Paroles bafouées et massacres
II. 2/. LE DRAGON ANGLE EN AMÉRIQUE DU NORD :
d)Paroles bafouées et massacres.
"Oeil pour oeil, dent pour dent" avait lu Andrew Jackson dans la Bible. Il avait personnellement une "dent" contre les Seminoles, car il avait essayé en vain de les "déménager" (repousser vers l'Ouest) en 1817-18. Ils étaient trop coriaces, fiers comme les Araucáns (voir le paragraphe "Les Dix Plaies d'Égypte"). Aidés par des fugitifs Noirs, leurs frères de misère échappés des esclavagistes, ils lui ont résisté victorieusement. Pour se venger, il attendit d'être Président des États Unis. Élu, l'heure de sa vengeance sonna. Sept ans durant Noirs et Indiens lui avaient résisté, fraternellement unis sous le commandement du Chef Seminole Osceola :
Citation:
"Durant sept ans les soldats entraient dans les marais, seulement pour y trouver la défaite et dans certains cas la mort. Sept généraux tombèrent, parmi lesquels il y en avait qui étaient les meilleurs de l'armée régulière. A la fin, les États Unis reconnurent leur défaite. Osceola, le grand chef Seminole, fut invité à la conférence de paix, SOUS LA GARANTIE D'UN SAUF-CONDUIT ; mais il fut aussitôt frappé à la tête, lié, jeté dans un donjon, où il mourut l'année même. N'oubliez pas que tout cela fut l'oeuvre d'une Armée sous les ordres directs du Président des États Unis (Jackson)"(1)
C'est ainsi que le président de l'ère jacksonienne eut sa petite vengeance de grand homme. Comme l'eut le général Custer, en faisant assassiner 350 femmes et enfants, pour atteindre l'immortalité dans la Galerie des héros des États Unis (2).
Après l'assassinat d'Osceola il fallait continuer à "libérer" les terres de leurs occupants Seminoles et se venger des Noirs fugitifs. Cette besogne fut confiée au général Zacharie Taylor, élevé lui aussi par la suite à la plus haute dignité de la Nation, à la Présidence de la République, en récompense de ses mérites de meilleur tueur de Peaux-Rouges que son concurrent aux élections. Non seulement tueur d'Indiens des États Unis, mais également d'Indiens du Mexique, qui venaient à peine de secouer le joug du colonialisme espagnol.
Un autre Président des États Unis élu pour ses mérites de meilleur tueur d'Indiens, fut en 1840 le général William Henry HARRISON. Le succès de sa campagne électorale orchestrée par SEWARD (3), de l'aile gauche du parti d'Abraham Lincoln, fut lié au slogan : "Harrison, le héros de Tippecanoe". C'est en effet à Tippecanoe que Harrison attaqua traîtreusement (le Dragon Angle était bien armé, mais la traîtrise était la pièce maîtresse de sa panoplie) le Chef Algonquin Tecumseh, dont le peuple, combattants et non-combattants, fut littéralement massacré par les hommes de Harrison. Tecumseh tué, il fut dépouillé, et sa peau servit à fabriquer des cuirs pour aiguiser les rasoirs.
Des Algonquins transportons-nous maintenant chez les Apaches. Pauvres Apaches ! "INDIENS SAUVAGES ET SANGUINAIRES" lit-on dans le dictionnaire espagnol Espasa-Calpe. Complétons encore une fois ses informations en nous référant à Dee Brown. La félonie des visages pâles envers le chef apache Cochise (invité à des "pourparlers de paix" pour subir le sort d'Osceola) n'avait pas servi de leçon au "sanguinaire"(?) apache Mangas. Arrêté en arrivant au rendez-vous sous la tente du capitaine de l'armée américaine Shirland, sur le sommet de laquelle flottait un drapeau blanc, il passa de vie à trépas dans la nuit suivante, sur ordre du général Joseph West, qui avait dit aux gardes : "demain matin je le veux mort". Et voici comment est mort Mangas, un vieillard, qui ne voulait que la paix avec les Américains - à son âge il n'avait plus envie de se battre.
