Le Coran est-il une imitation de la Bible ?

Au Nom de Dieu, Clément et Miséricordieux

« …Et que la paix soit sur quiconque suit le droit chemin ! »

Saint-Coran, Sourate 20 Verset 47

Le Coran est-il une imitation de la Bible ?

Les spécialistes occidentaux des sciences islamiques rejettent dans leur grande majorité l’idée de l’origine divine du Coran. Sans quoi, comme le reconnaît fort à propos Maxime Rodinson, ils se seraient convertis à cette religion. C’est ainsi que lestés de leur héritage socioculturel, et se refusant à d’éventuelles ouvertures d’esprit, que ces experts s’efforcent de juger l’Islam. Quoi donc de plus étonnant si leurs conclusions s’opposent régulièrement aux versions traditionnellement admises par les Musulmans ?

On peut se demander alors pourquoi leur accorder la moindre importance dans ces conditions. La réponse est fort simple. Il ne nous paraît pas convenable de rejeter une opinion pour la simple raison qu’elle émane d’un camp opposé. Ni même en raison du fait qu’elle soit partisane ou dictée par la passion. Les arguments faciles utilisés par l’adversaire doivent se heurter au contraire à la logique et à la raison. On peut combattre le feu par le feu, mais il est souvent plus adapté d’éteindre l’incendie avec de l’eau. Cela aurait au moins l’avantage de noyer les foyers de propagation. 

C’est sous cet éclairage qu’in conviendrait d’examiner le point de vue des orientalistes occidentaux, dont la majorité semble admettre que le Prophète Mohammed savait parfaitement lire et écrire et qu’à ce titre, il se serait inspiré de la Bible pour rédiger « son » Coran. En réalité, et malgré toutes les apparences, nous relevons que les versions s’opposent en ce qui concerne les procédés utilisés. Il existe au moins quatre variantes différentes que nous allons étudier ci-dessous :

1. Les auteurs les plus nombreux pensent que le Prophète aurait personnellement lu et étudié la Bible dans certains milieux de l’Arabie ou ailleurs. Il aurait modelé le Coran à partir du matériel ainsi recueilli en faisant taire ses sources pour donner l’impression que « son » Livre Sacré était d’origine divine.

2. Certains orientalistes ont réfuté ce point de vue. Ils estiment qu’il n’y aucune raison de douter de la bonne foi du Prophète qui a toujours avoué avec constance son incapacité à lire ou à écrire. En foi de quoi, on pourrait valablement envisager l’hypothèse d’une tradition orale qui serait parvenue à ses oreilles par l’intermédiaire de mystérieux personnages que nous essaierons d’identifier par la suite.

3. « Pas d’accord avec ces versions » répondent d’autres spécialistes. Le Prophète avait « l’impression » de recevoir des révélations extérieures alors qu’en réalité tout ce qu’il avait attribué à l’Ange Gabriel serait le produit du subconscient. Les soi-disant communications externes ne sont que le résultat d’une illusion qui a été habilement exploitée par l’intéressé. 

4. Enfin, il y a la catégorie de fourre-tout. Ceux qui misent sur plusieurs ou tous les tableaux à la fois et qui dans leur fébrilité ramassent tout ce qu’ils trouvent sur leur chemin. Les seuls points communs étant la profusion, la diversité et…l’absence de notion du ridicule.

Nous allons examiner tour à tour les éléments et les évènements qui ont pu influé sur Mohammed au point de l’amener à créer une nouvelle religion. Ce faisant, nous répondrons aux vœux combien chers de tous ceux qui considèrent le Coran comme un message emprunté, et voient le Prophète sous les traits d’un imposteur. Mais n’anticipons pas sur les résultats de nos investigations. 

Avant tout, puisque nous partons de l’hypothèse selon laquelle le Prophète était un fin lettré et un érudit qui aurait tiré son enseignement de la Bible, nous devons connaître ce qu’est cet ouvrage et quelles facilités il pouvait offrir à d’éventuels fondateurs de religion. 

Présentation de la Bible

La Bible que le Prophète aurait étudiée est le recueil des textes sacrés des religions juive et chrétienne. On distingue la Bible Juive (ou Ancien Testament) écrite en hébreu ancien (archaïque) avec quelques parties en araméen qui était la langue sémitique répandue en Syrie, en Palestine et en Egypte. Cette Bible aurait été rédigée tout au long d’une période de neuf siècles, s’étendant du 11e au 2e siècle précédent l’ère chrétienne, et définitivement vers 90-95, lors du synode de Jamnia, en Palestine. 

