Médecine

I. 1/. LES AMÉRINDIENS PRÉCOLOMBIENS :

e)Médecine.

Après toutes ces vérités sur les "sauvages", cela vaut la peine de faire une comparaison entre leurs médecines et la nôtre. On ne saurait, certes, faire des comparaisons entre une médecine développée au point où en est aujourd'hui la nôtre et celle des Indiens d'il y a cinq siècles, "brisée par la Découverte"(de l'Amérique) comme écrit Paul Rivet. La comparaison devrait donc être faite entre médecines des Indiens au XVme siècle et la non-médecine de l'Europe d'alors. 

Même au siècle suivant celui de François 1er, en 1611, le "médecin" d'Henri IV, Jacques Fontaine, cherchait dans ses "diagnostiques" la "Marque du Diable", et écrivait péremptoirement : 

Citation:

"Ceux qui disent qu'il est difficile de distinguer les marques du Diable des défauts naturels, d'un furoncle ou d'un impétigo, montrent clairement qu'ils ne sont pas de bons médecins."(1)

Au temps d'Henri IV et de son "médecin", cela faisait plus d'un siècle que l'on avait détruit les civilisations du Nouveau Monde. Avant cela, la médecine y était la Reine des Sciences tant chez les Incas que chez les Aztèques ou les Mayas. Au Pérou par exemple :

Citation:

"... médecine et pratiques chirurgicales chez les Incas semblent avoir été aussi avancées, et même en certains points peut-être encore plus avancées, que lorsque Ambroise Paré arrachât la médecine de son sommeil médiéval en Europe au XVI siècle."(2)

Quant au Mexique, 

Citation:

"En chirurgie ils avaient fait de grands progrès; ils soudaient des os brisés et pratiquaient des opérations aussi difficiles que la trépanation."(3)

Complétons Alfonso Toro en ajoutant qu'on y pratiquait même la chirurgie esthétique pour réparer les visages des belliqueux Aztèques démolis aux combats. De même chez les Mayas, comme écrit Diego de Landa, quoique à sa manière bien particulière : 

Citation:

"Il y avait aussi des chirurgiens, ou pour mieux dire, des sorciers qui guérissaient avec des herbes et beaucoup de superstitions."(4)

Alors si leurs "superstitions" les guérissaient, pourquoi traiter leur méthode curative de sorcellerie? Tous les religieux espagnols n'étaient pas des Diego de Landa. Le moine augustin Antonio de la Calancha, dans sa CORONICA MORALIZADA DEL ORDEN DE SAN AGUSTIN EN EL PERÚ, fait l'éloge de la médecine paléo-péruvienne. Il la compare avec la "médecine" de son temps en Europe, dont il critique la "maldita ignorancia', la "maudite ignorance" de nos "médecins" d'alors, et écrit dans son livre publié en 1639 : 

Citation:

"Parmi les indigènes du Pérou il y avait des médecins sublimes, et le Deuxième Concile de Lima avait dû constater qu'ils étaient extraordinairement capables, et devaient être autorisés à guérir avec des herbes, des eaux et des massages; et disposa en son chapitre 111 que personne n'avait le droit de les empêcher d'exercer."

Plus récemment, deux chirurgiens péruviens, les docteurs Graña et Rocca, ont prouvé au monde médical moderne que du temps des Incas on maîtrisait au Pérou les trépanations de la boîte crânienne, et à l'occasion de fouilles archéologiques on y a découvert des instruments chirurgicaux : 

Citation:

"Avec ces instruments, les docteurs Graña et Rocca opérèrent actuellement des trépanations du crâne sur un patient vivant, utilisant les techniques opératoires des Incas. Ils utilisèrent la forme inca du tourniquet appliqué tout autour de la tête, et prouvèrent ainsi l'efficacité des anciennes techniques opératoires."(5)

Se représente-t-on nos médecins au temps d'Henri IV en train d'opérer une boîte crânienne, même en ayant recours à la "marque du Diable"??? Pedro Cieza aussi vante les connaissances médicales des paléo-péruviens, ainsi que leur maîtrise de la botanique. Comme écrivait Paul RIVET, que de services nous rendent encore aujourd'hui le Quinquina, l'Ipécacuana, le copahu du Pérou! 

L'Inca Pachacutec avait décrété que 

Citation:

"Le médecin ou herboriste qui ignore les vertus des herbes ou qui connaissant les vertus de quelques-unes seulement ne cherche pas à les connaître toutes, sait peu ou rien. Il lui faut donc travailler pour les connaître toutes et mériter ainsi le nom auquel il prétend."(6)

Un vrai barbare ce Pachacutec qui prescrivait à ses médecins 1'étude de la botanique au lieu de chercher la "marque du Diable". Un médecin hollandais, le Dr P.Feritz, fit il y a quelques années un séjour de deux ans parmi les Curanderos (médecins traditionnels) du Pérou. Il étudia leurs procédés et les fit connaître dans un rapport publié en Allemagne aux éditions "Ringelheimer Biologische Umschau" à Saltzgitter-Ringelheim. D'après Dr Feritz les médecins traditionnels font des analyses d'urine à leur façon, comme les faisaient leurs ancêtres il y a plus de cinq siècles, et découvrent le diabète aussi aisément que cela se fait dans nos laboratoires. Ils le soignent et le guérissent avec, des herbes et une diète. 