Citation:
"Les soldats chauffaient leurs baïonnettes dans le brasier avant de les appliquer sur les jambes et les pieds de Mangas. Après avoir enduré ce supplice à plusieurs reprises, le vieillard se dressa et protesta en espagnol de façon véhémente, disant aux sentinelles qu'il n'était pas un enfant avec lequel on s'amusait. Mais à peine avait-il crié son indignation que les deux hommes posèrent leurs mousquetons puis tirèrent presque en même temps sur leur victime. Lorsque Mangas s'effondra en arrière, les gardes vidèrent leurs pistolets dans le corps affalé. L'un des deux soldats le scalpa, l'autre lui coupa la tête et la fit bouillir afin de vendre plus tard le crâne à un phrénologue de l'Est. Ils jetèrent le corps décapité dans un trou. Le rapport officiel disait que Mangas avait été tué au cours d'une tentative d'évasion."(4)
Parmi les Peaux-Rouges le calvaire des Apaches fut des plus douloureux. En 1873 encore, les Apaches des tribus Tontos et Aravaipa "furent encerclés et leurs femmes et enfants criblés de balles"(5). Un autre chef Apache, Eskiminzin et son petit clan de cent cinquante subirent le même sort (6). Pourquoi ? parce que :
Citation:
"Tucson, en 1871, était une oasis de 3.000 trafiquants : cabaretiers, marchands, entrepreneurs, chercheurs d'or, et de quelques profiteurs qui avaient fait fortune pendant la guerre de Sécession, et qui espéraient en faire autant grâce à une guerre contre les Indiens."
Citation:
"Dans l'ensemble ils étaient hostiles à l'existence de districts où des Apaches travaillaient pour subvenir à leurs besoins et vivaient an paix. De telles conditions entraînaient la réduction des forces militaires et, de ce fait, une diminution des profits de guerre."(7)
Alors,
Citation:
"Des hommes mis en position sur le terrain en contrebas ouvrirent sans tarder le feu sur le village, et dès que les Apaches se sauvèrent en courant, un feu roulant tiré du haut des falaises leur coupa la route. En l'espace d'une demi-heure tout était fini. Les Apaches qui n'avaient pas réussi à fuir étaient tués ou faits prisonniers..."
Citation:
"Lorsque Whitman arriva au village, celui-ci brûlait encore et le sol était jonché de cadavres de femmes et d'enfants mutilés. 'J'ai découvert (témoigne le lieutenant Whitman) de nombreuses femmes abattues dans leur sommeil couchées sur des bottes de foin qu'elles avaient ramassées le matin même. Les blessés qui n'avaient pu se sauver avaient le crâne défoncé à coup de massues ou de pierres, tandis que d'autres étaient criblés de flèches après avoir été mortellement blessés par balles. Tous les corps étaient dépouillés de leurs vêtements."
Citation:
"Le chirurgien C.B. Briesly, qui accompagnait le lieutenant Whitman, raconta qu'un bébé de six mois avait reçu deux balles et l'une de ses jambes était presque arrachée."(8)
Tout cela ne s'est pas passé durant les "ténèbres du moyen âge", mais après la Renaissance et le Siècle des Lumières. Le lieutenant Whitman qui eut le courage de tout démasquer et le faire enregistrer dans les documents officiels, était un Don Quichotte. On le punit en brisant sa carrière militaire, pour lui apprendre qu'on ne tolérait pas de gêneurs.
Je regarde encore ce gros manuel scolaire américain de 1946 de Muzzey (9), professeur à Columbia University. On y lit :
Citation:
"Ce fut un triste évènement que le massacre du général George A. Custer, avec sa force de 264 hommes, par les Indiens Sioux, sous leur chef Siting Bull, à Little Big Horn, au Montana, le 25 Juin 1876. Il a fallu 20 ans de batailles menées par quelques-uns des meilleurs généraux de la guerre civile et coûta au gouvernement 20.000.000 de Dollars avant que les hommes rouges fussent finalement pacifiés."
"Des hommes rouges finalement pacifiés". Repose en paix "homme rouge", l'homme blanc t'a pacifié en tuant tes enfants et en déchirant le ventre de ta femme. Quand on massacrait des Indiens des professeurs d'Histoire appelaient cela "pacifier" dans leurs manuels scolaires. Mais quand des "hommes rouges" faisaient Justice de leurs "pacificateurs", ils appèlaient cela "massacre". Quel malheur que les Peaux-Rouges n'aient pas fait Justice de Custer avant qu'il perpétue ses crimes ! Quel dommage qu'on n'ait pas érigé alors un Tribunal de Nürnberg comme on a fait pour les criminels de guerre nazis !
Custer-les-fesses-dures, comme l'appelaient les Indiens parce qu'il était un "dur" pour les longues chevauchées, était possédé par la manie de collecter les scalpes d'Indiens. Il sévissait sous les ordres du générai Phil Sheridan au célèbre slogan : "IL N'Y A DE BON INDIEN QUE D'INDIEN MORT" (10), et il était un subordonné modèle. C'est pour cela qu'on donna son nom à une ville, comme firent les Espagnols avec Valdivia (voir le paragraphe "Les Dix Plaies d'Égypte"). Le lieutenant-colonel du 7e régiment de cavalerie Armstrong Custer avait reçu ordre du général Phil Sheridan de sévir contre les Indiens de la tribu de Chaudron-Noir :
Citation:
"Les ordres que Custer avait reçus de Sheridan étaient explicités : 'progresser vers le Sud en direction des Antilope Hills, puis vers la Washita, quartier d'hiver supposé des tribus hostiles ; détruire leurs villages, massacrer ou prendre tous les guerriers et faire prisonniers les femmes et les enfants'."
