Sourate An-Nâs

Je cherche refuge auprès de Dieu contre Satan le Lapidé.

Au Nom de Dieu, Clément et Miséricordieux.

Paix sur quiconque suit le droit chemin.

 

 

Explication de la Sourate « An-Nâs » [Les Hommes]

C’est la 21ème Sourate dans l’ordre de la Révélation Coranique et la 114ème dans l’ordre de la Vulgate ‘Uthmanienne. Elle fut révélée en même temps que la Sourate « Al-Falaq » [l’aube naissante]. On appelle plus communément ces 2 Sourates « Al Mu’awwidhatan » (les 2 Sourates protectrices) car elles commencent toutes les deux par l’expression « Dis : Je cherche protection ».

 

Cause de la révélation de cette Sourate

 

Dans son recueil de Hadiths authentiques, Muslim rapporta selon un récit d’Okba Ibn Amir que le Messager d’Allah (saws) dit :

« Ne vois tu pas qu’il y a des versets qui m’ont été révélés cette nuit dont on n’a jamais vu de pareil auparavant ? Ces versets sont : « Dis  je cherche protection au près du Seigneur de l’aube naissante » (113/1) et « Dis : je cherche protection auprès du Seigneur des Hommes ». (114/1) » [1]

Les savants ont divergé quant à savoir si les 2 Sourates protectrices seraient mecquoises ou médinoises. Parmi ceux qui affirment qu’elles sont mecquoises, il y a entres autres :

- Al-Hasan Al-Basrî,

- `Ikrimah,

- `Atâ',

- Jâbir Ibn Zayd,

- `Abdullah Ibn `Abbas.

Parmi ceux qui soutiennent qu’elles seraient médinoises, il y a entres autres :

- Abdullâh Ibn Az-Zubayr,

- Qatâdah.

Pour concilier ces points de vue divergents, il est probable que ces Sourates aient eu plusieurs contextes de révélation comme ce fut par exemple le cas pour la Sourate Al-Ikhlas [Unicité Pure].

Dans le Tafsir Al-Qur’ane d’Ibn Kathir, plusieurs autres récits furent rapportés concernant le contexte de la révélation de cette sourate, pour de plus amples détails et afin de ne pas alourdir ce texte, le lecteur pourra se référer au dit commentaire.

Nous apportons un exemple illustratif de la nécessité de s’adonner à la récitation de ces paroles utiles pour la vie et l’apaisement du croyant dans sa vie de tous les jours:

« On rapporta aussi d’Abi Said que le Messager d’Allah avait l’habitude de chercher protection contre le mauvais œil des djinns et des hommes. Mais, quand les Mu’awwidhatan furent révélées, il en utilisa pour chercher la protection et abandonna toutes les autres formules. » [2]

Il est conseillé qu’il faut réciter ces Sourates avant de se coucher, en effet dans son livre « Fadâ il al Qur’an » (les mérites du Coran) de l’imâm Al-Bukhari, il est rapporté selon ‘Ourwa le hadith de ‘Âïcha (raa) qui a dit :

 

« Quand l’Envoyé de Dieu (saws) souffrait d’un mal, il avait pour habitude de réciter pour lui-même les sourates dites « les préservatrices », et il soufflait dans ses mains. Mais, lorsque son état s’aggravait – disait ‘Âïcha – je les récitai pour lui tout en frictionnant son corps avec sa main bénite. » [3]

 

Explication verset par verset de la Sourate

 

1.     « Dis : Je cherche protection auprès du Seigneur des hommes »

« قُلْ أَعُوذُ بِرَبِّ النَّاسِ »

 

Ce verset établit une vérité ultime et très importante pour les croyants qui est de ne s’en remettre qu’à Dieu lorsque l’on rencontre une difficulté. Beaucoup de gens cherchent la protection auprès des gourous, des magiciens, des voyants, des outils, des morts, des saints, des statues, etc. mais sans que cela ne leur soit bénéfique. Cette attitude s’apparente à du Shirk (association).

Il ne s’agit pas d’association dans le sens de mettre une autre divinité au même niveau que Dieu, mais dans le sens d’attribuer à autre que Lui un pouvoir et un attribut qui ne Sied qu’à Lui : la  Souveraineté ainsi que la gestion des cieux et de la terre.

Pourquoi donc demander protection à des créatures qui n’ont pas la moindre influence sur l’avenir de l’être humain ?

Dieu est « le Seigneur des hommes » comme il est rappelé dans ce verset, pour bien appuyer le fait que c’est Lui et Lui Seul qui dirige tout. Attention donc à ce que notre cœur ne démente pas notre bouche car si nous demandons protection auprès d'Allah alors que notre cœur est attaché à autre que Lui, alors nous aurons menti.

Allah se définit ici comme étant « ar-Rabb ». Souvent, on le traduit par Seigneur, mais le mot arabe englobe beaucoup de significations différentes. Il signifie que c'est Allah qui prend en charge toute la Création, Il a créé toute chose, apporte à chaque chose sa subsistance, Il est le seul à avoir un effet sur la Création. 

