Les témoignages qui corroborent la version officielle du complot concernant le vol AA77 et le Pentagone sont-ils crédibles ?

Quid des témoignages oculaires de la présence d’un avion d’American Airlines dont on fait état ?

 

Alors que les preuves matérielles invalident fortement la théorie officielle et qu’elles étayent la théorie du missile, les tenants de la thèse officielle se sont tout d’abord appuyés sur des rapports selon lesquels il existerait plusieurs témoins oculaires ayant aperçu un avion d’American Airlines frapper le Pentagone. Ainsi, un démystificateur du fait que ce n’est pas un Boeing 757 qui s’est réellement écrasé sur le Pentagone a écrit dans le Sunday Times que « le coup fatal à cette conspiration est que plusieurs témoins ont vu l’avion frapper l’immeuble. » [51] Comment les opposants à la thèse officielle peuvent-ils faire cadrer leur thèses révisionniste avec l’existence de ces témoignages ? Il semble y avoir quatre façons principales d’aborder la question.

L’une se construit sur la notion classique en analyse judiciaire qui veut qu’en cas de distorsion entre les témoignages oculaires et les preuves matérielles, on donne priorité aux preuves matérielles lorsqu’on les a authentifiées. Si l’avocat général d’une cour d’assises présente un réquisitoire s’appuyant sur de solides preuves matérielles, l’avocat de la défense n’a pas beaucoup d’espoir de faire tomber les arguments de l’accusation simplement en présentant des témoins oculaires à leur encontre. Et ce, parce que le témoignage humain peut être inexact pour diverses raisons telles la perception imparfaite, la mémoire défaillante ou simplement le mensonge causé par la subordination ou l’intimidation. En conséquence, on écarte les témoignages oculaires qui contredisent les preuves matérielles.

C’est sous cet angle que Meyssan aborde la question. Le fait que des témoins déclarent avoir aperçu un appareil d’American Airlines peut s’expliquer, avance-t-il, en termes de dynamique de la psychologie collective de la perception et de la mémoire, qui conduit souvent des gens à « voir » ce qu’ils s’attendent à voir, ou à se « souvenir » avoir vu ce qu’on s’attend à ce qu’ils aient vu. Etant donné que ces témoins avaient vu des images ou entendu des informations selon lesquelles des avions de ligne avaient frappé le World Trade Center et qu’ensuite ils avaient entendu dire que c’était un Boeing 757 d’American Airlines qui avait frappé le Pentagone, il n’y a rien de surprenant à ce que plusieurs personnes aient raconté avoir vu un avion de ce type s’abattre sur le Pentagone, même si en fait l’aéronef était très différent. [52]

Meyssan combine cette approche des faits avec une deuxième qui consiste à souligner qu’il existe aussi plusieurs narrations de témoins oculaires qui ont dit que l’aéronef ressemblait à un missile ou un avion militaire ou qu’il en faisait le bruit. Souvenez-vous, par exemple, du témoignage de la contrôleuse aérienne de Dulles qui a déclaré que tous les contrôleurs aériens expérimentés présents dans la salle ont pensé qu’il s’agissait d’un appareil militaire et du témoin pour qui « il pouvait transporter dix à douze personnes » et qu’ « il faisait le bruit strident d’un avion de chasse. » Meyssan, en plus de citer les déclarations de ces témoins oculaires et d’autres, souligne qu’un missile de type AGM « ressemble effectivement à un petit avion civil » et produit « un sifflement qui ressemble au bruit d’un avion de chasse ». En foi de quoi il considère les personnes qui ont parlé d’avion militaire comme des témoins en faveur de la thèse du missile. [53]

Finalement, après avoir démontré que les témoignages oculaires en faveur de la théorie du missile équilibrent au moins en partie ceux qui étayent la thèse officielle, Meyssan peut conclure qu’il faudrait leur accorder davantage d’attention. Ceci dit, si c’est vraiment un missile qui a frappé le Pentagone, le fait que plusieurs personnes aient déclaré avoir vu un avion de ligne n’a rien d’étonnant, vu les données de la dynamique de la psychologie en matière de perception et de mémoire. Mais si le Pentagone avait été frappé par un Boeing 757, il serait surprenant d’entendre des narrations, surtout venant de personnes aux yeux et oreilles aguerris, prétendant avoir vu un missile ou un petit avion militaire. Il faut donc accorder davantage de poids à ces témoignages. Ainsi, si on les interprète correctement, dit Meyssan, les témoignages oculaires non seulement ne contredisent pas la théorie du missile mais, au contraire, ils l’étayent.

