LE Coupable

2/. LES CROISADES :

h) LE Coupable. 

Pas plus l'Église de Rome que l'empereur de Byzance sont les vrais coupables des crimes des Croisés. Le vrai coupable fut une certaine classe sociale, le bébé société marchande encore dans les langes qui, après un long séjour dans le ventre de sa mère la société féodale, commença aux environs du XIe siècle à sortir de ses entrailles.

Cette société marchande eut pourtant régulièrement de grands idéaux. L'année où les Croisés pataugèrent dans le sang de leurs victimes dans le Temple de Salomon, Abélard avait vingt ans. Ce grand homme, qui n'est malheureusement honoré que pour ses amours avec Héloïse, était bien plus. Avec son disciple le moine Arnaud de Brescia, ils annonçaient une ère nouvelle, l'ère d'une société marchande occidentale destinée à développer un monde industriel, qui malheureusement éleva les tueries et massacres du genre humain de leur niveau artisanal à celui de Hiroshima-Nagasaki. Le capitalisme avait pourtant déjà existé dans l'antiquité chez de nombreux peuple de la terre avec sa société marchande du "Doit et Avoir". On appèle ce capitalisme "primitif" parce que nous appelons "primitif" tout ce qui n'est pas à notre image. Le féodalisme mit un temps d'arrêt au développement de cette sorte de capitalisme. Mais quand la société marchande, vestige de l'antiquité, qui avait survécu somnolente au sein de la société féodale grâce aux Juifs commença à rendre l'européen non-juif envieux de ses compatriotes Juifs, c'est alors qu'on commença à patauger dans le sang des "Déicides" et des "Infidèles", pour commencer, et des Amérindiens et des Africains ensuite.

Les Juifs avaient été les intermédiaires entre le Proche Orient et l'Occident ; les Musulmans entre l'Orient et les Juifs de l'Europe. Comme toute entreprise commerciale qui se respecte a intérêt à supprimer les intermédiaires, Juifs et Musulmans (comme Carthage chez les Romains) devaient disparaître des avenues des échanges commerciaux des européens. Certes, les chevaliers féodaux aux lourdes armures n'étaient pas des marchands ; l'Église était d'ailleurs l'ennemie la plus farouche de la classe marchande naissante :

Citation:

En Italie centrale et à Rome s'annonçaient des temps nouveaux lorsque Arnaud de Brescia renouvela la République Romaine…

"Grégoire VII (1) et ses Légats étaient conscients du danger que représentait pour leur système la bourgeoisie ascendante. A côté des États en voie de centralisation, la bourgeoisie des grandes villes était devenue un des facteurs politiques qui préparait la fin du moyen âge."(2)

La "bourgeoisie" ne régnait pas encore, loin de là ! C'étaient L'Église et le féodalisme qui régnaient, mais l'A r g e n t avait déjà commencer à gouverner toutes les actions des Princes régnants. L'odeur des épices et autres raffinements de l'Orient (monopole jusqu'alors des Juifs et des Arabes) commençait à flatter les narines rustres de l'Europe plus fort que ne l'avait fait jusque-là l'encens pour le Seigneur. Lorsque le moine réformateur Arnaud de Brescia releva le drapeau de la "Pataria" en déclin, pour partir en guerre contre la corruption et la simonie qui régnaient au sein de l'Église, il était le porte-drapeau des guenilleux qu'était encore la classe marchande naissante. Il voulait fonder une "République Romaine" pour rendre l'Église digne des traditions apostoliques au service des pauvres, qu'elle avait abandonné lorsqu'elle déménagea des catacombes vers des palais épiscopaux. Arnaud voulait partager les biens de l'Église entre les pauvres qui végétaient dans la misère face au luxe insolent des hauts Prélats et la bonne vie du clergé en général.

