Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Par Karim & Mouminbilah

Création : 24/05/2010

Ces paroles de Jésus sur la croix ont fait couler énormément d’encre et ont amené beaucoup de conjectures. Chose tout à fait normale puisque dans ce passage, nous pouvons observer l’impuissance de Jésus (as) et sa faiblesse.

A-t-il vraiment dit cela, les évangiles selon Luc et Jean n’en font pas mention? Les commentateurs essaient par tous les moyens de faire croire que ce n’est pas par faiblesse que le Christ (‘aleyhi Salam) poussa désespérément ce cri. Bien entendu, ceci ne reflète pas la réalité de l’Ecriture et cette tentative échoue misérablement lorsque l’on compare cette question adressée à Dieu, tirée du Psaume 22, aux autres prières et demandes qu’il fit dans ses périodes troubles (prière de Gethsémani, prière sur la montagne toute la nuit (Luc 6,12) etc...).

Ce n’est donc pas la première fois que Jésus (as) s’adresse à Dieu pour Lui demander une chose (sauf qu’ici c’est la seule fois qu’il s’adresse à Dieu en utilisant ce terme “Dieu”, car habituellement il se sert du mot “Père”) et ce qui a put choqué certains, c’est de le voir dans cet état, démuni de tout pouvoir et abandonné de tous. Mais ce n’est pas tout, les chrétiens pour contrecarrer ce qu’en disent les musulmans (à savoir que Jésus(as) n’est pas mort sur une croix) tente une percée via la question suivante:

 

Si Jésus(as) n’est pas mort sur la croix, ce verset ne semble-t-il pas prouver le contraire ?

 

« Et vers la neuvième heure, Jésus s’écria d’une voix forte: Eli, Eli, lama sabachthani? c’est-à-dire: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » (Mathieu 27,46)

 

Pour répondre à cela, il faut déjà savoir que ce passage pose des problèmes d’interprétation car cela nous ferait dire que Jésus (as) a complètement douté de Dieu en se demandant pourquoi ce dernier l’avait abandonné ou bien qu’il plaçait sa confiance en Lui mais que Dieu ne répondit pas à l’appel de Son serviteur. La Bible Annotée nous dit ceci sur Mathieu 27.46 :

 

« Ce qui cause l'angoisse du Sauveur, il le dit lui-même, c'est le sentiment momentané de l'abandon de Dieu! Il n'y a rien de plus redoutable dans les expériences de l'âme. »

 

De telles pensées n’effleurent pas les prophètes de Dieu, ils ne doutent pas de Dieu et Lui font entièrement confiance ! A plus forte raison, pour le Christ qui était censé venir se faire tuer, pour qu’après sa soi-disant mort expiatoire, l’Humanité soit sauvée, on est en mesure de se demander de quoi le Fils de Dieu ou Dieu Lui-même (selon les différents parties chrétiens) puisse douter. Voyons les choses autrement, quand on sait qu’aucun des apôtres n’a assisté à la scène de la crucifixion (voir chap. XIII) ce genre de détails est-il important ? Ne s’agirait-il pas d’une falsification claire et nette pour la faire coïncider avec le Psaume 22 (Voir chap. XVII : la crucifixion et l’Ancien Testament) ?

 

Ce passage contredit totalement celui-là ou Paul affirme le contraire :

 

« Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, lequel, existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à  arracher d’être égal avec Dieu, mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en  devenant semblable aux hommes; (2-7) et ayant paru comme un simple homme, (2-8) il s’est humilié lui-même,  se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix. » (Philippiens 2,5-8)

 

Il y a manifestement une énorme contradiction entre « mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » et « se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix ». Il devait suivre chacun une tradition différente ou bien Paul n’a rien entendu sur la crucifixion et par ses quelques données l’a tourné dans le sens de sa croyance.

 

Nous verrons au chapitre XVI, la manière dont s’est constitué le canon biblique et pourquoi il y a autant de contradictions entre les versets des évangiles, nous verrons aussi qui fut le premier à enseigner la mort et la résurrection du Christ. Mais en ce qui concerne cette partie, nous ne pouvons qu’être étonné que le Christ semble nier à la fin de sa vie, le soutient divin. Comme nous le dit le Coran (Sourate 12,87) : « Ce sont seulement les gens mécréants qui désespèrent de la miséricorde d'Allah » Il ne sied donc pas à un messager de Dieu de désespérer de la miséricorde divine ni de Son soutien.

