L'âge légal du mariage chez les premiers chrétiens !

L'âge légal du mariage chez les premiers chrétiens !

Par Ibn Karim, membre du collectif

03/05/2011

 

Note préliminaire : Pour la rédaction du présent article, j’ai utilisé l’ouvrage de référence « Histoire du Mariage », sous la direction de Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles, édition Robert Laffont, Paris 2009 (plus de 1200 pages), Ainsi que d’autres sources.

Objectif : l’objectif de cet article est de montrer que l’âge du mariage des filles chrétiennes était très précoce et que l’épouse chrétienne était souvent une petite fille !

 

Introduction

Certains missionnaires chrétiens s’acharnent à critiquer le mariage du prophète Mohamad (saws) avec Aïcha (ra). Nous avons beau à leur expliquer que ce genre de mariage était totalement légitime pour la société arabe du VIIè siècle, mais par mauvaise foi, ils s’obstinent à juger le prophète (sws), homme arabe du VIIè siècle avec une mentalité du XXIè siècle !

Je me suis donc penché sur l’histoire du mariage chrétien en me posant deux questions essentielles :

1) Que dit le Nouveau Testament à propos de l’âge du mariage ?

2) A quel âge se mariaient les premières chrétiennes ?

I - Que dit le Nouveau Testament ?

Les références au mariage dans le Nouveau Testament sont rares. Nous lisons dans « l’Histoire du Mariage » :

« Jésus s’est assez peu exprimé sur le mariage, car pour lui cette question n’est pas essentielle dans son enseignement. Nous avons eu l’occasion de citer plus haut sa discussion avec les pharisiens sur la possibilité de répudier une femme, selon les distinctions qu’établissaient les écoles rabbiniques contemporaines. La réponse de Jésus est claire : ‘Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni !(…) Si quelqu’un répudie sa femme et en épouse une autre, il est adultère » (Mathieu, 19, 6-9). En prenant appuis sur la Loi, Jésus réaffirme l’indissolubilité du mariage en en prenant le sens le plus restrictif. Marc, dans la même discussion, développe la parole de Jésus en fonction du droit romain, qui autorise le divorce : ‘Si la femme répudie son mari et en épouse un autre, elle est adultère’ (Marc, 10, 12). (…) Jésus affirme alors la valeur du célibat pour chercher le Royaume des cieux : ‘Il y a des eunuques qui sont nés ainsi du sein maternel, il y a des eunuques qui ont été rendus tels par les hommes, il y en a qui se sont rendus eux même eunuques à cause du Royaume des cieux. Comprenne qui pourra !’ (Mathieu, 19, 12). Il faut comprendre que Jésus emploie ici un terme fort, « eunuque », pour désigner celui qui renonce au mariage et aux plaisirs des sens pour se consacrer à attendre le retour de Jésus. Ce passage que Jésus lui-même considère comme mystérieux est cependant fort important pour l’histoire du christianisme car, sous une formulation énigmatique, il exprime l’idée qu’à côté de l’état de mariage, le disciple de Jésus peut opter pour le célibat qui libérera son esprit des préoccupations quotidiennes. »  (« Histoire du Mariage », sous la direction de Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles, édition Robert Laffont, Paris 2009, pp 181-182)

Jésus donc ne s’est pas exprimé sur l’âge du mariage ! Les rares références au mariage qu’on trouve dans ses propos ne concernent que l’indissolubilité de l’union, et la possibilité du célibat pour libérer son esprit des préoccupations quotidiennes.

D’autres références au mariage se trouvent dans les écrits de Paul :

« Paul envoie ses lettres à des communautés qui s’interrogent sur le comportement à tenir dans les différentes occasions de la vie. Aussi ne faut-il pas s’étonner si les questions à propos du mariage reçoivent des réponses circonstanciées. La première épître aux Corinthiens développe longuement les différentes situations dans lesquelles se trouvent les couples mariés. Ces versets deviendront la règle pour les premières communautés chrétiennes.  La position de Paul, souvent présenté comme un extrémiste de la pensée chrétienne, est dans ce cas précis modérée. En effet, il connaît bien les différentes situations dans lesquelles peuvent se trouver les Corinthiens (mariés, veufs, fiancé, célibataires) et il n’est pas questions pour lui de tout bousculer pour ‘faire du neuf’ : ‘Que chacun vive selon la condition que le Seigneur lui a donnée en partage et dans laquelle il se trouvait quand Dieu l’a appelé. C’est ce que je prescris dans toutes les églises’ (1 Corinthiens, 7, 17).