Citation:
"En l'espace de quelques minutes les soldats de Custer détruisirent le village de Chaudron-Noir. Ne tuer ou ne prendre que les guerriers les obligeait à les séparer du reste des villageois - vieillards, femmes et enfants. Ils estimaient que c'était là une tâche trop dangereuse et qui prendrait trop de temps ; aussi jugèrent-ils plus efficace et plus sûr de massacrer tout le monde aveuglement, sans faire de distinction. Ils tuèrent ainsi cent trois Cheyennes, or onze seulement parmi eux étaient des guerriers."(11)
Quand il ne resta plus grand chose en vie, un des survivants fit la déclaration suivante au Reverend W.J. Cleveland :
Citation:
"Ils nous ont fait des promesses plus que je n'en puisse me souvenir ; mais ils n'en respectèrent qu'une seule : ils s'étaient promis de prendre nos terres, et ils les ont prises."(12)
Et voici comment ils les ont prises :
Citation:
"Chaque butte cachait une forme humaine déchiquetée par des Schrappels et des balles de carabine, couverte par du sang coagulé, et congelée en des contorsions de mort violente. Ils étaient de tout âge et de tout sexe. L'assaut à décharge de fusils et canons ne ménagea personne. Paddy Starr trouva trois femmes enceintes criblées de balles. Une autre femme avec son abdomen envolé. Un garçonnet de dix ans avec un bras, une épaule et la poitrine déchiquetés par un obus. "D'autres firent des découvertes similaires."(13)
À la page suivante du même ouvrage on lit qu'
Citation:
"Il y a eu en tout 146 morts, 102 hommes et femmes adultes, 24 hommes vieux, 7 vieilles femmes, 6 garçons entre 5 et 8 ans et 7 bébés au-dessous de 2 ans. Leurs corps furent jetés sans cérémonie dans une fosse. 'C'était à fendre le coeur d'un homme, même s'il était en pierre', dit un observateur de la scène, 'de voir des petits enfants avec leurs corps cribles de balles jetés nus dans un trou'. Quand le dernier corps roula dans la fosse, les blancs s'alignèrent autour d'elle pour prendre des photos. Après cela ils jetèrent des pelletées d'immondices dessus et chevauchèrent de retour à l'Agence."
Ils ne s'alignèrent pas pour pleurer, mais pour prendre des photos. Ces appareils photo à eux seuls prouvaient à certains que notre civilisation était supérieure à celle des Indiens...
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1/. Clarc Wissler, INDIANS OF THE UNITED STATES, cité par William Z. Foster, OUTLINE POLITICAL HISTORY OF THE AMERICAS, International Publishers, New York 1951, page 218.
2/. Le procédé de Andrew Jackson n'est pas une félonie spécifiquement américaine. Elle fut courante au sein du "monde civilisé" dans ses rapports avec les "peuples primitifs". La même méthode fut employée par Napoléon le Grand bien avant Jackson, pour se venger de Toussaint l'Ouverture, le général Noir, qui au service de la Révolution Française avait défendu avec succès Haïti contre les Anglais du général Maitland (appelés par les planteurs esclavagistes français) et avait battu par la suite à plate couture les soldats de l'"Aigle d'Austerlitz"...
3/. Seward était le grand théoricien du TO THE WEST, vers le Pacifique, et de là "jusqu'aux plaines d'Asie"...
4/. Dee BROWN, ENTERRE MON COEUR A WOUNDED KNEE, coédition Stock-Opera Mundi 1973, page 257.
5/. Idem, page 267.
6/. Idem, page 260.
7/. Idem, page 262.
8/. Idem, page 264, (Ministère de l'Intérieur des USA, Rapport de 1871, page 488).
9/. D.S. Muzzey, A HISTORY OF OUR COUNTRY, éditeurs Ginn &Co., Boston 1946, page 459.
10/. Charles & Mary Beard, THE RISE OF AMERICAN CIVILISATION, The Macmillan Company, New York 1927-1947, vol. II, page 131.
11/. Dee BROWN, ENTERRE MON COEUR A WOUNDED KNEE, coédition Stock-Opera Mundi 1973, page 222.
12/. Robert M. Utley, THE LAST DAYS OF THE SIOUX NATION, Yale University Press, 1973, page 59.
13/. Idem, pages 2 et 3.
Web : basile-y.com
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