L’expédition de Khaybar
7. L’expédition de Khaybar
Cette expédition eut lieu en l’an 7 de l’hégire au cours du mois de Muharram (Août 628 après J.-C.). Khaybar, située à environ 180 km au Nord de Médine, était une citée forte comptant environ 10 000 combattants. La ville avait accueilli un grand nombre de réfugiés issus des différentes conquêtes préalables des musulmans. La cité était formée de plusieurs quartiers séparés dont les 3 principaux sont :
1) Le quartier de Nâtâ formé de 4 forts (An-Nâ’îm, As-Sa’b, Al-Katîba, Bilqa)
2) Le quartier d’As-Shîk formé de 2 forts (Ubbay et Al-Barî)
3) Le quartier d’Al-Katîba formé de 3 forts (Al-Qâmous, Al-Watîh, Sulâlim)
Al-Qazwînî rapporte que la ville était un foyer de fièvre endémique et que ses habitants Juifs étaient réputés pour leur perfidie et leur fourberie. Parmi eux, seul Mis’wâl ibn ‘Adiyâ était connu pour sa loyauté.
Les habitants de Khaybar, de concert avec les Ghatafânes (imposante tribu arabe), avaient attaqué, 2 années plus tôt, la ville de Médine. Après l’échec des Coalisés à prendre d’assaut Médine et le châtiment infligés aux Banu Qurayza pour leur haute trahison, les Juifs de Khaybar poursuivaient leur fomentation des troubles - au lieu de chercher la paix - en multipliant les manoeuvres militaires en vue d’attaquer les musulmans. Animés par une haine implacable envers l’Islam, ils n’avaient guère cessé leur attitude hostile.
C’est la raison pour laquelle le Messager de Dieu (sws) ordonna une mobilisation générale contre la cité forte afin de mettre fin à cette menace persistante. L’armée se mit en marche forte de 1600 fantassins (ou 1400 selon les versions) dont 200 cavaliers et arriva au bout de 4 jours devant les forteresses.
Pour la petite anecdote, seuls ceux qui avaient assisté au pacte d’al-Hudaybiyya (traité de paix entre les musulmans et les polythéistes de Quraysh) furent autorisés à prendre le butin de la ville si celle-ci est prise et un crieur annonça cette condition publiquement à Médine. En effet, les absentéistes étaient venus réclamant leur recrutement mus uniquement par la convoitise du butin surtout après que Dieu avait promis aux musulmans à son départ d’al-Hudaybiyya la victoire en lui disant :
Ceux qui seront restés à l’arrière arrière diront quand vous vous mettrez en route, vers un butin à amasser «Laissez-nous vous suivre». Ils veulent changer la parole d'Allah. Dis : «Jamais vous ne nous suivrez : ainsi a dit Allah auparavant ». Mais ils diront : «Vous êtes plutôt envieux à notre égard». Mais ils ne comprenaient en réalité que peu.
[...]
Allah vous a promis un abondant butin que vous prendrez, et Il a hâté pour vous Celle-ci et repoussé de vous les mains des gens, afin que tout cela soit un signe pour les croyants et qu'Il vous guide dans un droit chemin
Saint-Coran, Sourate al-Fath 48, versets 15 et 20
Muhammad (sws), en effet, ne cherchait pas à s’enrichir, il fera même la déclaration suivante aux absentéistes : “Vous ne partirez combattre à mes côtés qu’en vue de lutter pour la cause de Dieu. Quant au butin, je ne vous en accorderai point ”.
On le voit très clairement avec cet épisode : le Prophète (sws) ne voulait pas que les musulmans combattent pour l’appât du gain, mais uniquement pour que la Parole de Dieu soit la plus haute.
Ibn Ishâq et al-Bayhaqî rapportent que lorsque le Prophète (sws) arriva aux abords de la cité forte, il fit arrêter tout son régiment et fit cette invocation avec force et sérénité :
Ô mon Dieu, Seigneur des cieux et de ce qu’ils couvrent, Seigneur des terres et de ce qu’elles portent, Seigneur des démons et de ceux qu’ils égarent, Seigneur des vent de ce qu’ils sèment, nous T’implorons de nous accorder le bien qu’il y a en cette cité, le bien de ses habitants et le bien de ce qu’elle contient ; comme nous T’implorons de nous préserver de son mal, du mal de ses habitants et de tout mal qu’elle contient.
