Préambule

I - PRÉAMBULE

1 - Les positions chrétiennes sont inacceptables

Au Nom de Dieu, Clément et Miséricordieux

Bismillâhi Ar-rahmãni Ar-rahîm

J'ai trouvé les théories des chrétiens sur leurs croyances vraiment faibles, malaisées et chancelantes. Celui qui y réfléchit est saisi de stupeur à la vue de tant d'esprits qui y adhèrent, alors que lui-même ne peut, en raison des obscurités qu'elles présentent, y saisir rien de ce qu'il recherche.

Les chrétiens en cela s'appuient aveuglément sur la seule tradition et retiennent, avec bec et ongles, le sens littéral adopté par les Anciens, sans que nul parmi ceux d'aujourd'hui, à cause de leur incapacité, n'entreprenne d'en expliquer les points difficiles. Ils s'imaginent que c'est cela même la Loi révélée établie pour eux par 'Issa. Ils justifient leur adhésion par l'autorité de textes considérés par eux comme contraignants pour l'esprit, comme se refusant à toute interprétation symbolique, et qu'il n'est pas aisé de détourner de leur sens littéral.

Sur quoi, ces gens se partagent en deux catégories :

 

Ils s'en rapportent à l'autorité du Philosophe sur l'union divine, car ils sont impressionnés des conséquences d'une pareille doctrine à l'égard de principes établis à qui mieux mieux par tous les bons esprits et qu'ils esquivent la difficulté en se réfugiant aveuglément dans la tradition pure et simple. Convaincus que le philosophe a pénétré les sciences les plus obscures et les a rendues claires et apodictiques, ils croient qu'un tel homme mérite qu'on s'en remette à ses déclarations et qu'on suive son autorité dans les questions de croyances.C'est pourquoi ils se tirent de la question de l'union divine en la ramenant à celle du lien qui rattache l'âme au corps.

Si ces malheureux consultaient leur raison et cessaient d'être menés par la passion et le fanatisme, ils s'apercevraient qu'ils se sont écartés du droit chemin et qu'ils ont abandonné les voies de la Vérité, et ce, pour diverses raisons. Ainsi, s'ils ont voulu suivre la méthode d'analogie, ils ont eu tort. Car l'analogie consiste à ramener des cas particuliers à un principe général, en raison d'un aspect commun, sur lequel repose le jugement d'analogie. Mais quel aspect, entraînant la réalité de ce lien dont parle le philosophe, a donc pu trouver le partisan de cette théorie, qu'il puisse appliquer ensuite à l'essence du Créateur pour justifier l'emploi de l'analogie ?

De même, s'ils ne voient là qu'une manière de comparaison et un exemple, ils se trompent également, car le terme de la comparaison doit être connu, concevable, pour que l'on puisse comprendre la comparaison elle-même. Or le partisan de cette doctrine peut faire tous les efforts pour trouver le moindre indice qui l'éclaire sur la nature de l'âme et la nature de cette relation dont parle le philosophe: il devra avouer son impuissance à y parvenir. Comment peut-il alors user d'analogie pour des réalités qui lui échappent?

De plus, une pareille analogie est de celles que le juriste ne se permet pas, car c'est un cas réprouvé, et qu'on appelle analogie d'obscurité. On y cherche à établir une proposition obscure en recourant à du plus obscur, ou bien à ce qui a besoin pour être lui-même prouvé, d'un effort de réflexion,et qui n'est déduit que par des preuves elles-mêmes confuses. C'est le cas pour l'âme dont traite le Philosophe et dont on ne peut concevoir l'existence que par des raisonnements compliqués et peu évidents.

Si cette analogie n'est pas tolérée dans les conclusions établies sur des raisonnements relativement faciles, comment y recourir alors à propos de principes qui se rapportent à l'essence de l'Être nécessaire.

Comment justifier cet emploi, alors que l'idée qui fonde le jugement, si on son sentait à l'envisager,ne laisserait admettre pour Dieu aucune relation avec l'essence d'aucun être humain, du genre de celle qui unit l'âme au corps. Les philosophes disent en effet que la condition requise pour qu'une âme s'unisse au corps, est qu'il y ait entre les deux une certaine correspondance et convenance en vertu desquelles le lien existe. Mais que Dieu est loin de tout cela !

D'ailleurs, à supposer même qu'on leur accorde ce que précède et que la relation à laquelle ils ont recours soit philosophiquement concevable, ils n'en tirent aucun avantage et n'en sont pas plus avancés pour établir la divinité de 'Issa (as).