Arnaud de Brescia était un homme du peuple. Le cerveau pensant, le philosophe qui l'inspirait fut celui qui ne fut pas que l'amant d'Héloïse(3), mais aussi celui de la liberté de penser. Le moine Arnaud était le disciple d'Abélard, c'est pour cela que Saint Bernard de Clairvaux les dénonça tous les deux à Rome comme :

Citation:

"L'abeille de France siffla l'abeille italienne, et ensemble se lancèrent contre le Seigneur et contre Son Christ."(4)

En réalité le "Christ" c'était les biens féodaux de l'Église. Toutefois la dénonciation de St. Bernard n'eut pas d'effet immédiat. Mais il eut quand même son petit Bûcher, Saint Bernard, quoiqu'il n'ait pas joui du spectacle pieux de son vivant. Abélard et Arnaud de Brescia furent condamnés en 1140, au Concile de Sens ; Abélard échappa au supplice en abjurant ses "erreurs" (comme Galilée). Arnaud, lui, subit le sort "miséricordieux" des "hérétiques". On mit fin ainsi à son action de Tribun révolutionnaire au service des pauvres, des petits artisans (devenus quelques siècles plus tard les grands industriels dévoreurs d'hommes), du menu peuple, en un mot de la classe marchande naissante, contre les seigneurs féodaux et une Église dont Saint Bernard était l'avocat d'affaires en la confondant avec le "Seigneur et Son Christ''.

Il n'y a pourtant aucune contradiction entre Saint Bernard défendant les richesses de l'Église contre la classe marchande naissante et Saint Bernard prêchant la deuxième croisade afin d'envoyer ses chevaliers féodaux contre l' "Infidèle", et ouvrir ainsi la porte du commerce avec l'Orient au profit de la classe marchande. L'Allemagne impériale a bien fait l'erreur de transporter Lénine en wagon plombé de Suisse en Russie à travers son territoire, alors que celui-ci donna plus tard le premier assaut conséquent de l'Histoire contre son propre régime.

La classe marchande d'Arnaud était naissante. Elle était sympathique à ses débuts. Quel est le bébé qui n'est pas sympathique ? Napoléon, Hitler et Staline l'étaient certainement aussi dans les langes. Qui aurait pensé, en voyant leurs petites frimousses au berceau, qu'un jour ils deviendraient des monstres ?

Abélard était un grand seigneur de la pensée, un philosophe libéral dirait-on aujourd'hui, ayant des sympathies pour le peuple. Arnaud, lui, était LE peuple. L'honnête moine réformateur, qui voulut re-christianiser une Église qui s'était éloignée du Christ, et fut le premier héros de la classe marchande occidentale. Cette classe était encore trop faible pour sauver son héros des griffes de ses ennemis, et le laissa périr en martyr. Il n'en fut pas de même d'un autre moine réformateur à son service, qu'elle arracha des griffes de ses bourreaux parce qu'elle avait atteint alors l' "adolescence". C'est ainsi que Luther fut sauvé du Bûcher (auquel le destinait l'Église) à la joie des marchands de Worms, de Hambourg et d'ailleurs, et pour le malheur des Juifs, et de la philosophie allemande qu'il infesta d'antisémitisme, "Phénomène bourgeois" (J.-P. Sartre).

Luther fut sauvé mais son disciple Thomas Münzer, abandonné par son Maître, n'échappa pas à la décapitation. Il avait commis le "crime" lèse-bourgeoisie d'être le protestant des petits, au contraire de son Maître, protestant des grands, qui se détourna de son disciple resté fidèle aux pauvres.

Comme le réformateur Arnaud de Brescia donna sa vie au service de l'embryon de la bourgeoisie lombarde des petites gens des villes, le réformateur Th. Münzer donna la sienne au service d'un embryon de la bourgeoisie allemande : les paysans pauvres. Des trois "contestataires" seul Luther s'en tira, car lui seul méritait de vivre aux yeux d'une bourgeoisie qui avait atteint sa majorité.

Quoi qu'il en soit, les Croisades, oeuvre du seul dieu de la Bourgeoisie, le Veau d'Or, furent le baptême de feu des européens pour les pillages et massacres qu'ils commirent pendant plusieurs siècles à l'échelle planétaire lors de leur colonialisme.

BASILE Y.

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1/. Mort dix ans avant le prêche de la première croisade par Urbain II.

2/. Albert Brackmann, DIE URSACHEN DER GEISTIGEN UND POLITISCHEN WANDLUNGEN EUROPAS ; Darmstadt 1958, pages 42 et 43.

3/. C'est pour cela que des amoureux fleurissent encore aujourd'hui au Père-Lachaise la tombe d'Abélard et d'Héloïse. Personne ne pense plus à Arnaud, supplicié pour avoir mis dans les actes les théories de son Maître Abélard.

4/. Cité par B. Dunham, THE HERETICS, London 1965, page 180.

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