Il existe toutefois une troisième façon de faire cadrer les preuves matérielles avec les témoignages oculaires en appui de la version officielle.  Au lieu de les écarter en faisant appel à la psychologie de la perception et de la mémoire, il faudrait se pencher plus attentivement sur les témoignages eux-mêmes pour vérifier si les témoins ont réellement dit ce qu’on leur fait dire. C’est l’angle sous lequel se place Gerard Holmgren. En commençant par 19 récits présentés par le site Internet Urban Legends [Légendes urbaines] comme des témoignages oculaires disant que c’est un appareil d’American Airlines qui a frappé le Pentagone [54], Holmgren a découvert pour commencer que la plupart des gens cités n’ont en réalité jamais déclaré avoir vu un avion de ligne tomber sur le Pentagone. Au lieu de cela, « ce qu’ils ont déclaré, c’est qu’ils avaient vu un avion voler trop bas et qu’immédiatement après, ils ont vu de la fumée ou une explosion venant de la direction du Pentagone lequel était hors de vue au moment de l’impact ». Cette distinction a beau avoir l’air insignifiante, ces récits pourraient cadrer avec la théorie des deux avions que nous aborderons plus loin. Dans les autres cas, Holmgren s’est trouvé confronté à au moins un des problèmes suivants : on n’a pas pu identifier les prétendus témoins, le fait que le témoin ait vu un avion d’American Airlines a été rajouté par le journaliste, ou encore, le témoin est revenu sur son témoignage quand on a commencé à le questionner en détail, ce qui a été le cas de Mike Walter du journal USA Today lorsque Bryant Gumbel l’a interviewé sur CBS. [55]

Holmgren écrit : « Ce qui, à première lecture, semblait être 19 témoignages s’est en fait réduit à rien du tout ».

Puis en étudiant dix autres récits qui semblaient au départ fournir des témoignages oculaires, il a découvert qu’ils présentaient tous les mêmes travers. Les recherches d’Holmgren l’ont conduit à la conclusion suivante :

« Ma conclusion est qu’il n’existe aucun témoignage visuel pour étayer la thèse selon laquelle le vol AA77 a frappé le Pentagone, à moins que je ne sois passé à côté d’un point capital. Vu le poids des preuves photographiques qui étayent que ce qui a atteint le Pentagone ne peut en aucun cas être le vol AA77, je vois toutes les raisons de retenir cette conclusion à moins que n’apparaisse un élément de preuve pour la contredire. » [56]

Pour terminer, il existe une quatrième façon de faire coïncider les preuves matérielles et les témoignages visuels, une façon qui permet une approche encore moins sceptique des témoignages qui semblent soutenir la théorie officielle. Cette approche prend en compte l’hypothèse de deux avions faisant route vers le Pentagone. D’après cette thèse des deux aéronefs, les deux groupes de témoins, ceux qui ont vu un petit aéronef ressemblant à un missile et ceux qui ont vu un avion de ligne (qu’ils peuvent avoir formellement identifié comme étant un avion d’American Airlines) avaient raison. Dick Eastman qui travaille sur cette théorie explique que les témoins se divisent en trois groupes :

-          Ceux qui disent qu’ils ont vu « un avion de ligne brillant, des marquages rouges et bleus, avec deux moteurs, effectuant un plongeon puis volant bas entre 30 et 60 mètres au-dessus du sol, puis le silence ».

-          Ceux qui ont déclaré avoir vu un aéronef approchant « au niveau de la cime des arbres, à six mètres du sol, frappant les réverbères en un parfait rase-mottes au moteur rugissant, prenant de la vitesse, plus petit qu’un avion d’affaires ».

-          Ceux qui, comme Kelly Knowles, depuis un appartement situé à trois kilomètres ont vu « deux avions en approche vers le Pentagone, l’un virant pour s’éloigner alors que l’autre s’abattait sur le bâtiment ».

L’analyse d’Eastman peut également expliquer le témoignage combinant des traits des deux premières catégories de ces témoins qui pensent avoir vu un avion d’American Airlines alors qu’ils ont entendu un appareil militaire. Dans tous les cas, pour Eastman, la plupart des témoignages peuvent être considérés comme vrais mais seuls les témoins du troisième groupe ont dit la vérité, ceux qui ont raconté avoir vu deux aéronefs.

