les bases "légales" du génocide

II. L '"APOCALYPSE".

II. 1/. LE DRAGON WISIGOTH EN AMÉRIQUE LATINE :

a)les bases "légales" du génocide.

En Amérique du Sud

En Amérique Centrale

"...tuant grand nombre (d'Indiens) en temps de paix, les jetant aux chiens (pour être dévorés), les brûlant, coupant des mains, des pieds, des nez et des seins, violant leurs femmes et leurs filles, mettant le feu à leurs maisons, saccageant leurs semailles; de sorte qu'ils meurent de froid et de faim, et ne leur resta plus que s'accoutumer, de pure nécessité, à se manger les uns les autres."(1)

"La puanteur des cadavres morts dans les mines fut si grande que cela amena la Peste, surtout aux mines de Huaxicán, une demi-lieue aux alentours desquelles à peine il y avait place pour marcher ailleurs que sur des cadavres ou des ossements."(2)

A gauche, l'apport civilisateur de l'homme blanc : obliger les Indiens à devenir anthropophages, obligation attestée par le rapport ci haut, à gauche, du juge de l'Audience de Lima, le Licenciado Fernando de Santillán, daté du 4 Juin 1559. 

A droite, c'est le doux franciscain Motolinia, dévoué admirateur de Cotés qui parle. Le titre "APOCALYPSE" de cette partie est reprit de ses écrits (3), tel qu'il appréciait le Malheur que fut la Conquista pour les Indien. Les lignes ci-dessus du père Motolinia et du juge à l'Audience de Lima sont un modèle de ce que fut la "pacification" et la "christianisation" après les violences de la Conquista. 

Le Dragon Wisigoth avait trois têtes : 

1/. La ENCOMIENDA. On "encomendait" aux soins d'un encomendero un certain nombre d'Indiens afin qu'il les "christianise" en leur apprenant à mourir à la tache pour mériter le Paradis, après avoir été baptisés (la plupart des temps à la chaîne) par milliers à la fois. 

2/.LE REPARTIMIENTO. Comme le Pape des conquistadores Alexandre VI avait réparti le Monde entre Espagnols et Portugais, à son exemple, ses fils spirituels se répartissaient les Indiens en les marquant au fer rouge de la marque de l'encomendero. On fit aux Indiens sur leurs terres des "guerres justes" pour justifier la mise en esclavage de "prisonniers de guerre", et cela au moyen de la troisième tête du Dragon Wisigoth : le requirimiento. 

3/. REQUIRIMIENTO. On arrivait armés à outrance au sein d'une agglomération d'Indigènes aux corps nus et sans armes, où personne ne comprenait un mot d'espagnol, et un "Avoué de Sa Majesté" leur requérait ce qui suit (en résumé) : 

Citation:

"Dieu créa le monde en six jours. Les hommes ayant péché, il envoya son Fils sur Terre pour leur Rédemption. Des méchants tuèrent le Fils de Dieu, qui, retournant au Ciel, laissa sur Terre pour le représenter, Saint Pierre. D'autres hommes ayant tué Saint Pierre aussi, il alla à son tour au Ciel, d'où il se fait représenter maintenant à Rome par notre Saint Père Alexandre VI. La Terre appartenant à Dieu, son représentant ici-bas remit les terres des païens aux Espagnols afin qu'ils se chargent de la sainte besogne de sauver leurs âmes en les convertissant à notre Sainte Foi, etc., etc., etc. Et celui qui s'y opposerait serait un traître à Sa Majesté."

Ce morceau-modèle de morale est HISTORIQUE. Les Indiens n'y comprenant rien (4), ils regardaient les conquistadores avec curiosité, se demandant ce qu'ils voulaient bien dire - il n'y avait pas encore d'interprètes. Alors on faisait dresser un "constat" par l'"avoué de Sa Majesté" sur la "Rébellion" des Indiens contre la Couronne de Castille. Rebelle à Sa Majesté était considéré tout chef Indien qui n'acceptait pas que de son peuple on fasse des esclaves ; ou celui qui avait dit oui au Requirimiento sans y avoir rien compris, et s'était "désavoué par la suite". Ils étaient alors traités en conséquence. Las Casas rapporte même qu'un Couraca (chef Indien d'Amérique du Sud) avait répondu au conquistador Martin Fernandez de Encico : 

Citation:

"Ce Saint-Père là, comme vous l'appelez, devait être fou ou ivre au moment où il a distribué des terres qui ne lui appartenaient pas."

Et Voltaire intellectualisa cette farce par les vers ci-dessous : 

Citation:

"Tu vois de ces tyrans la fureur despotique : 

Il pensent que pour eux le Ciel fit l'Amérique. 

Qu'ils en sont nés les rois : et Zamore à leurs yeux, 

Tout souverain qu'il fut, n'est qu'un séditieux."(5)

Tout "séditieux" méritait donc qu'on fasse une "guerre juste"à son peuple avec de lourdes épées sur des corps nus. C'était vite fait, et on n'avait plus qu'à allonger les bras pour ramasser les "prisonnier" bons à marquer au fer rouge de l'esclavage. Sepúlveda, qui, corrompu par les conquistadores avait "scientifiquement" élaboré la théorie des "guerres justes", en dehors des largesses de Cortés, 

Citation:

"Le huit février 1554, le Conseil Municipal de Mexico lui envoya de la joaillerie, des vêtements valant 200 pesos 'en remerciements pour le passé et pour l'encourager pour l'avenir'."(6)