Entre le 6ème et le 12ème siècle, des docteurs juifs (Massorètes) établirent une vision critique de ces textes et inventèrent les signes vocalistiques qui n’existaient pas auparavant, le travail fut achevé vers 900-930. On remarquera qu’il s’est écoulé environ douze siècles, entre les premiers textes hébraïques et l’adoption définitive du Texte biblique, et environ huit siècles entre celui-ci et la version des Massorètes. 

La Bible juive comprend 39 livres divisés en trois parties. Ce sont : la Loi (Torah ou Pentateuque), les Prophètes (Nebeiim) et les Ecrits (Ketouvim).

En plus de la Bible hébraïque, les juifs de l’Antiquité utilisaient une autre version grecque, notablement différente, élaborée à Alexandrie sur l’ordre du roi Ptolémée II (283-246 avant l’ère chrétienne) et connue sous le nom de Traduction des Septante. Cette Bible comporte une addition de plusieurs livres qui n’existent pas dans les versions massorétiques.

La Bible chrétienne est formée quant à elle, de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament. Etant donné que le Christianisme se développa principalement dans les milieux parlant le Grec, c’est tout naturellement la Bible Grecque des Septante qui fut adoptée par les premières générations chrétiennes. Cet usage fut officiellement reconnu par l’Eglise romaine au 4e siècle, puis confirmé lors du 19e Concile œcuménique de Trente en 1546 qui consacra la Vulgate pour la Bible catholique.

Dans l’Eglise catholique, le Canon inclut outre la Bible Grecque, les livres Deutérocanoniques, c'est-à-dire ceux des livres saints qui n’ont été considérés comme canoniques qu’après les autres, tels, Judith, Tobie, Les Livres des Macchabées, la sagesse de Salomon, etc.

Pour l’Eglise protestante, les livres Deutérocanoniques sont considérés comme apocryphes (non reconnus). Ils ont figuré en appendice dans les éditions bibliques jusqu’au 19e siècle, sans jamais être reconnus comme faisant autorité en matière de foi.

Les Eglises orthodoxes quant à elles, n’ont pris aucune décision officielle à leurs propos, mais les incluent dans leurs éditions de la Bible.

Le texte de l’ancien Testament a une longue histoire dont bien des moments restent encore obscurs. On ne possède aucun original des livres de l’ancien Testament, mais seulement des copies de copie, les manuscrits. La plus ancienne copie complète de l’ancien Testament hébreu que l’ont ait conservé ne date que du début du 11e siècle après l’époque chrétienne. Elle reproduit un texte traditionnel de quelques siècles plus tôt…Vers la fin du premier siècle, le texte de l’ancien Testament avait bénéficié du travail d’un groupe de savants, les Maîtres de la loi. Ceux-ci, ayant constaté des différences entre les manuscrits existants, s’étaient attachés à établir un texte officiel. Après quoi, ils firent détruire les copies non conformes à leurs textes.

La deuxième série de livres de la Bible chrétienne est constituée par le nouveau Testament. Ces livres, tout rédigés en Grec, furent écrits entre les années 50 et 150 environ de l’ère chrétienne. Ils sont au nombre de 27, comprenant les quatre Evangiles (selon Matthieu, Marc, Luc et Jean), les Actes des Apôtres, treize lettres de l’Apôtre Paul, un écrit anonyme appelé « lettre aux Hébreux », sept lettres plus courtes dites « catholiques » et un livre de visions, l’Apocalypse de Jean.

Comme pour l’ancien Testament, le Canon du nouveau Testament s’est constitué par étapes. Le premier groupe d’écrits reconnus comme faisant autorité pour la foi est l’ensemble des lettres de Paul. On y adjoignit bientôt les Evangiles et les Actes. Ce n’est que plus tard et non sans discussions que furent admis des écrits, comme la lettre aux Hébreux, celle de Jacques, la seconde de Pierre, celle de Jude et l’Apocalypse. L’usage de tous ces livres pour la lecture publique lors du Culte finit par prévaloir sur celui d’autres écrits, qui furent écartés parce qu’on ne pouvait garantir qu’ils provenaient des Apôtres.