En d’autres termes, la théorie d’Eastman est qu’un avion d’American Airlines a fait en sorte d’attirer sur lui l’attention générale. Ensuite, il a fait route vers le Pentagone pendant qu’un aéronef militaire volait vers le même but, trop près du sol pour que la plupart des témoins aient pu l’apercevoir, même s’ils n’avaient pas eu l’attention attirée par un avion de ligne. Ensuite, l’avion de ligne a viré à la dernière seconde, disparaissant derrière l’énorme nuage de fumée produit par la frappe. Il s’est ensuite posé sans attirer l’attention à l’aéroport national Reagan, qui ne se trouve qu’à un kilomètre et demi dans la direction qu’il suivait. [57]

Ces quatre façons d’envisager la question ne s’excluent pas les unes les autres. Bien que Holmgren et Eastman aient des approches différentes, on peut en fait considérer qu’elles se soutiennent mutuellement. Holmgren insiste sur le fait que les gens disent avoir vu un avion de ligne d’American Airlines frapper le Pentagone ne l’ont en réalité que vu s’en approcher immédiatement avant l’explosion. L’hypothèse des deux avions qu’avance Eastman explique pourquoi il peut être important de faire cette distinction ; elle permet aussi de faire coïncider tous les témoignages parlant d’un avion d’American Airlines avec les preuves matérielles qui démontrent que ce n’est pas un avion de ce genre qui a frappé le Pentagone. De la même façon, les deux approches de Meyssan peuvent se trouver confortées si on les combine avec la façon de voir de Holmgren, celle d’Eastman ou une synthèse des deux. [58]

Il n’est pas utile à notre propos actuel de définir quelle hypothèse est la bonne. Le but de cette discussion était simplement de démontrer que l’argument facile, selon lequel la thèse de l’aéronef militaire est invalidée par des témoignages oculaires, est loin de la vérité. Ceci étant dit, je reviens maintenant à la liste des raisons de croire que l’aéronef qui s’est abattu sur le Pentagone n’est pas le vol AA77. Les deux premières, je le rappelle, étayent que l’assimilation en l’aéronef et le vol AA77 se basait sur des sources discutables et qu’elle était incompatible avec les preuves matérielles.

David Ray Griffin, Le Nouveau Pearl Harbor - 11 septembre : Questions gênantes à l’administration Bush, aux éditions ‘collection Résistances’, p.66-69

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Références

[51] John Ungoed-Thomas, « Conspiracy Theories about 9/11 are Growing and Getting More Bizarre », Sunday Times du 14 septembre 2003

[52] Le Pentagate, p.38 à 43

[53] Meyssan, L’Effroyable imposture p.27 et 28 de la version en anglais intitulée 9/11 : The Big Lie. ON ne trouve pas ce passage dans la version en français. (NdT) Un site Internet présente des photos de missiles de croisière qi montrent combien ils ressemblent à de petits avions de combat : http://www.fas.org/man/dod-10&/sys/smart/bgm-109.htm

[54] Voir le site : urbanlegends.about.com/library/blflight77.htm

[55] Comme nous l’avons mentionné à la note 11, Walter commence par déclare que cela ressemblait « à un missile de croisière avec des ailes ». Mais il fait aussi des déclarations contradictoires quant au fait qu’il a effectivement vu ou non l’aéronef (quel qu’il soit) frapper le Pentagone. Les premières citations de lui indiquent que non, l’appareil ayant disparu de son champ de vision en passant derrière une colline à la suite de quoi il a entendu l’explosion et vu la boule de feu. Lorsque Bryan Gumbel l’interroge le 12 septembre sur CBS, il commence par déclarer qu’il a vu un avion d’American Airlines et qu’il l’a vu frapper le Pentagone. Cependant devant les questions de Gumbel, il dit que sa vue a été gênée. Une heure plus tard, sur NBC, il répète cette dernière affirmation en ces termes : « Il a en quelque sorte disparu pendant un instant derrière le talus qu’il y a là puis il y a eu l’explosion ». Gerard Holmgren cite toutes ces déclarations dans sa page Internet, « Did F77 Hit the Pentagon ? Eyewitness Accounts Examined » NYC IndyMediaCenter (http://nyc.indymedia.org/front.php3?article_id=25646).

[56] Holmgren, « Did F77 Hit the Pentagon? Eyewitness Accounts Examined »

[57] Dick Eastmant « Ce qui m’a convaincu que le vol AA77 n’a pas tué », première partie, « American Patriot Friends Network » (http://www/apfn.orf/apfn/77_deastman1.htm). Incidemment, bien qu’Eastman suppose que l’avion américain était le vol AA77, sa thèse tiendrait aussi avec un autre avion. Dans tous les cas, Eastman étudie aussi cinq images de la caméra vidéo de sécurité du Pentagone, diffusées peu de temps après la publication du missile de Meyssan. Alors que le Pentagone voulait prouver en les publiant que c’est un avion plutôt qu’un missile qui a porté l’attaque, Eastman rapporte que c’est son étude approfondie de ces clichés qui l’a convaincu de ce que la thèse officielle est fausse parce que l’avion qu’on voit sur la vidéo est trop petit pour être un Boeing 757.

[58] Holmgren a déclaré dans sa correspondance personnelle en date du 29 novembre 2003 qu’il a admis avec réticences l’hypothèse d’Eastman sur les deux aéronefs.