre 22me. De même ces autres paroles: “Je suis venu, lumière du monde”. Jean les donne au chap. 25. Ces déclarations corroborent l’interprétation à laquelle nous nous sommes livrés en prenant la Lumière au sens de guide.

La seconde difficulté, c’est sa déclaration à la fin du chapitre: “Et la Parole s’est faite chair et elle a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire”.

Il est indispensable ici de rapporter comment cette expression se trouve employée en copte, afin que l’on voie ainsi comment ils ont glissé dans l’erreur en s’écartant du sens exigé par l’étymologie et en détournant cette étymologie du sens le plus convenable pour lui en donner un autre, en opposition avec les principes de la raison.

Le substrat de cette locution est: “Woh Bisagi Af’er ou Sarks”. Ce qui signifie en copte: “Et la Parole a fait un corps”. Car “Af’er” veut dire en copte: “Faire”. Sur cette étymologie il ne subsiste aucun doute, mais bien au contraire, l’expression prend ainsi un sens très clair, à savoir que le Connaissant qui correspond à la personne de la Parole, dont il a été dit qu’elle était Allah par ces mots: “Et la Parole était Allah”, ce Connaissant a façonné un corps et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, c’est-à-dire, ce corps façonné par Allah est lui-même Hadrat Î’sa et c’est lui qui a apparu et dont on a vu la gloire.

Ils se sont excusés de répudier ce sens évident, en disant: “Etymologiquement, ce mot se trouve partagé entre les deux sens de “faire” et “être fait”. Une telle considération vaut bien que l’on s’en excuse, mais c’est une dérision, car un mot équivoque est déterminé dans un sens ou l’autre par le moindre indice qui indique, dans le contexte, le sens que l’on a en vue. Qu’as-tu donc à disputer contre la raison qui exige de prendre ce mot dans le sens que nous avons signalé!

En outre, concéder même que ce mot possédât à l’origine une double acception, le traducteur aurait cependant agi à l’inverse de ce qui est de règle en cas de vocables amphibologiqes. En effet, lorsqu’on hésite entre les différentes acceptions d’un vocable amphibologique, c’est le contexte qui détermine quelle est la bonne. Pour notre traducteur, il a simplement décidé de détourner le vocable de ce qu’il doit signifier, et de le prendre dans un sens que la saine raison condamne chez l’auteur. Or il l’a fait pour obtenir ainsi que l’Omniscient (Allahu ta’âlâ est Omniscient. IL a l’attribut d’omniscience.) se soit fait chair!

Je ne connais personne qui ait envers Allah insolence pareille à celle de cette secte. Par Allah, vraiment, il n’y a point de stupidité plus grossière que celle de gens qui croient que le Dieu du monde a été enseveli. Ils y ont encore porté la comble en ajoutant: “C’est même le seul samedi où il faut jeûner”, car celui qui a fait la terre est resté enseveli en ce jour. C’est ce qu’on lit dans leurs canons, transcrits d’après la tradition de leurs chefs et apôtres. Vraiment celui que Dieu égare ne peut plus trouver de maître pour le guider!

Si l’on dit: “Ce mot a été pris dans cette acception parce que c’est le contexte qui l’a fait prévaloir”, je réponds: “Tout déterminatif qui contredirait la raison est à repousser et l’on ne peut s’y appuyer. Sans compter que c’est ignorance que d’appeler cela “déterminatif”. Celui qui le fait n’a point de règle scientifique qui le guide dans la poursuite de la Vérité.

Nous pourrions nous arrêter à l’exposé de ce cas très clair. Cela suffirait à résoudre la difficulté qu’ils y ont introduite en recourant à la falsification. Mais si nous voulions couper court à toute contestation et concéder que ce mot possède étymologiquement une double acception et que le contexte qui l’accompagne fait prévaloir le sens de “devenir” sur celui de “façonner”, la réponse à cette difficulté serait également claire. Pris dans cette acception, aucun homme raisonnable n’aurait la moindre hésitation à détourner ce mot de son sens littéral. En effet, la Parole dont il est question au début du chapitre, a été déclarée Dieu en ces termes: “Et la Parole était Dieu”. Comment peut-on alors dire de Dieu qu’il s’est fait chair!