Selon Az-Zamlakânî, l’annexion du terme Seigneur (Rabb) aux hommes (an-nâs) tend à signifier que le sens du mot       « hommes » correspond ici aux enfants car ar-Rabb est celui qui éduque (yurabbi) et les hommes sont durant leur existence dans le plus grand besoin d’éducation.[4]

2.     « Le Souverain des hommes »

« مَلِكِ النَّاسِ »

 

Comme déjà expliqué, la Souveraineté n’appartient qu’à Dieu. Plus généralement, versets 1 à 3 expliquent les branches principales du Tawhid (Unicité Divine) qui sont:

- le Tawhid ar-Rububiyya (l’Unicité dans la Seigneurie)

- le Tawhid al-Uluhiyya (l’Unicité dans la Divinité)

Il s’agit en effet de montrer aux humains que Dieu est le Seigneur des seigneurs et qu’à Lui tout appartient et qu’Il est Notre Seul secours en cas de besoin. Les attributs de Dieu les plus importants sont énoncés dans ces 3 versets à savoir « La Seigneurie, la Souveraineté et la Divinité » sur l’ensemble de la Création.

Allah est Al-Malik c'est-à-dire qu'Il est le Roi. Tout autre roi que Lui n'est en fait pas un véritable roi car tout autre roi que Lui dépend du Seul Vrai Roi qui est Allah.

3.     « Dieu des hommes »

« إِلَهِ النَّاسِ »

 

Explication aux versets 1 et 2 ci-dessus.

Allah est le Seul à mériter la divinité comme nous l'avons déjà dit. Mais associer quelqu'un à Allah ne veut pas seulement dire « embrasser » des statues de bois. En effet, en aimant quelqu'un ou quelque chose comme on aime Allah, on a en fait divinisé cette chose et comme en atteste ce Compagnon qui fut interrogé par les gens du Livre au sujet du verset

« Ils ont pris leurs rabbins et leurs moines, ainsi que le Christ fils de Marie, comme Seigneurs en dehors d'Allah, alors qu'on ne leur a commandé que d'adorer un Dieu unique. Pas de divinité à part Lui ! Gloire à Lui ! Il est au-dessus de ce qu'ils [Lui] associent. » (9/31)

Ils lui dirent qu'ils ne vouaient pas d'adoration aux rabbins et aux moines. Le Compagnon retourna voir le Prophète (saws) qui lui répondit que les rabbins et les moines leur avaient autorisés l'interdit et interdit l'autorisé et qu'ils les avaient suivi et que c'est cela leur adoration.

« Vois-tu celui qui prend sa passion pour sa propre divinité ? Et Allah l'égare sciemment et scelle son ouïe et son cœur et étend un voile sur sa vue. Qui donc peut le guider après Allah ? Ne vous rappelez-vous donc pas ? » (45/23)

« Parmi les hommes, il en est qui prennent, en dehors d'Allah, des égaux à Lui, en les aimant comme on aime Allah. Or les croyants sont les plus ardents en l'amour d'Allah. Quand les injustes verront le châtiment, ils sauront que la force tout entière est à Allah et qu'Allah est dur en châtiment ! » (2/165)

4.     « contre le mal du mauvais conseiller, furtif »

« مِن شَرِّ الْوَسْوَاسِ الْخَنَّاسِ »

 

Le mauvais conseiller furtif est le diable qui est avec chaque être humain et qui l’accompagne dans sa vie. Il est rapporté dans le Sahih de Muslim le récit suivant dans lequel le Prophète (saws) dit à ses Compagnons (raa):

« Il n’y a pas une seule personne parmi vous sans qu’elle ne soit accompagnée par le diable qu’on lui a assigné. » [5]

Il lui embellit les choses et le pousse à s’écarter de la Loi de Dieu en le faisant pécher et lui soumettant de mauvaises choses pour lui, les faisant passer pour une utilité. C’est à l’homme de combattre ceci par le Coran, la Sunna et la récitation de ces 2 Sourates quotidiennement dans ses prières ou en dehors.

Ibn `Abbas (raa) a dit que « al waswasi l-khannas » veut dire : quand l'homme est mis au monde, le démon le pique avec son doigt. Si on évoque Allah ta`ala, Satan s'éloigne, si on ne l'évoque pas, il se fixe sur le coeur du nouveau-né. Moujahid et Qatada (raa) dirent la même chose.[6]

L’imâm Al-Ghazâli rapporte dans son Ihya ‘ulumi-d-dîn, dans le passage ayant pour titre « les accès d’Iblîs au cœur de l’homme » :

