Le Prophète (sws) aurait dit que la femme doit être très redevable à son mari ?!?
Le Prophète (sws) aurait dit que la femme doit être très redevable à son mari ?!?
Collectif Sahab Ed-Dine
Création : 09/08/2010
Modification : 09/09/2010
1. Analyse des sources
Les islamophobes se servent de ahadith qui auraient été authentifié par le Cheikh al-Albani (Rahimahou Allah) pour discréditer le Prophète (sws) comme à leur habitude. Ces récits sont les suivants :
1 / “Anas (raa) rapporte que le Messager d'Allah (sws) a dit : "Un être humain ne doit pas se prosterner devant un autre être humain. Si c'était le cas, il serait ordonné à l'épouse de se prosterner devant son époux, tant elle lui est redevable. Par celui qui détient ma vie, si l'époux avait de la tête aux pieds des abcès suintant le pus et qu'elle vînt lécher ces abcès, elle serait encore en deçà de ses devoirs à son égard.”
Rapporté par l’Imam Ahmad dans son Mousnad, Hadith n°12153 et (soit disant) cité dans Sahih al-Djami’ d’al-Albani au n°7725. La chaîne de transmission fut déclarée bonne par al-Moundhiri
Il y a aussi cette autre narration d’Abou Sa’id al-Khoudri (raa) qui rapporte que le Prophète (sws) a dit :
2 / “Si le mari d’une femme avait un ulcère et qu’elle le léchait pour lui, elle n’aura pas accomplit ses devoirs à son égard en faisant cela”
Rapporté par al-Hakim et Ibn Hibban, authentifié par al-Albani dans son Sahih al-Jami’ n°3148
Un autre récit (résumé) dit ceci:
3 / “Une femme s’approcha du Prophète (sws) et l’informa de son intention de se marier avec son cousin qui lui demanda sa main. Elle lui demanda quels étaient les droits de son mari sur elle une fois mariée, ce à quoi il répondit : “même si tu léchais la morve de son nez qui coule, tu n’aurais pas accomplit les droits qu’il a sur toi.” Ce à quoi cette femme répondit : “Par Celui qui t’envoya avec la vérité,dans ce cas, je ne me marierai pas autant que le monde demeurera”.
Rapporté par al-Hakim et al-Bazzar
4 / Un autre récit (résumé ici) est trouvable dans la Sira qui se rapproche de ces récits:
“Lorsque Mu’adh arriva la-bas (au Yémen), une femme et lui demanda “Oh Compagnon du serviteur de Dieu, quels droits à un mari sur sa femme ?” Il dit : “Malheur à toi, une femme ne pourra jamais accomplir les droits de son mari, donc fait ton possible pour accomplir ses demandes du mieux que tu peux.” Elle dit :” Par Dieu, si vous êtes le Compagnon de l’apôtre de Dieu, vous devriez savoir quels droits à un mari sur sa femme !”. Il dit : “Si vous retourniez vers lui et que vous le trouviez avec son nez qui emmétrait du pus et du sang et que vous suciez tout cela jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus, vous n’aurez pas encore accomplit vos obligations.”
Guillaume, “The Life of Muhammad”, p. 644
2. Réfutation
Apportons un élément de réponse. Pour ce qui est du premier Hadith cité par Ahmad, le Cheikh al-Albani ne l’a pas authentifié dans son “Sahih al-Jami’” mais dans son “Sahih al-Targhib wal Tarhib (98/3)”, dans lequel il le déclara “Sahih li Ghayrihi” (plusieurs narrations inauthentiques existantes, le rendant ainsi authentique).
Il y a déjà une erreur quant à la citation. Ensuite, il n’est pas authentique en soit mais étant supporté par d’autres narrations, il le devient. Mais ce n’est pas la seule position existante, car bien d’autres érudits ont déclaré ce Hadith “Munkar” (réprouvé).
Le Comité du Département de la Fatwa est de ce dernier avis comme ils en témoignent ci-dessous. Le Cheikh al-Arna’ut (rahimoulah) qui établit une critique et un “Tahqiq” (une vérification d’authenticité) complète du Mousnad de l’Imam Ahmad (raa) déclara sur ce Hadith que la première partie était Sahih, mais que la seconde partie “Par celui qui détient ma vie, si l'époux avait de la tête aux pieds des abcès suintant le pus et qu'elle vînt lécher ces abcès, elle serait encore en deçà de ses devoirs à son égard” était quant à elle, inauthentique.
Rappelons aussi que le Cheikh al-Albani a dit que lorsqu’il y avait divergence entre lui et le Cheikh al-Arna’ut (qui étudiaient ou se rassemblaient ensemble), la finalité de la décision appartenait à al-Arna’ut. Ce Cheikh ajoute en suspend dans sa note sur ce Hadith:
“La seule personne à rapporter ce deuxième morceau de phrase est Husayn al-Marrûdhî qui le tient de Khalaf ibn Khalîfah. Khalaf était un homme qui avait tendance à mélanger les récits en vieillissant et avant sa mort.”