Voici donc comment il faut rectifier ce langage: La Parole chez eux consiste dans l’essence (divine) considérée sous le rapport des attributs de Science et d’Expression, comme cela a été dit au début du chapitre. Ce vocable se trouve ainsi désigner les attributs de Science et d’Expression. Cet emploi n’est pas limité à Allahu ta’âlâ car le terme litigieux, de quelque manière qu’on l’emploie, doit s’ appliquer, en toute vérité, à chacun des objets qu’il désigne. Ce vocable de “Parole”, en conséquence, serait employé pour désigner l’essence sous le rapport de la Science et de l’Expression et en prescindant de la corporéité, que l’essence la possède ou en soit dépourvue.

C’est ainsi qu’au début du chapitre, la Parole a été appliquée au Connaissant, substantiellement dépourvu de la corporéité, et qui est Dieu. Mais à la fin du chapitre, ce terme est appliqué au Connaissant ou Parlant, substantiellement doué de corporéité et qui est en même temps Envoyé. Le sens des paroles: “Et la Parole s’est faite chair”, serait donc que ce Dieu connaissant qui était désigné par la Parole, était dépourvu de la corporéité, mais que maintenant, cette désignation est passée à un Connaissant doué de corporéité et qui est l’Envoyé d’Allahu ta’âlâ. Car si ce mot a été formé pour désigner l’essence sous le rapport de la science, la notion du Connaissant s’en dégage nécessairement. A supposer toujours que le mot “Parole” désigne l’essence douée d’un attribut, en tant qu’elle est essence.

Si l’on objecte que cette appellation (la Parole) est réservée à l’Essence divine, on répond alors que l’application qui en est faite à Hadrat Î’sa est par manière de métaphore. En effet, dans le cas, il y a participation certaine à la signification du terme et cela constitue l’un des principaux titres pour justifier l’emploi métaphorique.

On ne peut, non plus, repousser cette interprétation sous prétexte qu’elle s’oppose au sens littéral, car une métaphore n’a précisément d’autre but que de détourner le discours de son sens apparent, en raison d’une indication qui ne permet pas de le maintenir dans son acception propre.

Si l’on disait: cette interprétation ne serait acceptable que si vraiment le discours restait cohérent surtout quand il s’agit des paroles de Dieu.

Nous répondons: ce qui est raisonnable lorsqu’on juge qu’une expression ne peut être maintenue dans son sens propre, c’est de recourir à l’interprétation métaphorique. Or, si l’interprétation, en détournant le mot de son sens littéral, comme nous l’avons dit, réussit à lui donner un sens plausible, il ne reste alors au partisan du sens littéral aucune excuse pour refuser ce qui est raisonnable et pour repousser une possibilité d’interprétation métaphorique.

Nous allons montrer maintenant qu’aucune incohérence n’est introduite dans le discours par les expressions de ce passage et comment on peut les entendre dans un sens admissible, suivant l’interprétation que nous en avons déjà donnée. Nous disons donc: Il est établi que la Vérité est ce qui éclaire de sa lumière tout homme qui vient et fait tomber pour lui le voile de toute chose cachée. C’est ce qu’indique le passage suivant: “Afin de porter témoignage à la Lumière qui est la Lumière de Vérité, qui éclaire tout homme”. Quant à ses paroles: “Et il était dans le monde”; cela peut qualifier la Lumière, aussi bien que la Vérité, car qu’Allah soit guide de Vérité, qu’IL manifeste toute chose cachée, qu’IL écarte le voile de toute obscurité, voilà qui est manifeste et constant dans le monde.

Les paroles: “Le monde a été fait par Lui”, indiquent un attribut de la Vérité et cela avait déjà été signifié au début du chapitre par ces paroles: “Tout était en Lui (a été fait par Lui)”. Je me demande quel prétexte on peut avoir d’appliquer ces paroles à Î’sa, en dépit de ce qui est exprimé en tête du même chapitre, parlant de Dieu: “Et sans elle, rien n’a été fait de ce qui a été fait”!

Ses paroles: “Elle vint parmi les siens” désignent les familiers de la Vérité. Cette Vérité dont la lumière a lui, la lumière de sa direction et de ses conseils, car c’est par sa lumière que se dirige tout homme qui suit la voie droite. Ce que l’on entend ici par la venue de la Lumière, c’est son apparition, car pour les choses spirituelles, on dit “venir” dans le sens de se manifester.