Pour échapper à cette contradiction, on peut se poser les questions suivantes :

S’agissait-il vraiment du Christ sur la croix ? Cette même personne qui a répété tout au long de l’évangile de Jean « car je ne suis pas seul; mais le Père qui m'a envoyé est avec moi » (Jean 8,16), et « Celui qui m'a envoyé est avec moi; il ne m'a pas laissé seul » (Jean 10,29) ou encore « vous me laisserez seul; mais je ne suis pas seul, car le Père est avec moi » (Jean 16,32) ? N’est-ce pas là d’un contraste évident avec « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mathieu 27,46) ?

 

S’agissait-il réellement des paroles de Jésus(as) et non ceux d’une autre personne ? D’ailleurs tous ces versets ne proviennent que de l’évangile selon Jean et la déclaration d’abandon de Jésus(as) n'apparaît qu’en Mathieu-Marc. Il y a donc deux traditions différentes concernant cette crucifixion et l’un n’a pas connut de l’autre et vice et versa. Il faut aussi prendre en compte la théologie de l’évangile selon Jean qui est bien différente de celle des synoptiques. Il serait malvenue dans l’évangile Johannique de présenter un Jésus(as) seul qui serait en contradiction totale avec l’ensemble du récit.

Nous savons qu’aucun des disciples n’a assisté à la crucifixion (voir chap. XIII pour plus de détails), ils ne peuvent donc pas rapporter ces paroles-ci, c’est un fait. Ceux qui voudraient employé les versets qui disent que des témoins (disciples de Jésus, hommes et femmes) étaient au pied de la croix selon l’évangile de Jean, qu’ils sachent qu’en Mathieu et Marc, les seuls témoins oculaires se trouvaient éloignés du lieu de la crucifixion. Qui donc rapporta ces paroles? Quelle chaîne de transmission ininterrompue les chrétiens peuvent-ils présenter concernant ce rapport? De plus, selon les évangiles, Jésus(as) aurait le pouvoir de changer d’apparence (voir chap. XIV pour plus de détails).

Si Jésus(as) pouvait changer d’apparence selon le pouvoir que Dieu lui a transmit, il peut tout aussi bien mettre la ressemblance sur quelqu’un pour que les gens confondent Jésus(as) avec l’imposteur ou que ce soit Dieu Lui-même qui usa de ce stratagème pour sauver Son Messie et punir celui qui mérite cette fin honteuse de malédiction Divine. On peut donc penser que ce n’est pas Jésus(as) qui fut crucifié mais :

 

a. soit une autre personne, choisit pour cette mission (mais dans ce cas ces paroles n’ont pas lieu d’être)

b. soit un homme punit qui méritait cela (Judas l’Iscariote par exemple).

 

Ceci est une hypothèse qu’il nous faut explorer car tous les points abordés jusqu’ici et ceux à venir semblent plaider contre la crucifixion. Etait-ce une autre personne comme l’affirment certains apocryphes (voir chap. XV) ? Ou bien encore qu’ « il leur en a semblé ainsi (Shubihha lahum) », comme le confirme le Coran ?

 

Entrons dans l’analyse littéraire de cette déclaration:

 

Tout d’abord signalons que ce verset est une copie presque conforme du verset 2 du Psaume 22 selon le texte hébraïque:

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? Je gémis, et le salut reste loin de moi!” (Psaume 22,2)

 

Dans la Septante (LXX) et la Vulgate, il est un problème qui apporta quelques complications aux chrétiens puisqu’il est ainsi écrit:

 

« Mon Dieu, mon Dieu, prête attention à moi, pourquoi m'as-tu abandonné? Loin de mon salut les paroles de mon péché » (Psaume 22,2)

 

Le “prête attention à moi” se trouve dans la LXX, mais est absent du texte Massorétique et ne se retrouve pas non plus chez Mathieu-Marc. Ces mots furent peut-être omis pour ne pas trop montrer la dépendance de Jésus envers Dieu?

 

Comment attribuer cette suite (Loin de mon salut les paroles de mon péché) à Jésus(as) qui est censé être sans péchés? Les évangélistes font leurs choix dans ce qu’il cite pour ne pas entrer en conflit avec leurs croyances.