En dehors des livres composant l’ancien Testament et le nouveau Testament canoniques, il existe des dizaines d’autres livres considérés comme apocryphes, et par conséquent non reconnus par les différentes autorités religieuses. En tout état de cause, la Bible a toujours été une œuvre dense, volumineuse et importante. Des hommes consacrent parfois toute une vie pour l’étudier. Aussi, il est impensable d’imaginer que le Prophète se serait inspiré d’un tel monument à l’insu de ses concitoyens, dans une société aussi communautaire que l’était celle de la Mecque.

En parlant de monument, nous pensons avant tout au contenu, mais le terme s’applique peut-être mieux au support de l’ouvrage. A l’époque, il n’existait que quelques exemplaires dans la religion qui nous intéresse. Ils étaient reproduits à la main et nécessitaient l’utilisation de plusieurs centaines de peaux d’agneaux. Pour cette raison le Bible était toujours volumineuses et d’un maniement difficile. On pense généralement qu’il faut 300 à 400 peaux pour contenir la totalité du message formé peu près d’un million de mots (800 000). Les manuscrits pouvaient être enroulés ou posés à plat. Les manuscrits de la Mer Morte, découverts en 1947 dans les grottes de Qumran en Palestine étaient rédigés sur des rouleaux de cuir, pratique couramment utilisée. En effet, l’empilement s’il garantissait une meilleure manipulation, faisait courir en revanche le risque du collage des feuillets. Pour cette raison on préférait souvent avoir recours aux rouleaux, plus encombrants, mais d’une conservation plus aisée.

Cependant, les manuscrits reliés étaient loin d’être aussi maniables qu’on pourrait le croire. Le British Museum de Londres possède un exemplaire de la Bible Codex Sinaïticus, provenant du Monastère de Sainte Catherine (sue le Mont Sinaï) qui ne mesure pas moins de 40,5 x 71 cm, soit une surface équivalente à celle d’une dizaine de livres de nos jours. Il comportait en outre à l’origine 730 pages, soit autant de peaux rédigées sur une seule face, et la moitié dans le cas contraire. Il avait été écrit en langue grecque, en 350 de l’ère chrétienne, par trois scribes. Ce qui montre l’importance de l’ouvrage.

De toute évidence, il n’était pas facile à l’époque du Prophète, d’avoir en sa possession un exemplaire de la Bible, que ce soit sous forme de volume ou de rouleaux.

Si le recours au parchemin pouvait réduire le poids de l’ouvrage, personne n’a jamais parlé de la présence d’un tel document en Arabie. D’ailleurs au début du 7e siècle, le parchemin qui nécessite un traitement spécial, était considéré comme un produit de grand luxe. Dans son ouvrage intitulé « Le prophète de l’Islam », Muhammed Hamidullah nous apprend que « les lettres adressées par le Prophète aux grands souverains étrangers étaient écrites sur du parchemin, alors que les chartes octroyés aux chefs des tribus arabes étaient rédigées sur des morceaux de cuire ».

On ne connaissait non plus à cette époque en Arabie, ni le secret de fabrication du papyrus égyptien, ni celui de la soie chinoise ou du papier utilisé par les scribes des mandarins. Force est donc de conclure que les rares exemplaires de la Bible qui pouvaient exister dans la région étaient reproduits sur des supports en cuir et par conséquent, volumineux, pesants et d’un accès extrêmement difficile, surtout pour un homme qui n’était affilié ni aux juifs, ni aux chrétiens. Et on sait dans quel mépris ces derniers tenaient les Arabes qui ne pratiquaient pas le monothéisme et ne possédaient pas de Livres Révélés.

De plus, la rareté des ouvrages faisait leur cherté. Le spécimen du Musée de Londres qui fut acheté en 1933, pour l’équivalent de deux millions de dollars, en dépit de son état, plaide largement en ce sens. Tous ces arguments font que le Prophète ne pouvait absolument pas acquérir un exemplaire de la Bible, sans être montré du doigt et sans passer pour un original aux yeux de l’histoire. Mais nous allons voir que, malgré les restrictions que nous avons citées, d’autres obstacles vont se dresser, éliminant ainsi définitivement la thèse de la lecture biblique.