C’est pourquoi il se contente de donner une série de suggestions pour que chacun tire le meilleur parti de sa condition présente. En ce qui concerne les couples mariés, Paul se rallie à la position de Jésus : ‘Que chaque homme ait sa femme et que chaque femme son mari.’ Il conseil aux couples, sans en faire une obligation, de vivre des moments d’abstinence pour se consacrer à la prière d’un commun accord. Dans les couples ‘mixtes’, il n’est pas nécessaire que le mari chrétien (ou la femme chrétienne) se sépare de son conjoint païen, car celui-ci peut d’une certaine manière participer involontairement à la sainteté de la communauté chrétienne.

Pour les célibataires et les veuves, Paul estime que le mieux est de rester dans l’état ou ils sont. ‘Mais s’ils ne peuvent vivre dans la continence, qu’ils se marient. Car il vaut mieux se marier que brûler !’ (1 Corinthiens, 7, 9). Le passage sur les vierges est particulièrement important, car c’est celui qui aura le plus de répercussions pendant les premiers siècles du christianisme pour faire de la virginité la vertu la plus haute des chrétiens. Paul en fait se contente de dire : ‘Je n’ai pas d’ordre du Seigneur, c’est un avis personnel que je donne. Je pense que l’état de virginité est bon à cause des angoisses présentes(…). Si tu te maries, tu ne pèches pas, si une vierge se marie, elle ne pèche pas.’ Il est probable que Paul pense aux épreuves que rencontrent beaucoup de familles d’alors à cause de l’adhésion de certains de ses membres au christianisme… La virginité serait donc l’expédient qui éviterait les dissensions familiales.

Paul pense aussi peut-être aux croyances eschatologiques de son temps, ou beaucoup de chrétiens se préparent à la fin du monde. Le mariage dans ces conditions est tout à fait inutile. Paul pense aussi aux fiancées encore vierges : ‘Celui qui épouse sa fiancée fait bien, et celui qui ne l’épouse pas fera encore mieux’ » (« Histoire du Mariage », sous la direction de Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles, édition Robert Laffont, Paris 2009, pp 182-183)

Nous remarquons que Paul a abordé plusieurs points en relation avec le mariage mais il n’a cependant absolument rien dit sur l’âge du mariage. Non seulement Paul n’a pas mis une limite à l’âge de nubilité, mais il a même autorisé le père à marier sa fille à l’âge nubile s’il considère cela nécessaire (1Corinthien 7 :37) :

Si quelqu'un regarde comme déshonorant pour sa fille de dépasser l'âge nubile, et comme nécessaire de la marier, qu'il fasse ce qu'il veut, il ne pèche point; qu'on se marie. (Bible Segond)

 Reste à savoir quel était l’âge nubile, c'est-à-dire l’âge du mariage, chez les romains à l’époque ou Paul écrivait cette lettre. Nous verrons cela plus bas.

 Récapitulons :

- Les références au mariage sont rares dans le Nouveau Testament.

- Nous ne trouvons aucune limite d’âge au mariage dans le Nouveau Testament.

 

II - L’âge du mariage des premiers chrétiens

Comme nous venons de voir plus haut, le Nouveau Testament (comme l’Ancien Testament) ne met aucune limite à l’âge du mariage. Les premiers chrétiens ont continué donc à se marier selon leurs coutumes. Les judéo-chrétiens continuaient à se marier selon les rites juifs et les chrétiens issus du paganisme ont continué à se marier selon leurs propres rites.

«Les premières communautés chrétiennes se développent en milieu juif (Judée), puis dans les provinces orientales de l’Empire (Syrie, Asie Mineur, Grèce), enfin à Rome et dans le monde occidental. Les juifs convertis au christianisme relèvent de deux traditions : ceux de Judée continuent à se plier aux pratiques juives du mariage, ceux des provinces, appelés dans le Nouveau Testament les Hellénistes, ont adopté les coutumes gréco-romaines de l’Empire, ce qui veut dire que chez eux le divorce est possible » (« Histoire du Mariage », sous la direction de Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles, édition Robert Laffont, Paris 2009, pp 181)

A/ Les judéo-chrétiens

Nous n’allons pas trop développer le cas des judéo-chrétiens car ils étaient minoritaires mais il convient de présenter brièvement l’âge du mariage selon les coutumes juives, que les judéo-chrétiens ont continué à respecter. 

Les coutumes juives encouragent le mariage précoce. C’est même presque une obligation !