 

Jetons un coup œil sur les différents emplois de ce passage à travers les différentes données linguistique et scripturaire:

 

En Hébreux: Eli, Eli, lama ‘azabtani

En Araméen: Elahi, Elahi, lema sebaqtani

En Marc: Eloï, Eloï, lama sabachtani

En Mathieu: Eli, Eli, lema sabachtani

Dans le Codex Bezae: Elei, Elei, lama zaphthani

Dans l’Evangile selon Pierre: Hé dynamis mou, hé dynamis, kateleipsas me

Le Targum postérieur (vers 450): Eli, Eli, mittul ma sebaqtani repris dans le Codex Washingtonensis de Mathieu: Eli, Eli, ma sabachthanei

Dans la Septante (LXX): Ho Theos, Ho theos mou, prosches moi hina ti egkatelipes me

 

Marc et Mathieu ont fait un mix entre l’hébreux et l’araméen, peut être existait-il un dialecte qui regroupait les deux au premier siècle de l’aire chrétienne?

 

Raymond E Brown dans son livre “la mort du Messie” p.1157 fait le commentaire suivant sur ce verset:

« Des variantes textuelles harmonisent la forme du Nom de Dieu en Marc-Mathieu, de sorte que tous deux donnent “Eloï” ou “Eli”. De même, on trouve des tentatives pour harmoniser les différences entre “lama” et “lema”, et des témoins de la tradition Koiné donnent “lima” en Marc. L’éxotique “sabachthani” est écrit “sabaktanei” dans le Codex Vaticanus de Mathieu, “sabaphthanei” dans le Vaticanus de Marc, et “sabachtanei” dans le Sinaïticus de Mathieu, “sibakthanei” dans l’Alexandrinus de Marc. »

 

Toutes ces divergences textuelles prouvent les altérations au fil du temps du texte Biblique, bien que les chrétiens refusent de l’admettre, mais dans la durée l’altération des manuscrits s’est effectuée tristement.

L’Evangile selon Pierre décrit les derniers mots de Jésus(as) comme étant (indiqué ci-dessus dans sa langue originale):

 

« Ma force, ô force, tu m’as abandonné » ( force = pouvoir)

 

Comment concilier ces deux sources?

 

« Ma force, ô force, tu m’as abandonné » (Evangile selon Pierre)

Vs

“Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?” (Evangiles selon Marc-Mathieu)

 

Certains peuvent alléguer que la “force” signifie “pouvoir” et que le “pouvoir” se réfère à “Dieu” puisque dans les évangiles, “Dieu” est nommé “Puissance” (Marc 14,62 / Mathieu 26,64) et ce mot est très proche de “pouvoir”. Mais rien n’indique cette vision conjecturale, bien que la version d’Aquila au 2ème siècle rendait le Psaume 22,2 comme suit: “Mon fort, mon fort” et qui signifierait donc que le “Eli” du Psaume 22,2 signifiait quelque chose que ressemblerait à “Mon fort” ou “Ma force” (comme en Pierre). Mais entre “ma force” et “mon Dieu”, il y a un espace aussi large que les cieux et la terre, malgré toutes les esquives que voudront essayer de faire les chrétiens.

 

Ce n’est cependant pas terminer puisque de ces mots de Jésus(as) qui lui sont attribués, il y a ensuite une incompréhension totale inexpliquée qui émane de l’interprétation que l’auditoire témoin de cette déclaration du Christ (‘aleyhi salam) va émettre.

 

Les mots de Jésus(as) sont issus du Psaume 22 et demande à Dieu la raison de Son abandon envers son serviteur, mais les gens en bas de la croix qui le raillèrent se demandait pourquoi appelait-il le Prophète “Elie”. Posons les versets pour illustrer et comprendre le problème insolvable:

 

« Et à la neuvième heure Jésus clama en un grand cri : " Élôï, Élôï, lema sabachthani ", ce qui se traduit : " Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? " Certains des assistants disaient en l'entendant : " Voilà qu'il appelle Élie ! " Quelqu'un courut tremper une éponge dans du vinaigre et, l'ayant mise au bout d'un roseau, il lui donnait à boire en disant : " Laissez ! que nous voyions si Élie va venir le descendre ! " » (Marc 15,34-36)

 