Rappelons que l’ancien Testament avait été en langue hébraïque avec quelques passages en araméen. Puis une première traduction grecque fut réalisée au 3e siècle avant l’ère chrétienne sous l’égide du roi Ptolémée II. A son avènement, le nouveau Testament fut lui aussi entièrement écrit dans cette langue, à partit des écrits araméens et hébreux. A la fin du 2e siècle, il existait une version hébraïque de la Bible juive et une version grecque de la Bible chrétienne.

Entre les années 390-405, la Bible chrétienne fut à nouveau traduite en latin par Saint Jérôme et s’imposa à partir du 7e siècle pour devenir la version officielle de la Bible catholique (Vulgate) reconnue authentique au Concile de Trente.

La Bible a été traduite également en syriaque au 2e siècle (appelée Peshitto « La Simple »), en copte (Egyptien) au début du troisième siècle, en gothique au quatrième siècle, par Ulfilas (Petit Loup), évêque Goth, en slave au neuvième siècle par Cyrille le Philosophe, inventeur de l’alphabet cyrillique, en usage actuellement dans les pays slaves (Russie-Ukraine-Bulgarie, etc.)

Plus tard, elle fut traduite dans de nombreuses langues, mais c’est seulement mille ans après l’avènement du prophète qu’elle fut adaptée en arabe. Aussi en supposant même que celui-ci savait lire et écrire sa langue d’origine, on ne pouvait valablement exiger de lui qu’il soit bilingue ou polyglotte, qu’il manie l’hébreu, le grec, le latin, le syriaque, le copte ou le gothique et qu’il s’en cache avec une aussi grande dextérité aux yeux du monde entier.

Les Arabes étaient certes connus pour leurs dons d’éloquence dans leur langue natale, mais ils n’avaient pu s’ouvrir encore sur le monde extérieur. Muhammed Hamidullah signale que les juifs qui habitaient en Arabie, et à Médine en particulier, s’exprimaient en langue arabe dans leurs relations avec les autochtones et utilisaient l’hébreu entre eux. Selon Abou Daoud, le prophète ordonna à son scribe, Zaïd Ibn Thâbit, d’apprendre l’alphabet hébreu, pour pouvoir déchiffrer les lettres envoyées par les juifs et qui étaient rédigées en langue arabe mais en caractères hébraïques, alors que la réponse s’effectuait exclusivement en arabe.

Les éléments de cette situation s’articulent parfaitement pour démontrer le bien-fondé de la thèse soutenue de tout temps par les Musulmans. Cependant, les Occidentaux éprouvent une grande répugnance à l’idée que Dieu puisse confier Son Message à un Arabe. Ces relations sont censées être monopolisées par les juifs et les chrétiens, lesquels exerceraient une sorte de tutelle de fait sur l’enseignement divin.

Les musulmans comme il faut s’y attendre, réfutent formellement cette façon de voir. Dieu choisit Ses Prophètes en toute souveraineté et n’a pas à solliciter un visa de ceux qui se sont écartés du chemin de la vérité. La religion chrétienne n’a été instaurée que pour redresser les déviations de la religion israélite, laquelle est venue rétablir celle qui a été révélée à Abraham et dont certains Commandements avaient été perdus. Il en va ainsi des enseignements qui, depuis que l’homme existe, n’ont cessé d’être égarés, oubliés ou déformés. Il en va de même de Dieu qui dans son immense sollicitude n’a cessé de susciter des prophètes afin de maintenir la pureté de son message. Si les religions n’avaient perdu de leur valeur initiale, les prophètes n’auraient pas été aussi nombreux à prêcher une vérité qui serait restée toujours constante.

L’exemple de la Bible est très significatif. De nombreuses aberrations parsèment ce qui était à l’origine un Texte Sacré manifeste. Attribuer ces bévues au Seigneur de l’univers est non seulement inconcevable, mais blasphématoire. Il est hors de doute qu’elles émanent plutôt de l’incompétence des docteurs de la loi, dont la mission était de recomposer l’ancien Testament. Précisément, le Coran, tout en avalisant certains extraits de la Bible, a pris un soin méticuleux à écarter tout ce qui est contraire aux données historiques et scientifiques. La partie centrale du présent ouvrage consacrée au problème de la crédibilité de textes, faussement attribués au Seigneur, dégage des conclusions édifiantes. Elles stipulent que le prophète Mohammed n’a jamais pu puiser son Enseignement de la Bible. Le contraire aurait supposé qu’il hérite des passages sacrés dans la même proportion qu’il fait des additions profanes. Cela n’a pas été le cas. Le Coran a été expurgé des innombrables ajouts qui émaillent l’ancien et le nouveau testament, à une époque où il était impossible à un être humain de les détecter. La preuve, c’est qu’elles ont été validées par les nombreux conciles qui se sont tenus bien après la venue du Prophète de l’Islam. Or, seule une intelligence supérieure aurait été en mesure de distinguer le vrai du faux et de tracer une démarcation dans ce qui était abusivement mélangé. Et cela n’entrait pas dans les compétences d’un homme fut-il Mohammed.

