Mort et résurrection de la bibliothèque d'Alexandrie

III - Mort et résurrection de la bibliothèque d'Alexandrie

QUOI?

De la bibliothèque de l'Antiquité appelée Musëion (Musée) à la Biblioteca Alexandrina du XXIe siècle.

QUI?

A l'initiative de Ptolémée Soter à celle de l'UNESCO et de l'Egypte.

QUAND?

De 290 av. J.-C. à 391 de notre ère puis à nouveau, en 2000.

OÙ?

A Alexandrie d'Egypte, qui fut la ville cosmopolite de tous les savoirs du monde et entend assurer son renouveau.

COMMENT?

Le 'bibliothécaire' Démétrios de Phalère et ses successeurs rassembleront 700 000 livres. Ils seront brûlés comme la prestigieuse bibliothèque. A l'instigation de l'UNESCO et de l'Egypte (Dr. Mohsen Zahran), un nouvel édifice sera inauguré en l'an 2000.

Mort et résurrection de la bibliothèque d'Alexandrie

Alexandre le Grand, le conquérant macédonien, fonde Alexandrie d'Egypte en 331 av. J-C., à l'âge de 24 ans, puis poursuit sa marche vers la Perse en caressant le rêve de marier l'Orient à l'Occident. Peu après sa mort, en 323 av. J.-C., un de ses généraux, Ptolémée Soter, se proclame roi. Il fonde la dynastie des Lagides qui règnera sur le pays des pharaons et fera d'Alexandrie une brillante capitale rayonnant sur l'ensemble de la Méditerranée pendant près de huit siècles. Trois magnifiques édifices seront construits dans la nouvelle capitale: le phare, la bourse et la bibliothèque.

Sur les conseils de Démétrios, disciple d'Aristote, Ptolémée Ier Soter décide la création, vers 290 av. J.-C., d'une bibliothèque universelle. Il envoie des émissaires acheter des manuscrits aux rois, aux nobles, aux villes mais il lui arrive aussi de rançonner des navires pour s'approprier les livres qu'ils transportent. Il sera imité par ses successeurs qui rassemblent non seulement des connaissances grecques mais aussi les textes contenant ce qu'on a appelé les 'sagesses barbares', celles des mages de Chaldée et des prêtres et philosophes d'autres peuples d'Orient. Dans cette Alexandrie, ville exemplaire par son cosmopolitisme, Moïse et Zoroastre sont des figures emblématiques de ces 'sagesses barbares'. C'est d'ailleurs sur ordre du roi que les savants de l'Ecole juive entreprennent, entre 250 et 130 av J.-C., la traduction de la Bible en grec, la fameuse Version des Septante, qu'utiliseront les premières églises chrétiennes et qui sert toujours de référence.

Démétrios de Phalère et Callimaque, grammairien et poète, qui lui succède comme bibliothécaire, ont mis en place les fichiers, les notices et les techniques d'archivage des livres. Les volumes se présentent sous la forme de rubans de papyrus collés et enroulés autour d'un bâton. Ils étaient longs de 2 à 12 mètres et larges de 16 à 30 centimètres. En réalité, il y avait deux bibliothèques, la 'bibliothèque-mère', qui se trouvait à l'intérieur du Musëion ou 'Musée', et la 'bibliothèque-fille ' au Serapeum, le temple du dieu Sarapis. Elles n'étaient pas ouvertes au public mais réservées aux savants et contenaient, avant leur destruction par le feu, quelques 700 000 volumes.

Qui les a détruits ? On a accusé les Romains et les Arabes. A tort, démontre Luciano Canfora, au terme d'une rigoureuse enquête. Dans sa Véritable histoire de la bibliothèque d'Alexandrie, l'auteur passe au crible les textes anciens dont ceux de Tite-Live et montre que l'attaque du port par Jules César en 47 av. J.-C., détruisit bien 40 000 rouleaux mais ceux–ci étaient uniquement des copies destinées à l'exportation.

Selon Luciano Canfora, le véritable responsable de la destruction de la bibliothèque d'Alexandrie est le patriarche Théophile qui, en 389 de notre ère, déclare la guerre aux païens. Il détruit d'abord le Serapeum de Canope (l'actuelle Aboukir) et, deux ans plus tard, s'en prend au Serapeum d'Alexandrie et aux deux bibliothèques. «Le bûcher des livres fait partie de la christianisation », constate Canfora. C'est le premier autodafé ! Après Alexandrie suivront Pergame, Antioche, Rome, Constantinople...

Faisons un immense saut dans le temps. En 1990, à l'initiative du gouvernement égyptien et avec le soutien de l'UNESCO, la décision est prise de construire une nouvelle bibliothèque, située face à la mer, à l'emplacement de l'antique Musëion des Ptolémées, à l'opposé de l'île de Pharos, devenue presqu'île de Ras el Tin. Cette île donna son nom au phare édifié par Sostrate de Cnide vers 279 av. J.-C. Il s'effondra en 1302 et fut remplacé par le fort Kaï Bey. Mais c'est une autre histoire...

Grand oeuvre des temps modernes, la Biblioteca Alexandrina est un édifice original, d'une beauté sobre et riche de symboles. Le toit a la forme d'un disque solaire légèrement incliné. Sur le mur extérieur, de granit gris, ont été gravés tous les alphabets du monde. Le planétarium, l'espace intérieur, n'est pas cloisonné mais rythmé par des colonnes de béton brut à l'allure imposante.

Riche de 100 000 manuscrits et de quelques 4,8 millions de volumes, concernant plus particulièrement la Méditerranée, branchée sur le Web, cette bibliothèque qui devait être inaugurée en 1998, le sera en fait à la fin 2000. Elle est bien, comme le dit avec bonheur le Dr. Mohsen Zahlan, chef du projet, un «phare du savoir ».

Paul BALTA

SOURCE : http://www.omarlecheri.net/ency/biblio.htm