« Le premier commandement positif de la Bible selon l’interprétation rabbinique  (Maimonides, "Minyan ha-Miẓwot," 212), concerne la propagation de l’espèce humaine (Gen. i. 28).  Ainsi, il est un devoir pour tout israélite de se marier le plus tôt possiblecertains insistent sur le fait que les enfants doivent se marier dès qu’ils atteignent l’âge de la puberté. »  (‘Jewish Encyclopedia’, Jewishencyclopedia.com)

Selon le Talmud, il est possible d’avoir des relations sexuelles avec une fille de 3 ans et 1 jour :

« Une jeune fille âgée de trois ans et un jour peut être acquise durant le mariage par le coït, et si elle cohabite avec le frère de son défunt mari elle devient à lui. » (Babylonian Talmud, Sanhedrin 55b)

Ainsi donc, les premiers judéo-chrétiens ont continué à se marier selon les coutumes juives. Le mariage était très précoce dans ces sociétés.

B/ Les chrétiens issus du paganisme

A présent, regardons le cas des chrétiens issus du paganisme, qui sont devenus rapidement majoritaires. Les chrétiens issus du paganisme continuaient à se marier selon les coutumes et le droit romain.

« Le christianisme n’a rien changé aux formes juridiques du mariage dans le monde antique. Les citoyens romains continuent à s’unir en juste noces selon le jus connubii, les citoyens des villes de l’empire se réfèrent au jus prentium (droit des peuples), les pérégrins (étrangers) se marient selon le droit local. Aucun changement n’est apporté au concubina et au contu bernium réglant l’union de personnes privées, pour une raison quelconque, du droit du mariage et des esclaves. L’édit de carcalla en 212 donne la citoyenneté romaine à tous les habitants libres de l’empire, ce qui leur procure le jus connubii. Cependant, beaucoup d’individus gardent la double citoyenneté, romaine et celle de leur pays d’origine, ce qui maintient la diversité des formes de mariage. A première vue les chrétiens ne distinguent pas des autres dans le mariage : ‘ les chrétiens se marient comme tout le monde, ils ont des enfants comme tout le monde, mais ils n’abandonnent pas leur nouveaux nés. Ils , partagent tous la même table mais non la même couche’ (épitre a diognète, vers l’an 200). » (« Histoire du Mariage », sous la direction de Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles, éditions Robert Laffont, Paris 2009, pp 185)

« Sommes toute, peu de choses séparent les chrétiens des païens dans la célébration des mariages. Seule leur vie conjugale doit témoigner de leur foi et ils s’engagent à ne jamais rompre leur union et à être fidèle l’un à l’autre. » (« Histoire du Mariage », sous la direction de Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles, éditions Robert Laffont, Paris 2009, pp 186)

Ainsi donc, l’Histoire nous prouve que les premiers chrétiens se mariaient comme le reste des citoyens de l’Empire. Le christianisme n’a rien changé aux coutumes et au droit romain du mariage. Mais à quel âge se mariaient les romains ?

« Les romains fixent l’âge du mariage à la puberté des deux jeunes gens : ‘ les citoyens romains contractent un mariage légal s’ils suivent les conditions de la  loi, les garçons ayant atteint l’âge de la puberté, les filles étant capable de supporter des relations sexuelles  (viripotentes, ‘ capable de supporter un homme’) ‘ (justinien, I, 10).  Les romains fixent l’âge de la puberté à 14 ans pour un garçon, à 12 ans pour une fille. En opposant les grecs aux romains, Plutarque donne cette explication au mariage précoce des filles à Rome : ‘ les romains marient leur fille à l’âge de 12 ans et même moins, dans l’idée qu’à cet âge le mari trouverait en elle un corps pur et des mœurs chastes ‘ (Plutarque, Numa, 26,2). L’âge requit pour le mariage des filles ne correspond pas à l’apparition des premières menstruations qui en général se situent vers 13 ou 14 ans. Les petites romaines sont donc généralement  impubères si on les marie à 12 ans. Cette particularité, choquante pour les mentalités occidentales, a longtemps était évacuée par les historiens modernes qui affirmaient que le mariage n’était pas consommé tout de suite. Marcel Durry, dans une communication prononcée en 1955, adapte la position inverse et prouve que les relations sexuelles avec une fille impubère sont bien attestées à Rome. Si 12 ans est l’âge à partir duquel le mariage est légitime, l’union conjugale peut se situer plus tôt. En effet, la fillette peut être conduite dans la maison de son futur mari vers 10 ou 11 ans loco nuptae (au rang de femme mariée) en attendant 12 ans et la reconnaissance légale du mariage. ‘ On s’est demandé s’il y avait fiançailles dans les cas où les noces auraient été célébrées bien avant la 12ème année et j’ai toujours approuvé la vie de Labeo qui dit que, s’il y avait eu fiançailles celles-ci duraient, bien que la jeune femme ait commencé à vire dans la maison conjugale avec titre d’épouse (loco nuptae) ‘ (Digeste, 23, 1, 9). Nous ne pouvons donc écarter le fait que parfois les mariés étaient des femmes – enfants et que les époux n’avaient aucun scrupule à avoir des rapports sexuels avec elles. D’ailleurs, une opinion courante affirmait à Rome que ceux-ci favorisaient l’écoulement menstruel. » (« Histoire du Mariage », sous la direction de Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles, éditions Robert Laffont, Paris 2009, pp 110-111)