Les chuchotements des occidentaux

« La forme de la matière biblique dans le Coran rend…certain que Muhammad (saws) n’avait jamais lu la Bible, il est peu probable qu’il ait jamais lu d’autres livres ». Telle est l’opinion exprimée par W.M.Watt, dans son livre consacré au prophète. Elle diffère fondamentalement de celle de la majorité des orientalistes qui pensent le contraire. Mais si le prophète n’a pas eu accès à la Bible, d’où vient-il qu’il se réfère souvent aux mêmes sources ? Certains orientalistes sont convaincus qu’il recevait ses informations de mystérieux Chrétiens qui avaient à cœur de lui enseigner les fondements des religions judéo-chrétiennes, mais qui en altéraient simultanément le contenu. Dans quel but ? Muhammad (saws) était une sorte de novateur qui se serait affranchi de ses commanditaires avant de voler de ses propres ailes et de fonder une nouvelle religion.

W.M.Watt évoque le nom de Waraqah, cousin de Khadidja, la femme du Prophète, qui se serait converti au Christianisme et « encourageait Muhammad (saws) à croire qu’il recevait des révélations semblables à celles des Juifs et des Chrétiens ». Il aurait eu également comme maître et conscience, un moine nommé Bahirâ, vivant en ermite près de Bostra, sur le flanc du Djebel ed-Druze, et que l’Eglise accusa d’être hérétique. On trouve pêle-mêle, un autre mystérieux personnage chrétien qui aurait prêché pendant la grande foire de ‘Okâz, et auquel Muhammad (saws) aurait prêté une oreille attentive.

D’autres auteurs font valoir que durant ses déplacements, Muhammad (saws) aurait pu entrer en contact avec des Arabes chrétiens de la frontière Syrienne, ou encore avec des Abyssins chrétiens venus du Yémen pour atteindre la Mecque.

Comme si cela ne suffisait pas, les orientalistes ont encore fait appel aux Ghassanides de Syrie bien sûr, aux Lakhmides de Hira qui pratiquaient le Christianisme sous la double forme de monophysisme et du nestorianisme, sans oublier les tribus du désert à l’image des Kalbs, des Tanoukh, des Taghlib, des Hanifa, ainsi que de quelques centres urbains isolés, et d’autres anachorètes anonymes.

Mais ce n’est pas tout ! On trouve également an arrière plan, les conseils d’autres mystérieux personnages juifs, sans doute destinés à contrebalancer l’influence un peu trop envahissante des Chrétiens.

En fin de compte, cela fait vraiment trop de monde. Quelles est cette vague soudaine qui porte chaque personnage (et ils le sont tous) à épancher son affection sur les épaules de Mohammed, qui ne demandait rien ? Pourquoi des populations entières d’Arabie, de Syrie et de Palestine se sentirent-elles un jour la vocation d’enseigner la Bible à un simple citoyen ? Et que tout ce battage fait autour de sa personne soit passé inaperçu de la quasi-totalité des gens ?

En réalité, l’excitation désordonnée des autres occidentaux cache mal leur volonté de détruire à n’importe quel prix la thèse musulmane qui a l’avantage d’être unique et authentique : celle de la Révélation divine.

Est-il raisonnable de croire qu’un enseignement a pu être prodigué à Mohammed et que les initiateurs aient gardé un mutisme total sur les raisons de leur entreprise ? Même lorsque le Prophète s’est attaqué aux religions juive et chrétienne, accusées d’être altérées par des mains corruptrices, et à l’idolâtrie, dénoncée comme le plus grand crime de l’humanité ? Le moins qu’on puisse penser est que, si mystérieux personnages il y avait, ils n’auraient pas manqué de se manifester violemment contre les prétentions de ce pseudo-prophète, mettant à nu son stratagème et ruinant ses espoirs. Mais rien de cela ne s’est produit. Jamais aucune source ancienne n’a émis le moindre commentaire qui aurait pu donner quelque crédibilité à ces versions. Dans nos investigations, nous n’avons pas seulement interrogé les sources musulmanes. Nous avons fait la partie belle aux porte-paroles juifs, chrétiens et païens qui sont restés muets.