(Cheikh al-Arna’ut, dans son “Tahqiq” du Mousnad d’Ahmad)
Tout ceci est vérifiable dans cette déclaration du Comité du Département de la Fatwa que voici, à qui l’on posa la question de savoir si ce qu’il en est de cette tradition dite Prophétique :
Fatwâ Department Research Committee of IslamToday chaired by Sheikh `Abd al-Wahhâb al-Turayrî
“It is true that al-Albânî included this hadîth in Sahîh al-Jâmi`. He also includes it in Sahîh al-Targhîb wal-Tarhîb, where he declares it “authentic on account of other narrations” (sahîh li-ghayrihî). This means that its chain of transmission is not authentic on its own, but that it is supported by other narrations.
However, many other scholars disagree with this assessment and consider the text of this hadîth to be false (munkar). We favor the position that the hadîth is false.
Shu`ayb al-Arna’ût, in his marginal notes on Musnad Ahmad (20/65) considers the first statement in this hadîth, the one about prostration, to be authentic on account of other narrations, and the addition about pus to be inauthentic. (We must understand that the first part of the hadîth regarding prostration is found in many other narrations besides the narration that mentions licking pus.)
He writes: “This phrase is narrated only by Husayn al-Marrûdhî from Khalaf b. Khalîfah. Khalaf was a narrator who tended to mix up his narrations before the time of his death.”
Le Cheikh G.F Haddad dit la même chose que l’avis d’al-Arna’ut et dit que la partie qui pose problème est “faible” (Da’if) et même “très faible” (Da’if Jiddan).
Pour le cas du Hadith n°2, la chaîne de transmission est “étrange et bonne”. Adh-Dhahabi dit pourtant de ce Hadith qu’il est “Munkar” (réprouvé). Une autre narration avec la même étrange chaîne de transmission est rapportée par al-Bazzar (voir Kashf al-Astar 2,178 n°1466), Ibn Abi Shayba et ad-Daraqoutni dans ses “Sunan”, mais avec des mots ajoutées.
L’Imam Ahmad (raa) dit dans son Mousnad que c’est Mu’adh qui a dit cette phrase à une femme lorsqu’il parti au Yemen (c’est ce que nous trouvons dans le point n°4 ci-dessus). Il cita ensuite le récit, mais c’est un récit “Mawquf” (c’est à dire attribué à un Compagnon par une parole ou un acte de sa part. Cette déclaration serait celle d’un Compagnon et non celle du Prophète (sws) et aurait été mélangée et attribuée sur sa personne.)
Pour le Hadith n°3 rapporté par al-Bazzar et al-Hakim, le Cheikh G.F Haddad dit que l’étrange chaîne de transmission provenant d’Abou Hurayra (raa) qu’ils ont rapportés tous les deux, est “fragile” et “Da’if Jiddan” (très faible) à cause de Sulayman ibn Dawoud al-Yamami comme la dit Ibn ‘Adiy dans al-Kamil, adh-Dhahabi dans “Talkhis al-Mustadrak” et le Hafiz Ibn Hajar l’assura lui aussi.
Al-Bukhari et Abu Hatim critiquèrent très sévèrement “Sulayman” et ceux-ci dirent qu’ils ne connaissaient pas une seule narration provenant de lui qui soit authentique.
Rappelons que le Hadith “Da’if Jiddan” ne peut être relevé par d’autres traditions et ne peut en relever.
Une autre chaîne de narration existe chez at-Tabarani d’après Abou Umamah al-Bahili qui contient le même texte . Le soucis est qu’elle contient un certain “‘Abdal-Nour ibn ‘AbdAllah” qui est “un menteur” (voir al-Haythami dans son livre “Majma’ al-Zawa'id”).
Pour le cas n°4, comme nous l’avons dit le récit est “Mawquf”. C’est peut-être même la source de cet amalgame entre les récits et son attribution au Prophète de l’Islam (sws). Il ne l’a certainement pas dit, puisque toutes les narrations sont mauvaises comme nous l’avons vu.
Au pire, même si nous devions accepté cette déclaration Prophétique pour les besoins de l’argumentation, nous savons que celle-ci n’est que métaphorique, puisque le Prophète (sws) n’aurait jamais dit une chose littérale comme celle-ci qui soit si dégoûtante. Cela voudrait dire que l’homme à beaucoup de droits sur sa femme du fait qu’il l’entretienne et la protège durant sa vie quotidienne et rien d’autre comme voudraient le sous-entendre les ennemis de l’Islam.
Quant au fait que le Cheikh al-Albani (rahimahou Allah) authentifia certaines des chaînes de narration, nous dirons que bien d’autres savants ont dit le contraire et qu’aucun être humain n’est à l'abri de l’erreur. Celui-ci a tout de même une récompense pour son effort.
Wa Allahou a’lem
Note: Merci à Kevin ‘Abdallah Karim pour son aide.