Et ses paroles: “Et les siens ne le reçurent pas”. Par “les Siens”, on entend “ceux qui ont été appelés pour être dirigés (dans la vérité). Ce qui veut dire donc: Et les siens, ceux qui ont été conviés à se mettre sous sa direction, ne l’ont pas accepté comme guide.

Et ses paroles: “Quant à ceux qui le reçurent”, c’est-à-dire ceux qui acceptèrent sa direction, et ils ne sont pas les mêmes que ceux qui la rejetèrent, comme l’indique “quant à”, particule de disjonction qui introduit le début du passage: “il leur donna le pouvoir de devenir fils de Dieu”. L’expression la plus naturelle aurait été de dire “ses fils”, mais il l’a évitée pour faire mention formelle du Nom vénéré d’Allahu ta’âlâ, voulant par la dignité de cette relation, produire une plus grande impression sur les âmes.

Il dit ensuite: A ceux qui croient en son Nom et qui ne sont ni du sang, ni du désir de la chair, ni du vouloir d’un homme, mais sont nés d’Allah”, voulant signifier que cette filiation par laquelle ils ont acquis l’honneur de la parenté avec Dieu, n’est pas du genre des filiations dont c’est le propre de survenir par la volonté des hommes et l’union avec les femmes et par la formation de chair et de sang, mais on entend par là l’extrême souci de Dieu à se rapprocher d’eux et à leur témoigner sa sollicitude, comme il a été dit.

Après quoi il a poursuivi, montrant qu’il appartient à la Parole, d’où est extraite la notion du Connaissant de s’appliquer à ce Connaissant, qu’il soit dépourvu d’humanité, comme c’est le cas pour l’essence divine, ou qu’il y soit uni, comme c’est le cas pour l’envoyé d’Allahu ta’âlâ.

En outre les chrétiens ont interprété la doctrine des hypostases d’une manière qui les a amenés à reconnaître, aussi bien dans la réalité que dans le simple concept, trois dieux distincts en nature et en substance, -ou alors à nier l’essence de Dieu.

En effet, ils font consister le Père dans l’essence sous le rapport de la Paternité, le Fils dans l’essence sous le rapport de la Filiation et l’Esprit Saint dans l’essence sous le rapport de la Procession. Puis ils disent “Un seul Dieu”!

Si on les presse un peu là-dessus en leur montrant que l’essence du Père, spécifiée par la Paternité, ne peut admettre l’attribut de Filiation et qu’il en va de même pour le Fils et l’Esprit Saint, et que l’essence divine n’étant pas de la catégorie des essences relatives, elle ne peut être considérée sous l’aspect de la paternité pour l’un et sous celui de la filiation pour l’autre, ils répondent que l’essence reste une, et qu’il est impossible de lui rapporter tous ces attributs; toutefois, ajoutent-ils, quand nous lui rapportons un attribut, nous sous-entendons la négation de ce qui n’est pas lui. Ici éclatent l’ignorance, l’aveuglement et la stupidité! Ils affirment l’éternité de ces essences ainsi que de leurs attributs. Elles sont donc dans le rapport de cause nécessaire et d’effets inséparables. Or quand une pareille cause est donnée, son effet est donné aussi nécessairement, et inversement si l‘effet est absent, la cause l’est aussi. Donc supposer la négation d’un attribut inséparable de l’essence, c’est supposer la négation de cette essence elle-même. C’est à quoi fait allusion le Coran (Kur’ân-ı karîm): “Ils sont impies ceux qui disent que Dieu entre en tiers dans une Trinité”.

2 - Antériorité de Jésus à Abraham.

Jo. 8.56

I.Cor 2.7

Act.2 22-22

Le deuxième argument est tiré de Jean au chapitre 25: “Abraham votre Père a désiré voir mon jour, il l’a vu et s’en est réjoui. Les Juifs lui dirent: Tu n’as pas encore atteint cinquante ans et tu as vu Abraham! Jésus leur dit: En verité, En vérité, je vous le dis, avant qu’ Abraham ne soit, je suis”.