L’acharnement des Occidentaux ne le cède qu’à leur imagination débordante. Nous pouvons juger de la fragilité de tels arguments en reproduisant à titre d’exemple le raisonnement émis par Maxime Rodinson :

« On a cru pouvoir déceler, écrit-il, dans un schéma fréquent, l’influence de l’ordonnance habituelle d’homélies célèbres dans l’Eglise Syrienne, celle du 3père de l’Eglise », Saint Ephrem. Des auteurs nous racontent que Mohammed aurait entendu à la grande foire de ‘Okaz, prêcher un Chrétien, Qoss Ibn Sâ’ida, évêque, dit-on, qui aurait développé en prose rimée et en vers, le thème de la fragilité humaine et la proximité du Jugement. Aurait-on là un chaînon entre le Christianisme Syrien et le Coran ? » se demande faussement candide l’auteur, avant d’ajouter : «Certains concordances sont impressionnantes, mais Qoss est peut-être un personnage légendaire et ses sermons sont peut-être apocryphes ».

En clair, Rodinson estime que le discours prononcé par Qoss Ibn Sâ’da, à la foire ‘Okâz aurait influé considérablement sur le destin prophétique de Mohammed. Seulement il ajoute dans la même veine que l’évêque en question n’a peut-être jamais existé. En conséquence, il n’a pu prononcer de sermons que le Prophète n’a évidemment pu entendre. Malgré tout, ces conséquences, comme il les appelle, sont jugées fort impressionnantes.

Mais Rodinson voulait certainement dire que les concordances étaient impressionnantes par leur caractère farfelu, et que le fil de sa pensée se soit égaré entre-temps? Car, comment peut-on être impressionné par quelque chose qui n’existe pas ?

Voilà de quelle façon on essaie de mystifier les lecteurs tout en déformant la vie du Prophète et la portée de son apostolat. Il est vrai que dans une guerre on doit combattre avec les armes que l’on possède, quand bien même ce seraient les armes de la duperie. Le tout, c’est d’y croire avec beaucoup de conviction.

Les exploits du subconscient

Nous avons montré que les orientalistes pouvaient jouer sur plusieurs tableaux à la fois afin de « confondre » le prophète et découvrir le « secret » de ses révélations. Voici une autre version qui pèse aussi lourd que les précédentes : Après avoir maintenu que le Coran avait été dicté au Prophète par de mystérieux personnages chrétiens, W.M.Watt se contredit quelques chapitres plus loin en soutenant non pas de l’extérieur mais du subconscient de l’intéressé, et à son insu ! Comme le prouve le point de vue suivant :

« Dire que Muhammad (saws) était sincère n’implique pas que ses croyances étaient exactes. Un homme peut être sincère et se tromper. Il n’est pas difficile à un occidental contemporain de montrer comment Muhammad (saws) a pu faire erreur. Ce qui semble pour un homme venir de l’extérieur de lui-même, peut en vérité venir de son subconscient... »

La théorie du subconscient est chère à bon nombre d’orientalistes. Ils y voient un sujet de choix très maniable, contrairement à la version précédente, laquelle demande un minimum de références et de citations. L’avantage est qu’on peut faire dire au subconscient toutes sortes d’insanités sans le voir broncher ou démentir. Ces raisons ont incité les spécialistes à user d’un tel argument, lequel répond fidèlement à leurs préoccupations.

Succinctement, nous savons que le subconscient ou l’inconscient s’applique aux processus mentaux qui échappent au contrôle du sujet. C’est dans cet état que le Prophète aurait rédigé le plus pur joyau de la littérature arabe. De plus, et toujours soumis à un psychisme irrationnel, il aurait jeté les bases d’une nouvelle société, défini les obligations divines, établi un code de justice, prescrit une éthique rénovée, réorganisé le milieu socioculturel, réglementé les droits et les devoirs des citoyens, etc.

M. Y. Kassab, Gloire à Dieu les mille vérités scientifique du Coran, éditions ESSALAM, p.155-168