Au Mexique aussi, la botanique était maniée de main de maître. Avant Colomb les Indiens savaient tirer profit pour leur santé des herbes dont la Nature les avait dotés avec opulence : 

Citation:

"Aucun pays a eu autant d'espèces de plantes médicinales comme le Mexique, et leurs vertus étaient parfaitement connues par les Aztèques, qui, on pourrait le dire, avaient scientifiquement étudié la botanique médicinal."(7)

Grâce aux herbes médicinales et à leur médecine adaptée à leurs maladies, les Indiens vivaient très sainement. Cependant, comme écrit Louis Baudin 

Citation:

"Ce sont surtout les maladies apportées de l'Ancien Monde, la petite vérole et la rougeole, qui ont causé des ravages."(8)

Oui, des RAVAGES! qui les ont littéralement décimés par endroit. Motolinia avait constaté ceci sur place et en son temps. Au sujet de la variole, il écrit qu'à l'arrivée au Mexique de Pánfilo de Narvaez, un de ses hommes atteint de variole, en 1520 (six mois après l'invasion) : 

Citation:

"cette maladie jamais connues en ces terres se propagea de telle façon, qu'elle créa chez eux une pestilence qui dams la plupart des provinces causa la mort de plus de la moitié des gens. Ils mouraient comme un monceau de punaises."

Citation:

"11 ans après, vint un Espagnol atteint de rougeole, qui se propagea chez les Indiens tant que de très nombreux en moururent."(9)

Et le "monceau de punaises" s'entassait partout où nos barbares Européens mettaient leurs pieds. Au lieu d'avoir des remords de ces apports civilisateurs, on les insulte de surcroît, avec l'accusation sans preuve, que les marins de Christophe Colomb auraient amené du Nouveau Monde la syphilis, une maladie qu'on confondait alors avec la lèpre. Comment nos "Diafoirus" du XVme siècle auraient été capables de distinguer une manifestation de syphilis d'un cas de lèpre! Sahagún, qui n'a rien laissé des "choses" des Indiens précolombiens sans en référer dans ses travaux, écrit bien au sujet de la lèpre(10) et des soins qu'on lui portait, mais pas un mot sur l'existence de la syphilis. 

Leur médecine était supérieure à la nôtre d'alors parce qu'elle avait un puissant allié : l'Hygiène, contrairement à la nôtre qui souffrait de son l'absence. Sahagún écrit que les Indiens enseignaient à leurs enfants : 

Citation:

"Avant le repas tu dois te laver les mains et la bouche. De même après avoir mangé te nettoyer les dents"(11).

Motolinia de son côté constatait que chez les Indiens : 

Citation:

"c'était une grande habitude en bonne santé ou malades de se baigner souvent"(12).

Malgré cela l'Europe traita les Indiens de "sales", de "voleurs", de "barbares". 

BASILE Y.

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1/. Cité par J.C.Lauret et R.Lasierra, dans LA TORTURE ET LES POUVOIRS, éditeurs Balkand, Paris 1975, page 130. 

2/. Victor von Haagen, THE REALM OF THE INCAS, éd. New American Library, New York 1961, page 106.

3/. Alfonso Toro, HISTORIA DE MÉXICO, éditions Patria, Mexico 1956, tome I, page 386. 

4/. Fray Diego de Landa, RELACIÓN DE LAS COSAS DE YUCATÁN, Editions Porua, Mexico 1959, page 39. 

5/. Victor von Haagen, THE REALM OF THE INCAS, éd. New American Library, New York 1961, page 106. 

6/. Garcilaso de La Vega, COMENTARIOS REALES, Livre IV, chapitre 36, page 505. 

7/. W.H.Prescott, THE COMPLETE WORKS, Londres 1896, volume III, pages 493-494. 

8/. Louis Baudin, LES INCAS DU PÉROU, éd. Médicis, Paris 1947, page 132. 

9/. Motolinia, HISTORIA LE LOS INDIOS, éd. Gili, Barcelone 1914, page 14. 

10/. Fray Bernardino de Sahagún, HISTORIA GENERAL DE LAS COSAS DE LA NUEVA ESPAÑA, Mexico 1946, tome II, page 270.

11/. Idem, tome I, page 560. 

12/. Motolinia, MEMORIALES, éd. UNAM, Mexico 1971, page 21. 

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