Nous répondons: La métaphore éclate dans ce langage, car Abraham [Salut de l’Eternel soit sur lui] n’a pas vu le jour de sa naissance ni le jour où ‘Îsâ aleihisselâm envoyé d’Allahu ta’âlâ, ni le jour où il acquit la troisième substance, ainsi qu’ils le prétendent du moins, car tout cela a eu lieu après Abraham. On entend simplement par là que le désir des Prophètes est que Dieu ne cesse d’être obéi, et que sa Loi, qui sauvegarde les intérêts de ses serviteurs, ne cesse d’être manifestée au monde. Quand donc Ibrahîm aleihissalâm fut avisé de la mission confiée à Î’sa de guider le monde et de tout ce qu’il devait accomplir pour le bien des fidèles, suivant les dispositions de la Loi qu’il apportait, il s’en réjouit. “Voir” ici, est mis pour cette perception intellectuelle qui constitue la connaissance de quelqe chose en non pour la vision oculaire. Paul dans son épître aux Corinthiens, a déclaré plus que cela encore, et c’est ce qui montre que l’Evangéliste a voulu dire exactement ce que nous disons: Paul écrit en effet: “Quant à nous, nous parlons par la Sagesse cachée de Dieu, du mystère qui ne cesse d’être voilé au monde et que Dieu, prenant les devants, avait décrété avant les siècles”. Il veut dire que ces événements étaient décrété de toute éternité dans la Science divine et qu’ils n’étaient donc pas hypothèse gratuite et pure invention. C’est le sens même de notre interprétation.

Dans les Actes des Apôtres, le plus grand des disciples de Hadrat ‘Îsâ, Pierre fils de Jona, connu sous le nom de Simon Céphas, fait une déclaration semblable, quand il dit: “O fils d’Israël, écoutez ces paroles: Jésus de Nazareth, un homme qui apparut parmi vous de la part d’Allah, avec des prodiges et des signes que Dieu a accomplis par ses mains au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes”. Voilà ce qui était décrété pour lui selon la prescience et la volonté de Dieu. Ces deux personnages, de premier plan chez eux, l’ont déclaré exactement comme nous l’avions interprété et le fils de Jona a renchéri encore, en disant que c’était “un homme” et que les prodiges et les signes, accomplis par ses mains, ne sont pas dus à son action propre, mais que c’est Allah seul qui en est l’auteur, comme il le déclare par ses paroles: “Un homme qui se montra au milieu de vous de la part de Dieu avec les prodiges et les signes que Dieu a accomplis par ses mains”. Or, ce disciple qui nous a fait part de tout ce qui a précédé, il ne peut venir à l’esprit de personne d’entre eux, de le contredire.

Le texte de l’Evangile, d’ailleurs, exprime clairement d’une manière générale, aussi bien qu’en particulier, la nécessité de suivre cet apôtre et de s’en tenir à ce qu’il dit.

Jo. 20-21

Matt. 16-18

Jo. 21-27

Jo. 8.57

Jo.

D’une manière générale d’abord, lorsque Hadrat Î’sa dit à ses disciples: “En vérité, je vous le dis, tout ce que vous aurez lié sur terre sera lié au Ciel, et tout ce que vous aurez délié sur terre sera délié au Ciel.”

D’une manière spéciale, lorsque s’adressant à Pierre (seul) il dit: “Tu es Pierre et sur cette pierre je construirai mon Eglise”, et il aujouta: “Ce que tu auras lié sur terre, sera lié au Ciel, et ce que tu auras délié sur terre, sera délié au Ciel”.

L’ensemble de ces déclarations générales ou individuelles, se trouve dans l’Evangile de Matthieu. Î’sa a dit également: “Pais mes agneaux. Pais mes béliers. Pais mes brebis”, visant par là les groupements de son peuple. Cela est rapporté par Jean à la fin de son Evangile.

La légitimité de cette interprétation trouve également un appui dans ces paroles: “J’étais avant Ibrahîm aleihissalâm”. L’antériorité ne peut être ici rapportée à son humanité, fût-elle considérée séparée de la Divinité ou unie à elle. Elle ne peut être non plus rattachée à la troisième Substance comme il ressort de ce qui précède, car toutes ces choses sont d’existence récente et ne pouvaient exister déjà du temps de Hadrat Ibrahîm. Mais ce qui est visé ici par l’antériorité c’est la connaissance qu’avait Hadrat Ibrahîm du décret éternel d’Allah relatif à la mission de Jésus, et à tout ce qui s’y rattachait pour la conduite des peuples vers la Vérité. C’est cela qui l’a porté à se réjouir.