« Sache qu’au regard de sa nature originelle, le cœur accepte la guidance et, qu’au regard de ce qui a été placé en lui comme désirs et passions, il est disposé à se détourner de cette bonne voie. Cette lutte en son sein, entre le soldat des anges et celui des démons, est permanente, jusqu’à ce que le cœur s’ouvre à l’un deux pour lui permettre de s’y affirmer et de s’enraciner. L’accès de l’autre s’effectue par subtilisation, conformément à la parole de Dieu : « Contre le mal du tentateur qui se dérobe furtivement » (114/4). En effet, lorsque Dieu est invoqué, le tentateur se dérobe et lorsque l’insouciance gagne, il se réjouit. C’est dire que rien n’expulse autant du cœur la cohorte des agents de Satan que l’invocation et la mention de Dieu, car ils peuvent faire face au dhikr. Sache également que le cœur s’apparente à un château fort et que Satan s’apparente à un ennemi qui veut entrer dans le château fort, s’en emparer et le dévaster. Or, on ne peut protéger le château fort qu’en surveillant ses accès et ses portes. De même, ne peut garder ses portes que celui qui les connaît, et on ne peut repousser le démon qu’en connaissant les accès de ce château fort…

Parmi ces grandes portes, il y a la jalousie et la cupidité. En effet, lorsque le serviteur convoite quelque chose, sa cupidité le rend aveugle et sourd et elle voile la lumière du discernement par laquelle il reconnait les accès du démon. Il en va de même lorsqu’il est envieux, car le démon y trouve une bonne occasion pour embellir chez l’homme cupide tout ce qui le fait parvenir jusqu’à son plaisir, quand bien même ne serait-ce répréhensible ou pervers. » [7]

 

5.     « qui souffle le mal dans les poitrines des hommes »

« الَّذِي يُوَسْوِسُ فِي صُدُورِ النَّاسِ »

 

Ce verset exprime ce que nous venons de dire pour le verset précédent à savoir que le diable tente de nous corrompre en s’attaquant à nos passions, à ce que l’on aime et tente par tous les moyens de nous détourner de l’adoration de Dieu, chose pour laquelle nous avons été créer. En effet, Allah (‘azaouagel) dit dans le Qur’an:

« Je n'ai créé les djinns et les hommes que pour qu'ils M'adorent. » (51/56)

Ce verset s’adresse aux humains comme aux djinns et nous montre le but de notre création qui est d’adoré Dieu sans rien Lui associé et de se soumettre à son ordre et ses ordonnances. Dans le verset que nous étudions, les mots « les poitrines des hommes », se réfèrent très probablement, comme l’ont dits les savants (bien qu’il y ait ‘khilaf’ (divergence) sur ce point), aux humains mais aussi aux djinns. En effet, Ibn Kathir rapporte dans son Tafsir les paroles suivantes:

« Ibn Jarir dit que l'expression «rijaloun min al jinn» (des hommes de parmi les djinns) prouve cette inclusion et que par conséquent le terme « an-Nas » s’applique aussi à eux. » [8] * Nous émettons quant à nous quelques réserves quant à cette explication.

D’ailleurs, le verset suivant explicite ce fait qu’il est question des hommes et des djinns puisqu’il est question (des mauvais conseillers) autant l’homme que le djinn. Puisque nous savons que les djinns possèdent leur monde bien à eux et que parmi eux, demeurent des djinns soumis aux ordres de Dieu et d’autres au diable, alors il est très probable qu’il s’agisse des deux camps. (Wa Allahou a’lem).

 

6.     « qu'il [le conseiller] soit un djinn, ou un être humain »

« مِنَ الْجِنَّةِ وَ النَّاسِ »

 Explication au verset 5 ci-dessus.

 

Réflexions sur la Sourate

 

Est-ce un hasard si cette Sourate, qui fut l’une des premières révélées, fut placé à la fin du Mushaf ? Nous savons que le Mushaf commence par la Sourate Al-Fatiha (l’Ouverture) et fini par celle-ci où le terme « hommes » revient 5 fois. Le Coran ne semble-t-il pas commencer par le cosmologique pour finir par l’anthropologique : l’appel direct à l’initiative des hommes ?

 

Et Allah est plus Savant.

Puisse Allah nous récompenser pour nos efforts !

 

[1] Muslim 1/558, rapporté aussi par Ahmed (4/144), At-Tirmidhi (qui le déclara authentique dans touhfatoul ahwathi 9/303) et An-Nasaï (8/254)

[2] Rapporté par At-Tirmidhi (qui le déclara Sahih dans touhfatoul ahwathi 6/218), An-Nasaï (8/271) et Ibn Maja (2/1161)

[3] Al-Bukhari , « Fadâ il al Qur’an » (les mérites du Coran), Bâb 14 : les mérites des Sourates dénommées les Préservatrice ou voir Sahih Al-Bukhari, hadith n°5748

[4] Voir As-Suyûtî, le secret de la disposition des Sourates du Coran, éditions SABIL, 2007, p.150

[5] Rapporté par Muslim, hadith n°2167

[6] At-Tabari 24/709-710

[7] Al-Ghazâli, Ihya ‘ulumi-d-dîn (revivification des sciences religieuses), chapitre « les accès d’Iblîs au cœur de l’homme » cité par Tahar Gaid, commentaire du Coran – chapitre ‘Amma, editions IQRA, Mars 2003, p.405

[8] At-Tabari 24/711