Les "versets sataniques" par un chrétien

L'allégation selon laquelle le Prophète (saws) aurait accepté l'intercession des dieux de Quraysh

par Nabil Lûqa Bébâwi

Les orientalistes prétendent que le Prophète (saws) aurait admis l'intercession des dieux de la tribu Quraysh auprès de Dieu, dans le prétendu récit des cygnes célestes. Nous considérons ce qui suit :

1- Les orientalistes prétendent que les musulmans émigrés en Abyssinie seraient rentrés de leur premier exil parce que persuadés que les incroyants de Quraysh avaient mis fin à leur persécution de leur communauté, et qu'il ne subsistait aucune inimité entre les deux protagonistes. C'est pourquoi, ils aurait choisi de retourner vivre à la Mecque trois mois plus tard. Ils prétendent également que, lorsque le Prophète leur récita la Sourate de l'Etoile (al-Najm), et lorsqu'il atteignit les versets 19 et 20 :

"19 - Que pensez-vous, cependant de Lât, d'al-'Uzza 20 - et de Manât cette troisième", Satan lui aurait inspiré la phrase suivante qu'il aurait également récitée et qui aurait été ainsi exprimée (ces cygnes célestes et dont l'intercession est implorée). Le Prophète aurait ensuite récité l'ensemble de la Sourate, et se serait prosterné, et, avec lui, ses fidèles. Les incroyants de Quraysh auraient, toujours selon ces allégations, admis que Muhammad (saws) avait fait l'éloge de leurs dieux (le cygne est un oiseau marin, et c'est la raison pour laquelle les incroyants désignaient leurs dieux de son nom). C'est pourquoi, en évoquant les cygnes célestes, il aurait désigné les dieux tels que Lât, 'Uzza et Manât, et imploré leur intercession, ce qui aurait satisfait Quraysh qui voyait ses dieux reconnus comme intermédiaires auprès du Dieu unique auquel appelait le Prophète (saws) [1].

2 - Ceux-là mêmes qui ont déformé le message de l'Islam prétendent que le Prophète avait agi ainsi, en admettant l'intercession des idoles de Quraysh auprès du Dieu unique, parce que la persécution que cette dernière tribu faisait subir aux musulmans devenait plus intense, et qu'afin de faire cesser cette persécution, le Prophète aurait ajouté le dit verset en le récitant auprès de ses ennemis. Selon cette allégation, il se serait prosterné après avoir achevé la récitation de la Sourate dans sa totalité et aurait ainsi satisfait sa tribu.

3 - Les auteurs de cette allégation poursuivent que le Prophète (saws) serait retourné à son habitude de s'en prendre aux dieux de Quraysh et de les dénigrer, lorsque l'ange (Jibrîl) lui dit "Pourquoi as-tu prononcé ces propos ?", ce qui signifie que ces propos n'aurait pas été révélés par lui qui n'aurait jamais dit que les intercessions des dieux de Quraysh était acceptable. Le Prophète (saws) aurait répondu à Jibrîl "j'ai attribué à Dieu des propos qu'Il n'a pas énoncés". Selon cette allégation, les versets 73 à 75 de la Sourate du voyage nocturne (al-Isrâ') seraient une réponse à cette situation : "74 - Il s'en est fallu de peu que leur tentation ne te fit abandonner ce que Nous t'avons révélé, dans l'espoir de t'amener à forger de fausses révélations et à Nous de les imputer, moyennant quoi ils t'auraient adopté pour ami intime 74 - Et si nous ne t'avions apporté notre soutien, tu aurais failli leur faire un tant soit peu confiance 75 - Et nous t'aurions alors fait goûter le double des tourments de la vie et le double des tourments de la mort, sans espoir pour toi de trouver contre Nous un quelconque secours" [2]

4 - Le récit des cygne est un mensonge, une invention, une calomnie au Prophète (saws), car en vertu de ce récit, il aurait attribué à tort des versets à la révélation divine. Nous considérons que le Prophète (saws) n'a jamais ajouté quoi que ce soit à la moindre Sourate et n'en a rien retranché. Il était le dépositaire d'une révélation divine, par l'intermédiaire de Jibrîl. L'histoire des cygnes est montée de toute pièce.

5 - L'hypocrisie des orientalistes consiste en ce fait qu'ils ont exploité ce récit (fallacieux) afin de porter atteinte à l'image du Prophète (saws), en affirmant que son objectif était d'amadouer les incroyants de Quraysh qui l'ont persécuté ainsi que sa communauté de foi, en admettant d'attribuer à Dieu des propos qui ne pouvaient pas lui être attribués. Ce à quoi je réponds que le Prophète (saws) ne pouvait aucunement courtiser les incroyants de Quraysh au détriment de la doctrine islamique qui est monothéiste. Alors que le Prophète reconnaissait qu'il n'y a qu'un seul Dieu, seul créateur des cieux et de la terre ; comment un être raisonnable pouvait-il affirmer sans fondement aucun que les idoles de pierres produites de la main de l'homme, pouvant être démolie, à tout moment, par cette même main, avaient le pouvoir d'intercéder auprès de Dieu ? Au cours des treize années passées à la Mecque, le Prophète n'a jamais craint les incroyants de Quraysh, et ne les a jamais courtisés afin d'obtenir leur adhésion au message de l'Islam, mais a plutôt consenti à supporter les difficultés et souffrances que ceux-ci lui ont infligée ; afin de défendre ce message.

6 - Les musulmans ne sont pas rentrés de leur premier exil en Abyssinie parce que la persécution orchestrée par Quraysh s'était atténuée, mais bien parce qu'une révolte fut déclenchée contre le Négus. Ils avaient seulement l'espoir que l'oppression de Quraysh soit moins pesante, notamment, à la suite de la conversion de 'Umar B.al-Khattâb. Toutefois, dès leur retour, les musulmans s'aperçurent que Quraysh était tout autant disposé à les persécuter.