Puis, s’adressant à ses troupes il leur dira : “Avancez au nom de Dieu !”.
Les hypocrites ne manquèrent pas d’alerter les Juifs de Khaybar. Leur chef, ‘Abdullâh Ibn Oubayy, dépêcha un émissaire auprès de ces derniers pour les avertir du danger et les exhorter à résister face aux musulmans qu’ils surclassaient à la fois en nombre et par la qualité de leur armement. Dès qu’ils prirent connaissance de cette nouvelle, les Juifs dépêchèrent Kinâna Ibn Abou al-Huqayq et Hûdha Ibn Qays chez leurs alliés arabes : les Ghatafânes pour solliciter leur aide militaire en échange de la moitié des récoltes fruitières de leurs fermes en cas de victoire sur les musulmans. Les Ghatafânes acceptèrent et promirent d’envoyer un contingent de 4000 hommes.
Par un jeu d’astuces, les musulmans purent disloquer la coalition des Juifs et des Ghatafânes :
1) Dans un premier temps, ayant appris que le Prophète (sws) sortait pour attaquer Khaybar, les Ghatafânes prirent le chemin de Khaybar pour soutenir leurs alliés.
2) Les musulmans feignirent d’attaquer les Ghatafânes et quand la tribu appris le changement de direction des musulmans, elle rebroussa chemin pour parer à l’attaque de leurs terres et défendre leurs familles et leurs biens, laissant ainsi les Juifs seuls face aux musulmans.
3) Le Prophète (sws) décida d’établir son armée à un endroit séparant Khaybar des Ghatafâne afin que ceux-ci ne puissent intervenir pour aider leurs alliés.
Les Juifs décidèrent de faire confiance à leurs fortifications et de combattre en groupes séparés, révélant ainsi, le manque d’unité qui était une de leurs plus grandes faiblesses. Ce que la Révélation avait dit au Prophète (sws) au sujet des Juifs de Médine s’appliquait également aux Khaybarites :
Tous ne vous combattront que retranchés dans des cités fortifiées ou de dernière des murailles. Leurs dissensions internes sont extrêmes. Tu les croirait unis, alors que leurs coeurs sont divisés. C'est qu'ils sont des gens qui ne raisonnent pas.
Saint-Coran, Sourate al-Hashr 59, 14
Le malheurs pour eux voulaient qu’ils se trouvassent soudain confrontés à une armée qui, bien que peu nombreuse, était pénétrée de la discipline impliqué dans ce verset :
Allah aime ceux qui combattent dans Son chemin en rang serré pareils à un édifice renforcé.
Saint-Coran, Sourate As-Saff 61, 4
Une armée formée d’hommes dont l’âme se réjouissaient à la promesse contenue dans ces autres paroles révélées :
[...] Combien de fois une troupe peu nombreuse a, par la grâce d'Allah, vaincu une troupe très nombreuse ! Et Allah est avec les endurants
Saint-Coran, Sourate al-Baqara 2, 249
Le premier jour où le Prophète (sws) attaqua la forteresse la plus proche, les garnisons des autres citadelles ne firent pas de sortie massive pour briser l’élan des assiégeants, mais elles restèrent à l’abri de leurs propres murailles, chacun s’occupant à renforcer ses fortifications.
A cette occasion qu’il ordonna de couper les palmiers juifs pour semer la confusion chez eux afin d’accélérer le processus de reddition. C’est alors que les musulmans assiégèrent les forts les uns à la suite des autres, obligeant ainsi les Juifs à abandonner à chaque fois leurs positions et à se replier dans un fort plus reculé jusqu’à leur reddition finale.
Bilan : 15 martyrs du côté musulman contre 93 morts du côté des juifs.
Le butin fut également considérable : le trésor d’Abou Huqayq, juif de Banû Nadîr, qui s’élevait à 10 000 dinars (pièces d’or), les terres de Khaybar, du bétail, des armes, etc. On trouva également des parchemins de la Torah que le Prophète (sws) fit remettre aux Juifs qui l’avaient réclamés. A ce sujet, Wolfson écrit dans “Histoire des juifs d’Arabie ” (p.170) :
Ceci montre la grande considération que le Prophète avait pour ces parchemins. Son attitude poussa les juifs à lui être redevables pour cette faveur, puisqu’il n’a pas porter atteinte à leurs écritures saintes. Cela leur a rappelé l’attitude contraire des romains lors de leur conquête de Jérusalem en 70 après J.-C., quand ces derniers avaient brûlé leurs livres sacrés et les avaient foulés sous leurs pieds. L’attitude noble du Prophète leur a rappelé à leur mémoire la persécution chrétienne exercée contre eux en Andalousie où les livres de la Torah furent brûlés. Voila la grande différence entre les conquérants susmentionnés et le Messager de l’Islam.