Si l’on dit: “Quel privilège pour ‘Îsâ aleihissalâm en cela, puisque ce que nous lui reconnaissons ici, lui est commun avec les autres Prophètes, bien plus, avec tous les êtres? Nous répondons: Jésus n’a pas mentionné cela à titre de privilège; il a voulu seulement s’opposer victorieusement à l’incrédulité des Juifs au sujet de la joie et de l’allégresse éprouvées par Hadrat Ibrâhîm à la vue du son jour, et pour défendre la véracité de ce qu’il rapportait; car les Prophètes quand ils en viennent à tenir pareil langage, ils le font en réponse à un démenti donné à leurs paroles, et à leur prétention d’être en toute vérité des Envoyés d’Allah. Leurs déclarations constituent ainsi une réplique au négateur et lui signifient que leur mission est réellement vraie, elle est décrétée par Dieu de toute éternité.

L’exactitude de cette interprétation est démontrée par le fait que Î’sa n’a dit cela que lorsque les Juifs s’indignèrent contre la hardiesse de ses paroles et dirent: “Tu n’as pas encore atteint cinquante ans”. Il donna la raison qui justifiait la joie d’Ibrahim alehissalâm.

C’est de cette manière que les Prophètes d’une part, amènent leurs contradicteurs à les croire quand ils prétendent posséder la Prophétie et la qualité d’envoyés, et que d’autre part ils fortifient la foi de ceux qui leur font crédit, sans avoir cependant atteint le degré de la connaissance claire.

On trouve quelque chose de semblable dans les paroles du Maître des Envoyés, quand il dit: “J’étais déjà Prophète, lorsque Adam[Salut de l’Eternel soit sur lui] était encore eau et boue”.

Il se peut également, d’ailleurs, que Î’sa aleihissalâm ait mentionné là un privilège et ce serait alors la connaissance donnée à Ibrahim aleihissalâm de sa mission totale et de tout ce qui s’y rapporte: conduite des hommes vers la vérité et manifestation des prodiges produits par ses mains et qui lui sont propres, à l’exclusion de tout autre parmi les Prophètes précédents. Voilà comment il faudrait entendre le désir louable ressenti par Ibrahim aleihissalâm. Comment donc peut-on établir la divinité d’un homme avec des preuves de ce genre!

3 - La Réponse à Philipe: Qui me voit, voit le Père.

Troisième argument. - Il est donné dans le récit du fils de Zébédée, au chapitres 1er des chapitres du Paraclet:

Jo.14 8.12

“Philippe lui dit: Maître, montre-nous le Père et il nous suffit! Jésus lui dit: je suis avec vous tout ce temps et tu ne me connais pas encore, Philippe! Celui qui me voit, voit le Père. Comment dis-tu alors: montre-nous le Père? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? Ces paroles que je dis, ne sont pas de moi, mais mon Père qui est en moi accomplit ces oeuvres. Croyez en moi: je suis dans le Père et le Père est en moi. Du moins croyez à cause des oeuvres mêmes. En vérité, en vérité, je vous le dis celui qui croit en moi, fera les oeuvres que je fais et de plus grandes encore il fera, car je vais au Père!” (explicit).

Je dis donc: Ce passages est semblable à celui dont les Juifs avaient contesté la portée. Hadrat ‘Îsâ s’en était alors expliqué en leur servant un exemple. Ici, il apporte encore plus de clarté au sujet en s’y comportant comme à son ordinaire, à savoir de ne recourir à aucune expression ambiguë sans la faire suivre de ce qui en decouvre le sens caché. La preuve en est que lorsque ses disciples lui demandèrent de leur montrer Allah, comme il ne pouvait rien faire pour eux sur ce point, il tourna l’objet de leur requète en disant: Celui qui m’a vu a vu le Père”, signifiant par là que ‘Allah, du moment qu’il ne peut être vu par les fidèles a constitué les Prophètes pour être Ses représentants dans la transmission de ses vouloirs, comme il en est pour les rois, qui se dérobent à la vue de leurs sujets. C’est ainsi que les Prophètes ordonnent ce qu ‘Allah ordonne, défendent ce qu’il défend, et jugent suivant Ses jugements.