7 - Nous savons tous que le Prophète (saws) était sincère (Sâdiq) et digne de confiance (Amîn), tout au long de sa vie, ce qui lui valut d'être surnommé de ces deux adjectifs, lui qui était le modèle à suivre pour les musulmans. C'est pourquoi, il est inconcevable de lui reconnaître de propos mensongers qu'il aurait à tort attribués à Dieu.

8 - Comment le Prophète aurait-il pu chercher, comme le prétendent les orientalistes, à pactiser avec les incroyants de Quraysh, lui qui était inflexible face à eux, tout le long de sa vie. Lorsque son oncle Abû Tâlib lui demanda de renoncer à son message monothéiste et de ne plus rejeter les dieux de Quraysh, il répondit avec une assurance totale qu'il poursuivrait sa mission comme Dieu le lui avait ordonné, y compris si cela venait à causer sa perte.

9 - L'Islam appelle à l'adoration du Dieu unique et toute l'Arabie le savait. C'est pourquoi, il est inconcevable que le Prophète (saws) ait affirmé une seule fois avoir reconnu l'intercession des cygnes célestes, voire des dieux de Quraysh, auprès de Dieu, ou reconnu leur place dans l'Islam, lui qui les maudissait et appelait les incroyants à démolir ces idoles incapable d'apporter le bien et le mal aux humains, parce que fabriqués de leurs mains.

10 - Quant à la Sourate de l'Etoile (al-Najm), la véritable, telle que ne la conçoivent pas les personnes acharnées contre l'Islam, elle est toute entière destinée à réfuter les dieux de Quraysh. Voici son texte :

"18 - Et c'est ainsi qu'il lui fut donné de voir certains des plus grands signes de son Seigneur 19 - Que pensez-vos cependant de Lât, de 'Uzza 10 - et de Manât cette autre troisième  21 - Auriez-vous ainsi des enfants mâles et Dieu seulement des filles ? 22 - Ne voilà-t-il pas un partage des plus iniques ? 23 - En vérité, ce ne sont là que des noms que vous avez inventés, vous et vos ancêtres, et que Dieu n'a investi d'aucun autorité. En réalité, les idolâtres ne font que suivre leurs conjectures et leurs caprices, alors que la bonne voie leur a bien été tracée par leur Seigneur".

Telle est la véritable Sourate telle qu'elle figure dans le texte coranique, celle récitée par le Prophète (saws), mémorisée par ses compagnons, transcrite par les scribes de la révélation, regroupée par Abû Bakr al-Siddiq, puis par 'Uthman b.'Affan. Cette Sourate est sans ambiguïté en ce qui concerne le rejet des dieux Lât, 'Uzza et Manât, considérés comme des noms donnés par les polythéistes et leurs pères. Il n'y a aucune mention de la reconnaissance d'un quelconque rôle de ces idoles auprès de Dieu. Ce sont les personnes hostiles à l'Islam qui ont inventé ces récits [3].

11 - En un mot, ce sont les personnes hostiles à l'Islam qui ont monté ce récit des cygnes célestes, de toutes pièces, afin de ternir l'image de l'Islam et du Prophète (saws), lequel n'aurait jamais pu reconnaître à ces idoles faits de pierres une quelconque valeur, dans la nouvelle religion. La preuve en est que, lors de la conquête de la Mecque par les musulmans, il commença par démolir l'ensemble des représentations d'idoles qui résidaient au sein de la Kaaba, et à l'extérieur de celle-ci, afin de n'en laisser aucun.

Nabil Lûqa Bébâwi, Muhammad (saws) : le Prophète calomnié, éditions ALBOURAQ, p. 93-98

L'auteur :

Chrétien orthodoxe de confession, docteur en économie et en droit, il a obtenu un doctorat en études islamiques. Il a étudié les fondements de l'Islam, le Coran, la méthode d'exégèse, instruit par les savants musulmans les mieux reconnus d'al-Azhar. Il envisage de prendre la défense du Prophète Muhammad (saws) face aux attaques de certains orientalistes. Il dit à propos des orientalistes : "Lorsque je transcris ces propos stupides et que j'y réponds, je suis attristé, car les allégations mensongères des orientalistes ont dépassé toutes les limites du raisonnable..."

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[1] Montgomery Watt parle explicitement de versets sataniques, afin de mentionner le prétendu verset invoquant les trois divinités de la Mecque (Lât, 'Uzza et Manât), et expliqué que leur insertion par une volonté de compromis avec Quraysh, et son abrogation expliquée par l'échec de ce compromis ; à ce titre, la révélation coranique serait expliquée comme l'instrument des alliances politiques, donc comme un moyen utilisé par l'habileté d'un prophète stratège !!

[2] Dans l'explication que fait Muhammad Hysayn al-Tabatabâ'i, ces versets répondent à la demande faite par Quraysh, non pas d'implorer leurs dieux, mais de cesser de les réfuter. Le second verset ne signifie nullement, selon cette même interprétation, que le Prophète (saws) aurait cédé à leur demande, mais que le soutien de Dieu l'en a empêché. Nous sommes loin de l'explication de Watt. Cf. al-Tabataba'i (Muhammad, Husayn) : al-Mîzân fi Tafsîr ak-Qur'ân

[3] La cohérence de la Sourate de l'Etoile (al-Najm) suffit à réfuter l'allégation des "versets sataniques". La Sourate toute entière était destinée à réfuter les divinités de Quraysh, à les poser comme des inventions humaines : comme des noms inventés par les humains et qui ne reflètent que leurs conjectures et leurs caprices.