Une question se pose: comment les personnes présentes ont pu comprendre qu’il parlait du Prophète “Elie” alors que Jésus(as) employa le mot “Dieu”? C’est une impossibilité de la part des juifs de confondre ces termes qui sont très différents ni de la part de ceux qui connaissaient un minimum l’araméen ou l’hébreux. En Marc il est question de “Eloï” qui signifie “Dieu”, alors que le Prophète Elie se dit “Eliyahu” ou parfois abrégé en “Eliya”. Mathieu s’est sûrement aperçu du problème puisqu’il connaissait les langues sémitiques et changea le mot “Eloï” de Marc (sa source) en “Eli” pour faire correspondre la réaction du public au pied de la croix. En grec le nom du Prophète “Eli” se dit “Elias” et ne peut être confondue avec “Eloï” qu’avait employé l’auteur de l’évangile selon Marc. Cet auteur n’a pas dû se rendre compte de son incohérence et Mathieu tenta de sauver les meubles, mais en vain.

 

Il y a un second problème, quel est le rapport entre ceux qui pensent que Jésus(as) parle du Prophète Eli, qui est déjà une erreur, et le fait que l’un d’eux courut apporter une éponge imbiber de vinaigre pour la donnée au crucifié? Ces 2 incohérences ont l’air d’être un assemblage de plusieurs traditions ensemble selon les savants. L’offre du vin vinaigré est issue de l’ancien testament, précisément du Psaume 69,22 où il est dit:

“Pour nourriture ils m’ont donné du fiel; pour ma soif ils m’ont donné à boire du vinaigre” (Psaume 69,22)

Il ressort une fois de plus que les auteurs évangéliques ont adapté l’histoire de la crucifixion à l’ancien testament. En Marc-Mathieu, c’est un juif qui donna l’éponge à Jésus(as) alors qu’en Luc ce sont les soldats romains. (Divergence contradictoire car c’est soit l’un soit l’autre). C’est une boisson de soldats romains et c’est pour cela que Luc l’a mis sur leur compte; en Marc, il est improbable que ce soit un romain puisque comme le souligne Raymond E. Brown, un soldat romain n’aurait pu entendre parler d’Elie.

« Certains des assistants disaient en l'entendant : "Voilà qu'il appelle Élie !" Quelqu'un courut tremper une éponge dans du vinaigre et, l'ayant mise au bout d'un roseau, il lui donnait à boire en disant : " Laissez ! que nous voyions si Élie va venir le descendre ! " » (Marc 15,35-36)

 

« Quelques-uns de ceux qui étaient là, l'ayant entendu, dirent : Il appelle Elie. Et aussitôt l'un d'eux courut prendre une éponge, qu'il remplit de vinaigre, et, l'ayant fixée à un roseau, il lui donna à boire. Mais les autres disaient : Laisse, voyons si Elie viendra le sauver. » (Mathieu 27,47-49)

 

En Mathieu, l’explication est de données différentes puisque celui qui court chercher le vin est l’un de ceux qui croyait entendre Jésus (as) s'adresser à Elie. La personne qui court n’est plus celle que parlait en disant “laissez” chez Marc: ce sont “les autres” personnes qui s’adresse à celui qui donne à boire au Christ (as). Il y a une contradiction évidente et cela ne s’arrange pas lorsque l’on se rend compte qu’il y a une autre anomalie en Marc: la personne qui cour prendre du vin et qui revient, la donne tout seul à Jésus (as) et ensuite s’adresse aux autres en leurs disant d’arrêter.

Mais le souci c’est qu’il est seul à accomplir toutes ces choses contrairement à Mathieu qui retoucha le modèle de Marc, ayant sûrement remarqué le problème. Chez lui, ce sont les autres qui demandent à celui qui donne le vin et qui courut le chercher, d’arrêter de lui donner et d’attendre la venue d’Elie. Marc n’a sans doute pas vu l’incohérence de son récit, gracieusement retouché par l’auteur de Mathieu qui se sert de Marc (rappelons-le) comme source principale de son évangile.

 

Tout ce contre-rendu nous amène à la seule conclusion possible:

Les auteurs des évangiles rédigèrent une histoire de la crucifixion en se basant sur l’ancien testament, ajouté aux sources qu’ils ont collecté des rapports anciens de cet événement, le tout remodelé à leur vision des choses, donne les évangiles que nous avons aujourd’hui et qui ne sont certainement pas une représentation authentique de ce qui se déroula réellement entre 30-33 de l’aire chrétienne.

Et Dieu Sait Mieux - Allahou A'lam