Il a ensuite clairement insignifié qu’il n’entendait pas ce qu’il venait de dire au sens littéral en déclarant: “Et ces paroles que je vous dis ne sont pas de moi”. Et ne craignant pas d’être trop clair, il ajouta encore: “Mais mon Père qui est en moi accomplit ces oeuvres”, voulant dire par là qu’on doit rapporter à Allahu ta’âlâ non pas Ses paroles seulement, mais encore ses oeuvres. Il veut dire ainsi: Toute parole émanant de moi et impliquant un jugement, vient d’Allah, car c’est de Lui qui je suis venu parler, et toutes les oeuvres que vous voyez, qui jettent votre esprit dans l’admiration et rappellent les prodiges des Prophètes, tout cela est accompli par Lui, parce que produit par un effet de sa puissance.

I.Tim 2.5

42

Nous avons déjà cité la déclaration de Paul qui appuie cette interprétation et nous avons rapporté ses propres paroles: “Dieu est Unique, et le Médiateur entre Dieu et les Hommes, c’est l’homme Jésus-Christ”.

Jésus poursuit encore son discours et ce qu’il dit alors ne permet plus de supposer qu’il ait employé dans leur sens littéral les paroles indiquant qu’il est lui-même Allah. Il dit donc, signifiant bien qu’il ne les entendait pas au sens obvie et invitant ses auditeurs à considérer les raisons qui l’ont amené à user d’un pareil langage: “En vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera les oeuvres que j’ai faites et de plus grandes encore il fera”. Il a donné là le fondement de la métaphore, car on ne peut imaginer qu’il soit possible à quelqu’un d’entre les mortels d’accomplir en aucune manière des oeuvres plus grandes que les oeuvres d’Allahu ta’âlâ.

Puis voulant être plus clair encore, il ajouta: “Car je vais à mon Père”. S’il avait été lui-même le Père, il n’aurait pas dit: “Car je vais à mon Père”. On ne peut en effet concevoir quelqu’un qui puisse dire: “Je vais à Zeid” alors qu’il est lui-même Zeid en personne!

Les paroles: “Ne croyez-vous pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi?” - Il veut signifier par là, l’absence de toute divergence dans les jugements et les volontés, suivant ce que nous avons déjà exposé au sujet de l’usage qu’il fait du terme “Holul” (Demeure en personnalité de Dieu, compénétration.) La preuve en est qu’il y ajoute: “Et ces paroles que j’exprime ne sont pas de moi. Que celui qui réfléchit considère donc ce passage. Nombreuses y sont les déclarations et les indications fournies par le contexte qui montrent bien que Î’sa distingue entre Allah et lui. Comment alors peut-il être déclaré Allah lui-même! Bien plus, à supposer même que tout ce passage soit ambigu, il ne serait pas permis pour autant d’aller contre la raison et d’ajouter foi à ces dires. A plus forte raison alors, s’il faut entendre ce passage, comme nous l’avons fait! Allahu ta’âlâ soit loué qui nous a guidés en cette recherche! Nous n’aurions su y atteindre si Allah, le Très-Haut, ne nous y avait conduit.

Matt. 11-17

Ce passage comporte un autre aspect, confirmé clairement par l’Evangile de Matthieu quand il dit: “Et personne ne connaît le Fils sinon le Père, et personen ne connaît le Père sinon le Fils”. Il y dèclare que nul ne le connaît (parfaitement) si ce n’est Allah seul. Ainsi sa réponse à celui qui demandait de voir Dieu serait négative: “Je suis avec vous tout ce temps, et tu ne me connais point encore! Alors que je ne suis qu’un homme et que la connaissance de l’homme est accessible! Comment prétendre alors à connaître Allah, le Très-Haut, lui dont la connaissance ne peut dépandre du sens de la vue et dont on n’explique point la nature profonde par distinction de genre et d’espèce. Puis passant outre, il montra que l’on ne demande au fond à connaître Allahu ta’âlâ qu’afin de s’assurer que tous ces jugements sont de lui. Il dit donc: Celui qui m’a vu a vu le Père, c’est-à-dire je rapporte ce qui est en Lui. Puis exliquant encore il dit: “Et ces paroles que je dis, ne sont pas de moi”. Et non content d’attribuer ses paroles à Allahu ta’âlâ, il ajouta: “Mais mon Père qui est en moi, est celui qui accomplit ces œuvres...”, et il poursuivit son discours, en accord avec l’interprétation qui en a été donnée.