En effet, le philosophe dit que le lien qui unit l'âme au corps est une " relation de gouvernement"et que c'est en vertu de ce lien que se produisent dans l'un et l'autre les impressions de plaisir et de douleur lorsque la puissance sensitive se trouve affectée par ce qui lui convient ou la contrarie.Or il n'est pas possible qu'on ait en vue pareil lien avec tout ce qu'il comporte et tel qu'on vient de l'expliquer, car l'essence du Créateur ne peut éprouver aucune impression de plaisir sensible. Il reste donc à prendre cette "relation de gouvernement" en dehors de toute impression de plaisir sensible, mais cela ne sert encore de rien, car le Créateur en réalité gouverne chaque individu qui se trouve en ce monde et exerce une fonction de gouvernement à l'égard de toute créature.

2- Les Miracles de Jésus

Mais on dira peut-être qu'on veut parler ici d'une relation manifestée par la dérogation aux lois ordinaires, comme la résurrection des morts et que cela indique bien ce que l'on a en vue. A quoi il faut répondre qu'une telle relation qui met celui qui la possède en état de déroger aux lois ordinaires (de la nature) se retrouve chez d'autres qu'Issa. En effet, eux-mêmes reconnaissent que Moîse a transformé la verge en serpent. Or la résurrection d'un mort qu'est-ce d'autre qu'un être inanimé acquérant la qualité du vivant ?

 

Bien plus, l'acte de Moîse (as) manifeste davantage le prodige, car conférer la vie à ce qui ne la possède d'aucune manière, témoigne d'une plus grande puissance que le rappel d'une chose à son état premier. En outre, fendre la mer et en dresser les deux parties comme une muraille gigantesque constitue un prodige inouï.

Et la Thora à laquelle ils ajoutent foi, témoigne aussi que Moïse retira sa main couverte de lèpre, blanche comme la neige, puis la ramena de nouveau à sa couleur de chair. Dans le livre des rois et des juges, qui comptent parmi leurs livre vénérables et dont la lecture se fait dans les églises, il est dit qu'Elie et son disciple Elisée, ont ressuscité un mort. La résurrection du fils de la veuve par Elie est également admise par eux. De même, Josué arrêtant le soleil jusqu'à ce qu'il se fût emparé de la ville de Jéricho, est un prodige des plus rares. Il y a en outre des prophètes qui n'ont pas été chargés de mission.Quel empêchement à ce qu'ils aient eu, eux aussi, une pareille relation à Dieu, à cela près qu'elle ne serait pas manifestée au dehors, puisqu'aucune mission n'est venue exiger de telles preuves.

3 - La lèpre de Moîse dans la bible et le Qur'an

Une question délicate sur laquelle il faut attirer l'attention, c'est le mot du Qur'an : {"Porte ta main dans ton sein, tu l'en sortiras toute blanche, mais sans mal"} [Saint-Coran 27: 12], alors que la Thora dit : {"wa hanna yadou masoura'eth kal sûlag"} - {"et voici que ta main est lépreuse, blanche comme la neige"} [Pentateuque, Exode 4:6]. La Thora parle nettement de lèpre, alors que le Livre Saint dit que sa blancheur n'est pas le fait du mal.

Cela fait difficulté à un examen superficiel, mais celui qui a l'esprit exercé n'a pas de peine à faire la conciliation. Elle consiste en ce que la lèpre est un mal produit par une indisposition qui provoque un épaississement des humeurs, que la force transformante se trouve alors incapable de ramener à sa couleur de chair. Or, on sait que la blancheur de la main de Moïse n'a pas résulté d'une indisposition. En effet, quiconque se trouve indisposé de la manière décrite, est atteint de ce mal.

Si la force transformante prend le dessus, elle le supprime, mais alors ce qui faisait le propre du prodige disparaît. Dans notre cas, au contraire, la blancheur était le fait d'un prodige extraordinaire, et le propre de celui-ci est d'aller à l'encontre de ce qui est habituel et accoutumé.

C'est cela qui est indiqué par le Qur'an quand il dit "sans mal", c'est-à-dire que Dieu a donné à Moïse le pouvoir de rendre sa main lépreuse, sans mal cependant, et de la ramener à la couleur de sa chair, sans le secours d'une force transformante, afin que les juifs aient ainsi le privilège de posséder des prodiges accomplis par l'intermédiaire de Moïse. Il n'y a, en effet, de prodige extraordinaire que si l'effet se produit séparé de sa cause habituelle et qui est seule à produire. Cet effet a été ensuite désigné ici par la blancheur, qui en est l'une de ses propriétés. La conciliation est évidente.