Ce n’était pourtant pas la première fois que le Messager de Dieu (sws) s’était montré tolérant en épargnant les écritures saintes des Juifs. En effet, malgré leur grande hostilité envers le Prophète arabe, alors qu’ils attendaient un prophète juif, Muhammad (sws) leur a permis de prendre avec eux leurs écritures saintes contenant lors de leur expulsion de Médine après la bataille des Banu an-Nâdir. C’est certainement la preuve la plus manifeste que Muhammad (sws) n’a jamais combattu les Juifs pour leur religion, mais qu’il a combattu les traîtres de quelque religion qu’ils soient. Ce fut également au cours de cette expédition qu’une femme juive avait tenté d’empoisonner le prophète (sws), mais il lui pardonna son geste.
Après le siège de la ville, le Prophète (sws) laissa certains Juifs quitter le territoire. De même, il autorisa à d’autres de rester à Khaybar (plutôt que de les expulser) à la seule condition que la moitié de la récolte revienne aux musulmans. Ce ne sera que sous le Califat de ‘Umar ibn al-Khattab (raa) qu’ils seront expulsés définitivement vers la Syrie en raison des attentats incessants qu’ils exerçaient contre les musulmans qui passaient par leur région (Exemple : Ils assassinèrent un Ansarites ou encore ils brisèrent les mains de ‘Abdullâh ibn ‘Umar (raa)). Ils firent ainsi preuve de trahison envers le Califat.
La défaite de Khaybar anéantit la présence militaire des fils d’Israël en Arabie et aussitôt les Juifs de la tribu Fadak et de Taymâ’ vinrent demander la paix au Prophète (sws) tandis que ceux qui habitaient la vallée d’Al-Qourâ les combattirent mais ces derniers furent rapidement défaits.
Une nouvelle étape venait donc d’être franchie en cette 7ème année de l’Hégire. La paix régnait désormais dans la région et les musulmans n’avaient plus à craindre d’attaques venant du Nord.
La terre appartient à Dieu qui en fait hériter qui Il veut ; Il en dépossède la communauté portée à la corruption des bienfaits divins qu’Il transmet à ceux qui les apprécient à leur juste valeur et en remercient Dieu. Toute communauté libre qui outrepasse les limites de la justice et manque de piété envers Dieu perd sa souveraineté et tombe sous la domination des autres qui gèrent à volonté ses affaires.
Telle est la saisie de Ton Seigneur quand Il saisit les cités lorsqu’elles sont injustes. Sa saisie est douloureuse, forte, vraiment.
Saint-Coran, Sourate Houd 11, 102
Un bref aperçu sur l’histoire de l’humanité montre bien que le rang d’avant-garde n’incombe à une communauté que le temps qu’une autre se prépare à le lui disputer.
Et Dieu sait mieux ce qu’il en est !
Références :
[1] Tariq Ramadan, Muhammad, vie du Prophète : les enseignements spirituels et contemporains, éditions Presses du Chatelet, 2006
[2] Muhammad Hamidullah, Le Prophète de l’Islam : sa vie, son oeuvre, éditions El-Najah, 1998
[3] Ibn Kathîr, As-Sîra : la biographie du Prophète Mohammed (sws) - Les débuts de l’Islam, éditions Universel, 2007
[4] Martin Lings, Le Prophète Muhammad : sa vie d’après les sources les plus anciennes, éditions du Seuil, 1986
[5] Safiyyu ar-Rahmân Al-Mubârakfûrî, Muhammad l’utilme joyau de la Prophétie, éditions Maison d’Ennour, 2006
[6] Muhammad Redha, Muhammad le Messager de Dieu (sws), éditions Al-Maktaba al-’Asriyya, Beyrouth, 2009
[7] Muhammad Al-Ghazâlî, Fiqh As-Sîra : la biographie du Prophète Muhammad, éditions Maison d’Ennour, 2006
[8] Mohammed El-Khudhary, Lumière de la certitude : la vie du Prophète de l’Islam, éditions Iqra, février 2009