Darfour : les protagonistes du conflit

Les protagonistes du conflit

1. La rébellion

L’accord de paix pour le Darfour, signé le 5 mai 2006 à Abuja (Nigeria), a provoqué l’éclatement des mouvements rebelles au Darfour :

– Mouvement de libération du Soudan - Fraction Abdel Wahid An-Nour (MLS-AWN). Dirigée par M. An-Nour, fondateur « historique » du Mouvement de libération du Soudan (MLS) aujourd’hui divisé en trois groupes, cette fraction est la plus importante numériquement. Elle est principalement composée de Fours et opère surtout sur les pentes du djebel Marra, le massif volcanique situé au centre du Darfour. Le MLS-AWN est aussi connu sous le nom d’armée de libération du Soudan (ALS).

– Mouvement de libération du Soudan - Fraction Minni Minnawi (MLS-MM). Dirigée par M. Minnawi, cette fraction s’est séparée du MLS originaire en novembre 2005 lors du congrès d’Haskanita. Presque entièrement composée de Zaghawas (l’ethnie de M. Minnawi), c’est la seule qui ait accepté de signer l’accord de paix d’Abuja. A la suite de cet accord et de l’accession de son chef au poste de conseiller présidentiel sur le Darfour, le MLS-MM est devenu un auxiliaire politique et même militaire du gouvernement de Khartoum. Cette volte-face a entraîné la désertion d’une grande partie de ses combattants. Le MLS-MM est aussi connu sous le nom d’armée de libération du Soudan (ALS)-MM.

– Mouvement de libération du Soudan Al-Ikhtyar Al-Hur (MLS - Libre choix). Essentiellement composée de représentants de petites tribus noires du Darfour (Tunjurs, Dajjus) cette fraction est dirigée par M. Abderrahmane Moussa, ancien porte-parole du MLS-AWN aux négociations d’Abuja. Cette toute petite fraction s’est ralliée à l’accord de paix, non pas parce qu’elle y croyait, mais parce que les populations des petites ethnies, très touchées par la guerre, n’ont pas eu accès aux camps de personnes déplacées et que les leaders tunjurs espéraient bénéficier des « corridors sécurisés pour l’aide humanitaire » prévus par l’accord. M. Moussa a été nommé ministre d’Etat, mais les tribus n’ont pas bénéficié de l’aide espérée.

– Groupe des 19 (G 19). Ce groupe est formé par dix-neuf commandants et leurs hommes qui ont choisi de se tenir hors de toutes les fractions. Mais le G 19 a en fait apporté son soutien au FRN (voir « Darfour, la chronique d’un “génocide ambigu” »).

– Forces de combat populaires (FCP). Ce mouvement apparu en novembre 2006 est le premier qui ne soit pas « africain ». Formé de membres de la tribu arabe des Rezeigats, il opère dans le sud du Darfour, dans la région comprise entre Kutum et Nyala.

– Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE). Il s’agit d’un mouvement très ambigu, car il est étroitement lié à la branche tourabie des Frères musulmans. Dirigé par M. Khalil Ibrahim, il est exclusivement zaghawa. Son jeu est complexe, notamment par rapport au régime tchadien du président Idriss Déby Itno (le MJE s’est battu contre et pour M. Déby selon les circonstances). Riche de l’argent des Frères musulmans, il exerce une influence sans commune mesure avec ses forces militaires réelles sur l’ensemble de la guérilla, et a notamment réussi à phagocyter financièrement le FRN (voir ci-dessous).

– Forces pour la rédemption nationale (FRN). Dirigé par l’ancien gouverneur Ahmed Ibrahim Diraige (ethnie four) et par l’intellectuel Sharif Harir (zaghawa), le FNR est une « organisation ombrelle » qui fédère tous les combattants des diverses fractions refusant la « paix » d’Abuja, y compris de nombreux combattants du MLS-AWN irrités par les atermoiements de leur chef et ralliés au commandant Ahmed Abdel-Chafiq. En juillet 2006, les FRN ont attaqué les positions gouvernementales dans le Kordofan Nord (voisin du Darfour), offrant au régime soudanais le prétexte à l’envoi de plusieurs milliers de soldats en renfort.

2. Les « janjawids »

Les janjawids sont des milices issues des tribus « arabes ». Leur nom signifie approximativement « cavaliers armés de kalachnikovs ». Elles n’ont pas de « mouvement » ou d’unités organisées. Ce sont soit des bandes, soit des auxiliaires rattachés à des unités de l’armée régulière soudanaise.

3. Le président tchadien Idriss Déby Itno

Pays frontalier du Soudan, le Tchad a vu arriver plus de deux cent mille réfugiés du Darfour depuis le début du conflit. N’Djamena accuse Khartoum de soutenir la rébellion armée à laquelle il est confronté depuis plus d’un an. Réciproquement, Khartoum accuse N’Djamena d’aider les opposants soudanais. Ces tensions sont nouvelles, car le président tchadien, lui-même zaghawa, avait servi d’intermédiaire au président Omar Al-Bachir en 2003 afin d’obtenir un cessez-le-feu avec l’ALS. Ce cessez-le-feu sera sans lendemain. En 1990, le chef militaire de l’ALS Abdallah Abakkar avait contribué à porter M. Déby à la tête du Tchad.

Source : Monde-Diplomatique