4 - Confiance aveugle faite aux philosophes

Ce qui va encore affaiblir la valeur de leur croyance sur ce point, c'est la doctrine du Philosophe, concernant l'âme et ses relations avec le corps, pour laquelle ils tiennent...alors qu'ils sont incapables d'en fournir la preuve. Ils croient que ceux qui soutiennent cette théorie ont fait dans les sciences des découvertes si profondes que l'esprit revient bredouille sans avoir pu les saisir, en raison de l'obscurité de leurs principes, et de la difficulté de leur démonstration.

Mais alors, quand on tient ce langage, on devrait suivre également le Philosophe quand il dit que le don de la prophétie peut être acquis ; que le monde n'a pas eu de commencement, et n'admet ni génération ni corruption, que le Créateur ne connaît pas le êtres particuliers et que l'Un ne peut donner naissance qu'à l'Un, que le Dieu de la création est Pure Existence et qu'il ne possède dans son être ni connaissance, ni vie, ni puissance et bien d'autres affirmations encore, par lesquelles les philosophes ont rejeté les règles édictées par les législateurs religieux et ont contredit ouvertement les prophètes envoyés de Dieu.

Il est étrange de voir les chrétiens suivre des gens dont les opinions ne permettent pas même de concevoir ce qui leur sert à établir le privilège du fondateur de leur loi, Jésus. Ces gens soutiennent, en effet, l'impossibilité de la formation de l'enfant du seul "sperme" maternel, sans la participation du sperme viril qui serait nécessaire soit simplement, selon leur maître, pour provoquer l'épaississement du premier, soit pour entrer en composition avec lui, suivant l'opinion de Galien.

Si la passion et l'obstination qui nous poussent à ne pas changer ce qui nous est devenu habituel, faisaient dire à quelqu'un : " pour ce qui vient d'être cité, on a établi par des preuves que les philosophes se sont trompés, mais pour le reste ils conservent l'estime que nous leur portions"... à cela, il faudrait répondre que celui qui apparaît tantôt dans l'erreur et tantôt dans le vrai, tout ce qu'il dit reste susceptible d'erreur comme de vérité.

Personne ne s'appuie sur l'autorité d'un pareil homme puisque l'on ignore sur quoi il fonde ses affirmations, et qu'il rejette les déclarations des législateurs religieux. D'autre part, le croyant ne tient aucun compte des passages obvies de son propre Livre où est indiquée l'humanité du fondateur de sa loi. Il ne fait exception que pour les passages qu'il se refuse à interpréter métaphoriquement et qui appuient ses prétentions au sujet de la qualité divine, faisant en cela, à l'esprit, une violence manifeste.

Il existe pourtant dans l'Évangile, des passages qui témoignent de l'humanité pure et simple de 'Issa et d'autres qui témoignent que lui attribuer la divinité ainsi qu'ils le prétendent, est chose impossible. Ces passages se rencontrent dans l'Évangile qui est le plus évident pour eux, celui de Jean, fils de Zébédée [1].

5 - Méthode de réfutation et Principes d'exégèse

Je citerai un à un les passages de ce livre, en indiquant les chapitres tels qu'ils s'y trouvent, de peur qu'ils ne soient contestés par eux, car leurs livres ne sont pas conservés dans leurs cœurs. Mais avant , il me faut exposer deux principes sur lesquels les exégètes sont d'accord :

Ceci admis, commençons par citer les passages qui indiquent l'emploi métaphorique des termes que 'Issa a appliqués à sa personne et qui pourraient faire croire à sa divinité ; puis les passages qui indiquent l'emploi de la métaphore dans la question de l'unité avec Dieu, comme sa déclaration "Moi et le Père, nous sommes un", et "Celui qui me voit, voit le Père", et encore "Je suis dans le Père et le Père est en moi".

Nous continuerons par des passages qui manifestent son humanité pure et simple et nous les concilierons avec ceux qui ont soulevé chez nos adversaires, pour eux, des difficultés devant lesquelles leur intelligence a abdiqué, impuissants qu'ils furent à leur trouver une interprétation. Ils ont ainsi versé dans l'aveuglement et l'égarement. Nous dépenserons à tirer ces difficultés au clair, une somme d'efforts suffisante pour que la Vérité luise, éclatante, dans toute sa splendeur et sa majesté.