La haine de Sepúlveda envers Las Casas et les Indiens était payante ! Une fois les Indiens "pacifiés", on n'avait plus qu'à lutter entre conquistadores pour avoir la plus grande part au REPARTIMIENTO. Pour ce qu'était ce repartimiento, laissons un ex-encomendero nous l'expliquer, un encomendero repenti et devenu moine pour l'absolution de ses péchés d'encomendero : Jacinto de San Francisco. Ex-compagnon de Cortés, il avait été récompensé de ses tueries d'Indiens par un repartimiento de survivants, et se mit à les faire travailler dans les mines. Cependant, il lui restait un peu de l'Éthique des "nuits du moyen âge". S'étant rendu compte que son état d'encomendero était une négation des enseignements du christianisme, sincère croyant, il se repentit d'avoir fait mourir des hommes au travail. Il abandonna tout et entra sous les Ordres de St François d'Assise. Dans une lettre envoyée à Philippe II le 15 juillet 1561, il lui écrivit qu'après la Conquista, lui et 23 de ses compagnons reçurent une encomienda d'Indiens au repartimiento. Retourné quelques années après à cette encomienda où étaient installés ses compagnons, il avait dû constater qu'il n'y restait plus que 13 Indiens survivants, et que la région était complètement dépeuplée. Le Père Pedro de Cordoba avait donc raison d'écrire, en sa qualité de Provincial des Dominicains de la Colonie au Cardinal Jimenez de Cisneros que : "les Espagnols ne peuplent pas mais dépeuplent les Indes (Occidentales)" avec le repartimiento, en ajoutant à sa lettre au Régent du Royaume : 

Citation:

"les femmes ont travaillé et travaillent sur ces terres tant et plus que les hommes, et cela demi nues, sans manger, sans avoir de quoi se coucher, et même enceintes et ou après avoir accouchées. Même Pharaon et les Égyptiens ne commettaient pas de telles cruautés envers le peuple d'Israël."(7)

On lit sous la plume de Jeronimo de Mendieta (Historia Eclesiastica Indiana) que "si un Indien était malade on lui disait qu'il mentait comme un chien d'Indien...". Même le vice-roi du Pérou, le marquis de Cañete, qu'on ne peut soupçonner de sympathie pour les Indiens, écrivait le 15 février 1556 à Philippe II : 

Citation:

"Que Votre Majesté comprenne qu'il ne suffirait pas d'un Vice-Roi pour chaque colon, pour l'empêcher qu'il vole, maltraite et tourmente les Indiens. Et si cela continue, il se passera la même chose que sur l'Ile de Santo Domingo."(8)

Par Santo Domingo il entend La Española (actuellement Haïti/Saint Domingue), où il n'est pas resté un seul survivant autochtone. Ceux amenés par la suite du continent en esclavage furent exterminés à leur tour, ce qui explique qu'on ne voit plus aujourd'hui aux Antilles que des survivants d'esclaves Noirs. C'était cela le repartimiento que le père Jeronimo de Mendieta juge comme suit : 

Citation:

"De toutes les pestes, rougeole, syphilis, goitres et typhus (maladies importées de l'Europe) la pestilence la plus redoutable fut le repartimiento."(9)

Ce repartimiento inauguré par Colomb aux Antilles, après avoir eu pour conséquence l'extermination TOTALE des habitants initiaux des Iles, s'installa au Nord du continent d'Amérique du Sud sous le même nom. Passé plus loin, au Pérou, il devint la MITA. Mais ce ne fut qu'un changement de nom(10). Ainsi, encore en 1781, trois siècles après son initiateur Colomb, 

Citation:

"Les Indiens de vieille souche inca souffraient toujours de l'horrible tourment de la "mita", qui était ni plus ni moins que le repartimiento de jeunes, les plus sains et les plus robustes, entre les Espagnols propriétaires de mines. De sorte que chaque année les gouverneurs mettaient la main sur ces malheureux, qui, sans appel ni décharge, étaient enterrés vivants dans les mines, d'où ils ne sortaient qu'impotents, décrépits ou morts."(11)

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1/.Cité par Alejandro Lipschutz dans EL PROBLEMA RACIAL EN LA CONQUISTA DE AMERICA, éd.Siglo XXI, Mexico 1975, page 121. 

2/. Motolinia, MEMORIALES, éditions UNAM, Mexico 1971, page 29. 

3/. Idem, page 28. 

4/. Quand l'interprète de Pizarro traduisit cela à Atahualpa, l'Inca du Pérou lui répondit : "qu'est-ce que ce Dieu qui se fait tuer par des hommes ? Le mien est le soleil, personne ne peut le tuer ! " 

5/. Voltaire, Alzire, acte 4, scène 3. 

6/. Actes du Conseil Municipal de Mexico, cités par Juan Friede dans "Bartolomé de Las Casas, PRECURSOR DE L'ANTICOLONIALISMO", éditions Siglo XXI, Mexico 1974, page 196. 

7/. Cité par Juan Friede dans "Bartolomé de Las Casas, PRECURSOR DE L'ANTICOLONIALISMO", éditions Siglo XXI, Mexico 1974, page 35. Retour ^ 

8/. Idem, page 206. 

9/. Idem, page 242. 

10/. Le mot quechua MITA perdit chez les encomenderos la signification noble qu'il avait chez les Incas, de protection des travailleurs. On a tout détruit chez les Indiens en les "civilisant", même leur langue ! 

11/. Vic. F. Lopez, MANUEL DE LA HISTORIA ARGENTINA, Buenos Aires 1949, page 165.

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