« La législation romaine sur ces unions précoces est fort abondante ce qui laisse supposer qu’elles étaient courantes. Ulpien s’interroge en particulier  pour savoir si une fillette de moins de 12 ans qui aurait commis un adultère doit être puni selon la loi Julia sur les adultère. Il reste à imaginer les troubles psychologiques et physiologiques que ces unions prématurées devaient produire chez les petites romaines. » (« Histoire du Mariage », sous la direction de Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles, édition Robert Laffont, Paris 2009, pp 112)

« Il peut y avoir des écarts d’âge fort grands entre les deux époux, rien n’interdit à un monsieur d’âge respectable de prendre pour épouse une très jeune adolescente qui pourrait être sa fille voir sa petite fille. »  (« Histoire du Mariage », sous la direction de Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles, éditions Robert Laffont, Paris 2009, pp 112)

Comme nous venons de voir, les petites romaines se mariaient à l’âge de 12 ans et même moins (11, 10,9…) avec des hommes qui pouvaient être leur grands pères et qui avaient des rapports sexuels avec elles malgré leur jeune âge. Ni Jésus ni Paul, qui a largement écrit sur le mariage, n’ont condamné cela. Les chrétiens ont donc continué pendant des siècles à se marier de la sorte. Au concile de Trente, convoqué par le Pape Paul III en 1542, l’âge de mariage à 12 ans pour les filles est confirmé.

« Le concile de Trente a rappelé les âges minima en dessous desquels le mariage devait être considéré comme invalide, lorsque les adolescents sont encore impubère : 12 ans pour les filles et 14 ans pour les garçons. Les juristes français ont reconnu ces seuils de nubilité et accepté les mariages d’adolescents, à condition qu’ils soient conclus avec le consentement des parents, l’âge importe donc moins que la volonté paternelle… »  (« Histoire du Mariage », sous la direction de Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles, édition Robert Laffont, Paris 2009, pp 494)

Les petites chrétiennes vont continuer à se marier à 12 ans en France jusqu’à la Révolution, ou l’âge limite pour les filles passe à 13 ans. (Voir : Marie-Odile Mergnac, Le mariage et ses rites, d’hier à aujourd’hui, éd.Archives et Culture, 2010)

 

Récapitulons :

- Les romaines se mariaient et avaient des rapports sexuels à l’âge de 12 et moins, avant d’avoir les menstruations, avec des époux qui pouvaient être leurs grands pères.

- Vu qu’aucun écrit néotestamentaire ne condamne cette pratique, ni même pas Paul qui a donné des recommandations sur le mariage et la vie conjugale, les chrétiens ont continué à suivre ces coutumes.

- Le Concile de Trente convoqué par le Pape Paul III en 1542 confirme l’âge du mariage à 12 ans pour les filles.

 

Conclusion

Comme nous venons de voir, les petites chrétiennes se mariaient et avaient des rapports sexuels très tôt durant des siècles, des rapports qui seraient punis par la loi de nos jours. En France il a fallut attendre la Révolution et la rupture avec le christianisme pour que l’âge limite passe à 13 ans.

Maintenant si nous suivons le raisonnement de certains missionnaires chrétiens islamophobes, nous devrions considérer que tous les chrétiens étaient pédophiles, et que Jésus et Paul sont des complices de la pédophilie puisqu’ils n’ont pas condamné ces pratiques qui existaient à leur époque.

En réalité, ce qu’il faut retenir, c’est que ces mariages doivent être remis dans leur contexte historique. Les mentalités des premiers chrétiens ou ceux de l’Ancien Régime sont différentes de la mentalité que nous avons aujourd’hui, de même que la mentalité des arabes du VII siècle est différente de notre mentalité occidentale du XXI. Ce qui aujourd’hui nous choque, nous citoyens du XXI siècle, était dans d’autres époques légitime.